UNIVERSITÉ POPULAIRE: Nées en France à la fin du XIX’ siècle, dans le contexte de l’affaire Dreyfus.
les universités populaires connaissent un essor remarquable (on en compte jusqu’à 230, regroupant environ 50000 auditeurs) avant qu’elles ne disparaissent progressivement à l’approche de Il Première Guerre mondiale, C.Verrier, 2001. Les problèmes financiers, les divergences politiques et idéologiques, l’absence de structure adaptée semblent avoir eu raison du premier âge des universités populaires. Pour A. Thierry, 1923, « L’université populaire ignorait les métiers, voilà la vraie cause de sa ruine, et l’école syndicaliste vivra des métiers et pour les métiers».
Un ouvrier typographe anarchiste, G. Deherme (1867-1937) fonde la première université populaire en avril 1898, qui reçut plus tard le nom de La coopération des Idées. Les autres universités populaires viennent « d’en haut» et inaugurent une longue tradition d’universitaires qui vont au peuple. Les universités populaires sont l’aboutissement de deux grands mouvements : le mouvement ouvrier et le mouvement scolaire.
Dans les statuts de 1900, de l’une des plus anciennes université populaire de France, toujours en activité, l’Université populaire de Lille et de la région du Nord, la société se donnait notamment « pour but de créer et d’entretenir des cours et conférences publics et gratuits, à l’usage des adultes des deux sexes,de fonder des bibliothèques et des salles de lecture, des cabinets de consultations médicales et juridiques gratuites, des salles de récréation, etc. Elle s’occupe du patronage et du placement gratuit des adultes inscrits à l’U.P. » (article 2). D’une manière générale, on peut être frappé par l’ambition des programmes et le caractère encyclopédique des connaissances transmises aux auditeurs. Les universités populaires ne sont pas une spécificité française. L’éducation des adultes est très dynamique en Europe du Nord (Danemark, Suède, Finlande), mais aussi en Allemagne, Autriche, Suisse. Les UP se développent égaIement en Europe du Sud (Italie, Espagne) et orientale (Roumanie, Estonie … ).
Une figure majeure de la pédagogie européenne, N. F. S. Grundtvig (1783-1872) a donné son nom au programme de l’Union européenne centrée sur l’éducation des adultes. Au regard de la principale figure intellectuelle et spirituelle du XIX’ siècle danois, la culture doit être ouverte à tous, désintéressée, sans examen ni diplôme. Elle doit naître dans un lieu autonome, du dialogue entre un maître prima inter pares, et de jeunes ouvriers et paysans que l’enseignement traditionnel a délaissés. Nourri d’un échange cordial, le lien entre maître et élèves, sur lequel Grundtvig insiste tant, est fondamental. L’éducation et l’instruction renvoient au monde, à la vie et à la liberté, d’où un foisonnement d’idées et de réalisations.
Le philosophe M. Onfray, fondateur de l’université populaire de Caen, 2002, auteur d’une contre-histoire de la philosophie, a rédigé en 2004, un Manifeste pour l’université populaire au service d’« une communauté philosophique », où il est proclamé qu’« ouvrir des Universités populaires qui, via la médiation d’un intellectuel collectif, produit les conditions de possibilité d’une sculpture de soi, d’une belle individualité. Éloge, donc, des révolutions moléculaires », La catégorie du « populaire» est problématique car elle n’a pas le même sens aux origines du mouvement à la fin du XIX’ siècle et plus d’un siècle plus tard. Pour l’historien Michelet, 1846, le peuple ne se confond pas avec la classe sociale ou un regroupement de classes, ni avec la plèbe (les plus pauvres), ni avec la race, la patrie, la nation. C’est le peuple qui est l’auteur de l’histoire, il est vecteur, c’est-à-dire quelque chose qui indique une direction à suivre. Pour G. Poujol, 2005, éducation ouvrière et éducation populaire ne sont pas synonymes en dépit de la correspondance de dates.
En réalité, comme l’indique P. Corcuff, sociologue, animateur de l’UP de Lyon, 2008, « Il s’agit d’une entreprise populaire parce que l’enseignement est plus accessible à des gens qui ne sont pas nécessairement passés par l’université et, dans un sens plus politique, parce qu’il s’agit de participer à éclairer les citoyens, de leur apporter des connaissances pour qu’ils puissent mieux s’orienter dans la vie de la cité.
La contribution des savoirs à la constitution du peuple demeure une idée actuelle des Lumières », Le mouvement des UPen France comme ailleurs en Europe et dans le monde, est riche de sa très grande diversité. Par exemple, l’UP ATD Quart-Monde de la région Ile-de-France, représentée par G. Tardieu, porte une dimension citoyenne forte, car elle vise à faire connaître l’apport des plus pauvres au débat public (colloque international de Cerisy-la-Salle, Août 2008). Selon le président de l’Association des universités populaires de France, AUPF, D. Rambaud, il existe un véritable marché de la formation permanente où s’exercent des phénomènes de concurrence dans un contexte de surabondance de l’offre. Le partage des connaissances au sein des universités populaires s’appuie sur les savoirs issus de la vie ou de l’action, mais aussi sur une réflexion critique et prospective sur la cité. Les dimensions politique, bénévole et militante, ne sont pas séparables de la croyance éducative et du mythe des universités populaires d’hier à aujourd’hui.
~ Apprenance; Échangede savoirs; Culture; Instruction; Rapportau savoir; Université… Orientation bibliographique
• Charlot, B. (1999). Le rapport au savoir en milieu populaire. Paris: Anthropos.
• Léon, A. (1983). Histoire de l’éducation populaire en France. Paris: Nathan.
• Poujold, G. (1981). L’éducation populaire : histoire et pouvoirs. Paris: Éd. ouvrières.