EDUCATION
Du cloisonné et fragmentaire au partagé et relié: les
compétences comme cadre commun de coopération éducative
Une éducation globale: enjeu individuel et collectif pour la société d’aujourd’hui,
Des compétences comme acquis de pratiques sociales et expériences de vie,
« L’Homme est la seule créature qui soit susceptible d’éducation. Par éducation l’on entend les soins (le traitement, l’entretien) que réclame son enfance, la discipline qui le fait homme, enfin l’instruction avec la culture…"
"Le développement interne de nos facultés et de nos organes est l’éducation de la nature; l’usage qu’on nous apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes; et l’acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses".
Les compétences clefs comme assise, armature et charpente pour maîtriser sa vie personnelle et le vivre ensemble: un support commun pour les activités éducatives incluant celles d’enseignement
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Les compétences et connaissances de chacun comme objectif d’une éducation première globale et commune pour tous. Elle se réfère à la globalité de l’individu, à l’unicité de la personne, à son autonomie et son émancipation.
– L’entrée par les compétences et connaissances répond à ces perspectives en fournissant le levier pour mener les actions éducatives cohérentes indispensables pour relever le défi des mutations en cours
– Elle s’inscrit dans une approche "globale" par les 6 D: "décloisonner, défragmenter, désegmenter, décompartimenter, désectoriser, dissocier". Elle se situe dans la logique complexe du "penser ET agir global, agir ET penser local" par le croisement des différents niveaux.
PRISME – Le chemin de l’avenir, les compétences-(jcg)
-I- SOCLE COMMUN et EDUCATION: connaissances,
compétences, pratiques sociales
1- Deux questions sont au coeur des évolutions/transformations de l’Education en France dans le cadre global des évolutions et mutations planétaires.
– Celle du "socle commun de compétences et de connaissances", à l’ordre du jour depuis 2005, pour l’Ecole et l’enseignement, prenant la suite des discussions amorcées dans les années 80 sur la culture commune de référence, le savoir minimum1 ou le noyau fondamental2. Mais, en restant confinée au champ scolaire et à une vision purement hexagonale, cette conception du "socle" demeure cloisonnée dans un découpage et un compartimentage disciplinaires qui ne peuvent ni résoudre le problème du sens des apprentissages cognitifs ni permettre de repenser l’éducation.
– Celle de l’absence de réflexion sur la définition de l’éducation (valeurs, finalités, contenus, structures, méthodes) qui demeure fragmentée et compartimentée. L’éducation est un tout et en la réduisant à l’enseignement (certes fondamental), en ne prenant que la seule focale de l’enseignement (les connaissances, les programmes) c’est faire l’impasse sur cette globalité éducative, c’est demeurer dans le carcan de structures (heure, classe, enseignant), c’est se cantonner dans une conception transmissive et passive d’un "savoir" sacralisé et cloisonné.
Assimiler l’éducation à l’enseignement c’est privilégier les savoirs dits académiques et leur mode de transmission linéaire, c’est "oublier" ou négliger ceux qui sont acquis par les enfants et jeunes dans leur espace social et avec leurs pairs ou familles.
Outre cette vue partielle et partiale c’est, avant tout méconnaître les bouleversements sociaux et sociétaux, culturels et économiques, scientifiques et technologiques en cours. C’est négliger les enjeux dévoilés par le tourbillon des mutations et des évolutions rapides au travers des crises qui se produisent depuis la décennie 70.
2- L’enjeu social (mais aussi culturel autant qu’économique) autour de la question éducative consiste dans la participation de tous les acteurs éducatifs qui accompagnent les enfants et jeunes dans leurs pratiques quotidiennes et contribuent à la construction de leurs compétences. Il s’agit de consolider, légitimer et élargir la logique d’éducation partagée mettant en cohérence les différentes activités éducatives. C’est pourquoi limiter le socle commun à la seule scolarité obligatoire c’est réduire et soumettre l’éducation à l’enseignement
académique ou formel en négligeant l’apprentissage quotidien de chacun dans ses activités, ses lieux, ses loisirs, ses relations. Ce socle doit aussi être le "bien commun" de tous les acteurs et être partagé 3.
Le socle, tel qu’il est présenté aujourd’hui, mérite d’être revu à la lumière des huit compétences clefs de l’UE pour devenir ce bien commun afin de se dégager de son aspect et de ses références disciplinaires uniquement scolaires pour devenir l’objet commun des politiques éducatives.
Ainsi conçu le socle commun répondrait à la nécessité absolue de se donner les moyens de mesurer, d’anticiper et répondre aux défis des mutations sociales, culturelles, sociétales et technologiques des sociétés contemporaines (française, européennes, émergentes…).
1 Giscard d’Estaing: A côté de la scolarité obligatoire "imaginer une autre obligation qui serait de donner à chaque Française et à chaque Français un savoir minimal" (1974)
2 Rapport du Collège de France (1985)
3 Voir l’article de Frédéric Jésu sur "réussite" et "échec" (Prisme Février 2011)
PRISME – Le chemin de l’avenir, les compétences-(jcg)
3- Le socle serait une clef pour prendre à bras le corps la réalité que l’on pressent sans en prendre toute la mesure: nous sommes à la fin d’un cycle ouvert par les années 70 (les crises diverses et successives ou combinées) et l’entrée dans une transition douloureuse en cours vers un autre monde… aux contours largement inconnus mais pourtant prévisibles… A propos de ce que l’on peut qualifier de "crise écologique", nombreux sont ceux qui tirent la sonnette d’alarme sur les conséquences sociales et politiques qui s’esquissent: "Si nous n’agissons pas promptement, c’est à la barbarie que nous sommes certains de nous exposer" 4,
L’enjeu est donc de taille: celui de l’avenir même de l’espèce. Le socle prendrait une place décisive dans ce que l’on appelle une politique de civilisation Devant ce qu’il est convenu d’appeler la perte de sens et de repères, l’incertitude et le repliement, les crispations et les inquiétudes, il n’est plus possible d’avoir recours aux vieilles recettes, aux incantations ou aux replâtrages. Au contraire, il devient urgent et obligé de changer de points de vue et de postures au regard d’une nouvelle quadrature indissociable et permanente: "agir et penser localement, penser et agir globalement".
4- Dans ce cadre la question des compétences et des connaissances devient cruciale car elle mêle justement le global (planétaire) et le local (les pays, les territoires), l’individuel (chacun) et le collectif (les initiatives, les politiques).
L’enjeu de l’éducation globale partagée est un enjeu de société central qui a nom autonomie et maîtrise de l’avenir (des sociétés et de soi, identités). Il se traduit en trois défis principaux.
a- construire un système d’éducation/apprentissage tout au long de la vie en mobilisant et réunissant toutes les ressources, compétences et expériences (soutenant notamment toutes les relations intergénérationnelles).
b- impulser, orienter et mettre en oeuvre une éducation partagée.
c- définir et prendre en compte les besoins éducatifs des individus à chaque moment de leurs parcours.
Pour répondre à cet enjeu global et aux défis sociaux la question est de repérer les clefs d’action disponibles? Comment s’y prendre pour les adapter aux serrures à ouvrir? Outre la réflexion préalable sur le champ éducatif et le partage de l’éducation, il est indispensable de changer de posture: décompartimenter et décloisonner en prenant un point de vue global. Le global c’est la personne (unicité et individuation) et la société (collectif et intérêt général).
Ce qui signifie partir non plus des besoins définis par les institutions ou organismes à fonction éducative mais des besoins éducatifs communs des individus constituants telle société, tels qu’ils sont assurés, c’est-à-dire les droits individuels et leur mise en oeuvre afin que tous (donc chacun) y aient accès. Cepoint de vue et cette démarche résultent d’un choix politique, donc collectif en termes d’intérêt général.
4 M. Rocard, D.Bourg, F.Augagneur : "Le genre humain, menacé" – Le Monde du 3-04-2011
PRISME – Le chemin de l’avenir, les compétences-(jcg)
Le chemin des compétences, édification d’une éducation des temps qui viennent: globale, partagée, permanente. Travailler sur les compétences c’est passer de savoirs "offerts" séparés et cloisonnés à des savoirs "conquis" en situations vécues.
Une éducation première qui s’inscrit dans une triple perspective sociale:
– Le développement d’un système d’Education tout au long de la vie en réseaux
– La co-construction collective des relations et des échanges entre acteurs pour instituer l’éducation partagée entre tous ceux exerçant les fonctions éducatives
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La mise en oeuvre collective du principe de l’accompagnement de chacun
Choisir d’entrer dans l’éducation globale par les compétences est justifié par une vision globale des transformations en cours au niveau planétaire (et la nécessité de les comprendre pour les maîtriser) et, d’autre part, par une conception humaniste d’une éducation assurant la satisfaction sociale des besoins
fondamentaux de chaque individu pour devenir et demeurer une personne (et l’instituer en tant qu’être humain). On ne naît pas homme, on apprend à le devenir par l’éducation dans une société politique. Les compétences qui se forment et s’établissent sont d’abord une base perfectible et une boîte à outils sur et avec laquelle chacun(e) se construit dans un apprentissage permanent tout au long de sa vie