Université d’Été de PRISME – 2011
Le 7 Juillet au Cnam de Paris
Atelier : comment mieux prendre en compte les compétence extrascolaires dans les modes d’évaluation. Dans les procédures d’orientation ?
Animé par : Pascal BOUCHARD, journaliste, essayiste Tout Educ
– Yves PEUZIAT, Inspecteur d’Académie – Inspecteur pédagogique régional, chargé du dossier « accompagnement éducatif » dans l’académie de Rouen
Pascal Bouchard :
La problématique est d’actualité puisque qui dit évaluation dit socle commun. Qui dit socle doit un certains nombres de compétences qui ne s’acquièrent pas nécessairement dans le cadre scolaire
Yves Peuziat :
Il existe aujourd’hui une expérimentation en cours, celle du « Livret de compétences expérimental ». Définie par la circulaire du 28 décembre 2009 signée conjointement par le ministre de l’Education nationale et le Haut commissaire aux solidarités actives, cette expérimentation se déroule jusqu’en juin 2012, ceci depuis septembre 2010.
L’objectif de ce livret de compétences expérimental est de permettre au jeune de valoriser ses compétences, de s’auto évaluer et de penser de façon plus réfléchie son orientation. Il est donc l’outil institutionnel pour mieux prendre en compte l’ensemble des compétences acquises en regroupant les acquis scolaires (compétences du socle commun, diplômes et certificats) et extrascolaires (engagements associatifs, aptitudes développées dans le cadre familial, stages en entreprises…).
Au-delà de ce cadre institutionnel mis en œuvre dans plusieurs établissements scolaires expérimentaux sous l’impulsion des autorités académiques en association avec les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, se pose la question du partage d’une acceptation et d’une compréhension commune du concept de compétence dans ses diverses dimensions, condition essentielle d’une cohérence d’une dynamique partagée.
Cette acceptation comme cette compréhension ne vont pas de soi.
Dans l’éducation nationale, siège de l’expérimentation, les pratiques pédagogiques sont encore loin de dépasser la seule transmission de connaissances et d’envisager la construction de compétences par les élèves. Le référentiel du socle commun prend place progressivement au collège, contraint, pour partie, par la nécessité pour les élèves de maîtriser ce socle afin d’obtenir le DNB à la session 2011. Au Lycée, il ne s’agit que de balbutiements portés par la réforme en cours dans ses contenus disciplinaires comme dans la nouveauté des organisations prévues (exemple : Accompagnement personnalisé)
Par ailleurs, au-delà de cette prise en compte institutionnelle de ce concept, dans l’éducation nationale celui-ci reste porté essentiellement par une dimension évaluative, n’envisageant que trop peu souvent, à mon goût, sa richesse formatrice et émancipatrice. Son intégration à des démarches d’enseignement adaptées reste bien souvent à opérer. Les compétences du référentiel du socle commun sont ainsi comprises fréquemment comme éléments à mettre à l’apprentissage pour eux-mêmes et hors contextes didactiques et pédagogiques.
De même, les projets développés dans un dispositif récent, l’accompagnement éducatif généralisé en collège en 2008, illustrent les difficultés rencontrées. Ceux-ci prennent, en effet, rarement en compte ce concept de compétence. Développés dans une perspective quasi-exclusivement occupationnelle, ces projets relatifs aux domaines de l’aide aux devoirs, des pratiques culturelles, artistiques et sportives ignorent une réflexion formalisée sur les compétences acquises en articulation avec celles travaillées en classe ou à l’extérieur de l’école.
Afin que cette prise en compte de compétences extrascolaires dans les modes d’évaluation et dans les procédures d’orientation soit effective il s’agit donc d’abord, me semble-t-il, que soient partagées par tous les modalités pédagogiques de leur acquisition (la démarche de projet) et identifiés les référentiels pouvant servir de base à leur formalisation. Le référentiel du socle commun est aujourd’hui celui disposant d’une assise institutionnelle, son appropriation se réalise très progressivement dans l’éducation nationale. Sans doute est-il indispensable que son appropriation, dans ce qui relève de l’éducation informelle, se réalise également. La formalisation des réflexions en cours à l’école et hors l’école lors de la mise en œuvre de projets devrait y contribuer.
Pascal Bouchard :
A quoi sert ce livret expérimental ? Est-il là comme un tampon donné à l’élève ? Est-ce que c’est un moyen d’encourager l’individu à aller plus loin ? Est-ce un outil d’aide à l’orientation ? Est-ce un outil d’animation d’élargissement de la communauté éducative ?
Comment réagisse les animateurs, les parents, les collectivités ?
Intervention de la salle :
– Témoignage de la responsable de projet HIRSCH, Université de Franche Comté
Ce projet consiste à travailler sur des projets alternatifs pour des jeunes issus de l’IUFM et en échec au concours de l’enseignement. C’est une action qui va être généralisée à l’ensemble des masters enseignement à l’université de Franche Comté puisque nous avons encore un an d’expérimentation. Nous avons des étudiants impliqués dans des partis politiques, des syndicats, le scoutisme, JPA… et ils ne pensent pas en terme de valorisation sur ces types de compétences. Nous leur demandons de travailler sur les formations antérieures au master et on travaille essentiellement sur les compétences extra formation initiale, extra universitaire.
– Témoignage Direction de la Jeunesse, livret expérimental de compétences
Il faut distinguer le livret de compétence et le socle commun. Le socle est très figé notamment pour les compétences 6 et 7, il y a là une marge d’amélioration parce que ils sont réducteurs sur les problématiques de citoyenneté, d’autonomie et d’initiative.Or le livret est une porte ouverte sur le lien entre éducation formelle (formation initiale), éducation non formelle (extra scolaire) et l’éducation informelle (hors de tout cadre organisé, entre pairs, en famille). On doit retrouver dans le livret un système qui doit permettre de réunir à la fois les compétences formelles, informelles et non formelles, mais rien n’est figé, ce livret est en cours de construction dans 66 établissements expérimentateurs. Les attendus de cette expérimentation sont de mettre autour de la même table les acteurs éducatifs scolaires et non scolaires et en particulier les associations et les mouvements populaires et également les collectivités locales.
– Témoignage du lycée innovant international près de Poitiers –LPII
On expérimente le livret de compétences dans notre établissement sur l’ensemble des classes de seconde et l’année prochaine seconde et première. Nous avons décidé de ne pas évaluer des compétences externes. C’est avant tout un outil pour l’élève qui lui permettra de mieux se connaître lui-même. L’élève fait le tour des activités dans lequel il met en œuvre telle ou telle compétence. Un encadrant (enseignant, parent ou animateur) valide et commente l’investissement du jeune. Nous ne sommes pas dans l’évaluation. Nous nous basons sur les 8 compétences du socle pour guider l’élève. Il y a un lien fort entre la démarche de projet d’établissement, l’évaluation par compétences, l’évaluation des acquis par expériences.
Le comité de pilotage se réunit une fois par mois. Le temps de l’accompagnement personnalisé est intégré à l’emploi du temps, un enseignant – 12 élèves, une heure tous les quinze jours. Le livret est le prolongement du portfolio existant depuis 5 ans. C’est une démarche de valorisation de l’élève.
L’échec de nos élèves en enseignement supérieur est très faible parce qu’ils ont été habitués à être autonomes.
Intervention de la salle :
– Je suis très inquiète, un rapport sera rendu l’année prochaine qui ne fera sans doute pas part de toutes les expérimentations et du travail fait dans les établissements. Par exemple il y a des conseils d’enfants et de jeunes dans le pays et un conseil bien mené est un endroit fabuleux pour développer des compétences. L’Education nationale doit faire confiance à d’autres comme à un animateur culturel qui n’a pas un Bac+5
– Il faudrait un livret collège/lycée, il faudra inventer des référentiels qui permettent de formaliser
– Il serait important d’accompagner l’existence de ce livret pour que les enseignants puissent sortir d’une pédagogie implicite pour avoir un fonctionnement très explicite. Les élèves doivent savoir se saisir de l’outil.
– Je travaille une association spécialisée dans les chantiers des jeunes bénévoles dans le patrimoine. Cette association a reçu un financement du fond d’expérimentation sur un acte culturel pour travailler avec des jeunes des missions locales dans un parcours de connaissance du patrimoine. L’association a élaboré un livret de compétences mais la mission locale n’a rien sur les jeunes qui ont décrochés, les jeunes n’ont pas de BEP. La mission locale pense que les jeunes avec ce livret peuvent construire quelque chose.Il faut absolument partir de l’expérience du jeune sinon on fausse la démarche. Cela demande un travail de formalisation et donc de temps.
– Je suis animatrice d’un atelier théâtre dans un collège de réseau de réussite scolaire, je suis membre du conseil d’administration d’un club de prévention spécialisé et je suis professeur de français dans ce collège. A cause d’un accident impliquant la gendarmerie à l’école primaire, mes élèves étaient très présents sur les écrans de télévision avec très peu d’adultes pour les accompagner. Ils ont développé des compétences dans l’accompagnement de leur petite sœur et petit frère. Ils ont manifesté des compétences dans leurs capacités à ne pas envahir les adultes du collège, à ne pas céder aux provocations de la BAC (Brigade Anti Criminelle).
Pascal Bouchard :
Entre des compétences scolaires et des compétences extra ordinaires, nous avons un gap.