PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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La prétention du programme de réussite éducative n’est pas mince quand il se propose de prendre "à bras le corps" la diversité des vecteurs qui affectent le parcours éducatif des enfants et des jeunes, perturbent leur expérience scolaire et hypothèquent leur épanouissement. Cette prétention n’est pas moindre quand, pour développer ce travail ambitieux, le programme entend réinscrire les familles dans un espace de coopération avec les acteurs publics au coeur des quartiers populaires, là où les ménages auront pu se replier, vivant pour certains une vie compliquée, voire malheureuse.

Qu’en est-il réellement de ce programme dans sa relation aux familles, cinq ans après son lancement ? En quoi le programme développe effectivement des modalités de coopération ? Quelles sont les catégories de publics mobilisées ? Comment les équipes s’organisent-elles pour encourager les jeux d’alliance avec les parents ? Et quels effets ces coopérations nouvelles produisent-elles dans les sphères institutionnelles ?

Ce document restitue une somme d’observations consolidées à partir de la rencontre de nombreuses parties prenantes sur 24 sites distribués sur tout le territoire national. Il donne à voir un programme aux fondements hybrides renvoyant à la fois au cadre d’intervention de la politique de la ville sur ses quartiers prioritaires tout en mobilisant en premier chef des professionnalités et des outils référés à l’action éducative, sanitaire et so-ciale. Il entend traiter sur des modes très individualisés des trajectoires d’échec marquées par des détermi-nants sociaux. Il construit son originalité sur le renouvellement des relations entre les enfants, les familles et les institutions… tout en s’inscrivant dans des cadres sociaux contraignants.

Nous verrons comment les positionnements politiques peuvent se saisir d’un programme porté nationalement de façon suffisamment souple pour en faire un outil de changement social ou plus modestement d’ingénierie. Nous observerons surtout à quel point les diverses médiations organisées par les PRE entre les familles et les appareils institutionnels viennent questionner la diversité des acteurs publics qui se réfèrent au parcours éducatif des enfants et à l’accompagnement des familles.

Le PRE donne à voir plusieurs avantages concurrentiels non négligeables dans le large paysage de l’inter-vention publique ; ses financements sont suffisamment conséquents pour lui permettre de structurer des fonctions d’animation repérables ; son propos (le parcours éducatif des enfants) résonne fortement auprès des parents ; son cadre juridique extrêmement souple lui autorise des postures et des prestations libérées des contraintes auxquelles s’expose le droit commun. Nous verrons comment et sous quelles formes diversi-fiées les équipes exploitent ce contexte avantageux pour expérimenter des "modes de faire", des "façons d’être aux familles" qui peuvent régénérer les accompagnements classiques. Nous verrons aussi comment parfois ces accompagnements réputés globalisants restent néanmoins amputés de certaines dimensions pourtant centrales dans l’expérience éducative des familles.

Ces familles développent, selon la nature et surtout selon le cumul et l’intensité des difficultés dans lesquelles elles se débattent, des usages bien différents de ces PRE délibérément polymorphes. Elles se saisissent bien sûr d’une offre de soutien scolaire souvent enrichie ; elles pourront pour d’autres, plus fragilisées, retisser des fils distendus avec les institutions, voire avec leur enfant. Enfin, les familles les plus socialement accablées, les parents les plus déstabilisés, les plus repliés sur leur souffrance, pourront espérer soigner leur identité blessée et retrouver quelques aides sociales pour compenser ici où là leur grand dénuement.

Nous tenterons de décrire concrètement la structure de ces "parcours" PRE en remplaçant les parents dans l’analyse de chacune des phases du processus auquel ils sont conviés. Les outils proposés, qu’ils relèvent "d’actions support" ou plus singulièrement de la gestion d’un accompagnement établi sur une relation originale aux parents, feront l’objet d’une approche critique.

Nous tenterons enfin de proposer quelques inflexions dans le pilotage de ce programme afin qu’il puisse mieux satisfaire à son objet central qui vise au renforcement des capacités éducatives des parents, à leur autonomisation et non à leur dépendance à l’abri d’accompagnements parfois sans fin. Nous tenterons sur-tout d’inspirer quelques réflexions stratégiques afin de consolider un programme qui s’affranchit des analyses abstraites, vise et traite de la singularité et de la vulnérabilité de parcours individuels irréductibles les uns aux autres, parcours d’enfants, parcours de parents. Nous le ferons paradoxalement en proposant de réarticuler davantage les parcours et les accompagnements PRE aux politiques et aux outils de la cohésion sociale.

Le PRE prospère à ce jour souvent à la marge des logiques institutionnelles et des politiques territorialisées de cohésion sociale. Ce positionnement original a pu conforter son émergence et sa consolidation première… Cet atout initial peut à court terme faire menace là où le programme ne se connecte pas suffisamment à d’autres outils d’intervention publique… quitte à ce que le PRE inspire à ces outils les enseignements qu’il aura su capitaliser dans l’aventure qu’il mène aux côtés des familles.

Cabinet ARESS

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