PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Durant toute la période de fonctionnement du « système Jules Ferry », de sa création au début des années 1880 à sa décadence dans les années 1960, l’élève n’avait pas à la parole. A l’école, il n’apprenait pas à parler, il apprenait à se taire. Malgré les interpellations des mouvements pédagogiques, notamment celles de Célestin Freinet, le maître était au centre du système avec ses savoirs et ses programmes à transmettre. Si l’estrade a progressivement disparu, si le bureau magistral a parfois été relégué au fond des classes, si les rapports entre les enseignants et les élèves ont évolué, si les travaux de l’INRP des années 1970 et les nouveaux programmes de français de 1974 ont enfin donné sa place à l’expression orale et à son apprentissage, la part de l’élève dans l’ensemble du langage produit au cours d’une « leçon » est restée et reste encore très faible. 

Les travaux des chercheurs dans les années 1980 ont précisément objectivé ce constat. Enregistrements audio et vidéo de séquences, décryptages méthodiques, chronométrages, analyses du type des discours ont prouvé que lee maître parle beaucoup, que les questions qu’il pose sont très couvent fermées ou inductrices au point d’être des non-questions, que le maître ignore les réponses qu’il n’attend pas et manifeste un certain soulagement quand la réponse attendue surgit. Bien des réponses des élèves ne peuvent même  pas être comptabilisées, elles sont si brèves qu’il est impossible de les chronométrer.

Le droit au « je pense que », « voilà comment j’ai procédé », « voici les questions que je me pose », « il me semble que » reste largement fictif. Le dialogue direct élève/élèves sans l’intervention ou les reformulations du maître est rare. Si le « je » est peu fréquent, le « tu » et le « nous » sont encore plus rares.

On ne peut en faire le procès aux enseignants. Leur formation ou leur absence de formation pédagogique, le poids du vécu en tant qu’élève et en tant qu’étudiant, la tendance naturelle à reproduire les pratiques subies, le quasi totalitarisme du modèle de la transmission de celui qui sait vers celui qui ne sait pas voire qui ne sait rien conditionnent fortement les représentations de l’acte d’enseigner et leur mise en œuvre. Le poids des programmes et la pression du temps freinent les évolutions possibles. Il faut d’abord finir le programme même si l’on ne sait pas pour qui, pour combien d’élèves et comment. L’obsession des contrôles aggrave encore la tendance naturelle ou historique.

On sait pourtant qu’aujourd’hui les compétences en expression orale et en communication sont essentielles, que l’expression de la pensée et la capacité de dialogue sont fondamentales, que la construction de la pensée est liée à celle du langage, que l’incommunicabilité est source de violence et obstacle au vivre ensemble. On sait depuis toujours que la suprématie, l’autorité de la parole du magister ou de l’expert sont des limites à la démocratie et à l’émancipation.

Comment favoriser l’apprentissage de l’expression orale et de la communication ? Comment faire en sorte que dans chaque discipline, dans chaque séquence, les élèves puissent penser et s’exprimer ?

Certainement pas en revenant aux programmes du 19ème siècle comme c’est le cas de ceux de 2008. Certainement pas en imposant une quantité de préalables, de prérequis, de progressions abstraites aux apprentissages. Certainement pas en concevant des protocoles plus bêtes pour les élèves en difficulté que ceux qui ont été vécus par les enfants des milieux favorisés dès leur plus petite enfance…

Une réforme progressiste et audacieuse des programmes, en cohérence avec les finalités du système est urgente. Mais il faut beaucoup de courage pour l’entreprendre.

Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord….

 

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