In Le Café pédagogique :
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Après une longue période où vous avez eu une influence sur l’École à travers vos écrits et vos formations, vous êtes passé dans le domaine plus concret de l’action politique sur le terrain régional. Cette confrontation avec la réalité donne-t-elle un sentiment de plus grande efficacité ? Le travail que j’ai effectué dans l’institution scolaire et universitaire a été aussi, et souvent, une dure confrontation avec « la réalité ». J’ai pu expérimenter là, au quotidien, l’écart considérable qui sépare « le dire » et « le faire ». L’École, comme la plupart des institutions, est un lieu où les déclarations d’intention, générales et généreuses, cachent mal la reproduction des pratiques les plus médiocres et le fonctionnement à l’économie de moyens et d’imagination. C’est aussi un lieu où l’on renvoie volontiers les « utopistes » à leurs chères études quand ils deviennent des empêcheurs d’enseigner en rond : on préfère qu’ils débattent dans des colloques plutôt que de parasiter le quotidien avec leur question obsédante : « Mais pourquoi ne faites-vous donc pas ce que vous annoncez… sur l’autonomie des élèves, l’acquisition de l’esprit critique, la transmission de la culture, la personnalisation des parcours, la formation du citoyen, et quelques autres bricoles avec lesquelles vous nous rebattez les oreilles ? ». Et puis, dès mes débuts dans l’enseignement, j’avais découvert la « résistance » des êtres aux meilleures intentions du monde : il ne suffit pas de vouloir le bien des autres, il faut qu’ils le veuillent aussi, ce dont nous ne sommes jamais assurés. Mes combats institutionnels m’avaient appris, eux, qu’une argumentation logique est généralement bien dérisoire face aux pesanteurs des sédimentations chronologiques. Même dans la recherche de haut niveau, j’avais constaté que les valeurs les plus essentielles se heurtaient souvent aux susceptibilités individuelles et collectives quand elles n’étaient pas complètement évacuées au profit des querelles de territoires et de pouvoir.