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Autonomie et décentralisation, voilà un couple qui, dans l’enseignement, fait son chemin, lentement mais sûrement, un chemin semé de résistances et d’obstacles, parcouru par étapes : acte I (1983-1985), acte II (2004), suivis peutêtre, après la réorganisation des collectivités territoriales, d’un acte III (ou d’une scène 2 de l’acte II ?).
Jusqu’à présent, la décentralisation territoriale est un incontestable succès : non seulement sur le plan matériel où les collectivités territoriales font plus, mieux et plus vite que ne le faisait l’Etat (construction, équipement, fonctionnement ; personnels TOS), mais aussi sur le plan du soutien à l’action pédagogique (multiples initiatives), de l’insertion dans l’environnement social et économique ; ce qui n’empêche pas, çà et là, des frictions, des débordements…
Jusqu’à présent en revanche, l’autonomie des établissements scolaires reste incontestablement une déception. Une dissymétrie fâcheuse : cf : travaux de Nathalie Mons, qui montre que, dans le couple autonomie/ décentralisation territoriale, c’est plutôt l’autonomie qui va produire de meilleurs résultats scolaires pour les élèves (N.Mons : « Les nouvelles politiques éducatives. La France fait-elle les bons choix ? », (PUF 2007). Les sources de cet insuccès sont à rechercher, semble-t-il, dans trois directions :
– une raison structurelle : l’école primaire n’a aucun statut, l’EPLE a une architecture baroque qui ne facilite pas son autonomie
– une raison administrative : l’administration centrale, les rectorats n’ont guère la volonté constante et tenace de donner des marges d’autonomie (parfois il y a des embellies : au début des années 1980 avec le projet d’établissement, la DHG ; à la fin des années 1990 : travaux croisés, TPE et projet professionnel, ECJS ; peut-être actuellement : bac pro en 3 ans, accompagnement, demi-groupes), mais la tentation est constante de limiter, de revenir sur ces avancées, de ne pas faire confiance (fourchettes horaires en collèges disparues, TPE rognés de moitié, DHG qui ne l’est pas, encadrement étroit pour les assistants d’éducation…).Les marges d’autonomie sont en réalité résiduelles.
– une raison sociologique : autonomie « je t’aime, moi non plus » ! Poids de deux siècles de centralisation, difficultés à exercer les responsabilités, confort certain à attendre que l’administration prenne les décisions…Voir les réactions à l’égard de l’autonomie des Universités, celles à l’égard de la réforme des lycées (dépêche AEF du 19 nov. 2009). Les marges de liberté sont refusées ou inexploitées (quelques échecs cuisants : les 3 h. libres de 6° et de 5° de collège en 1985, les heures de décharges du décret de Robien…) ; peu exploité aussi : le droit à l’expérimentation institué en 2005) ; le conseil pédagogique : décret or not décret ? La raison souvent invoquée : l’autonomie va créer des inégalités, présente des risques pour l’unité du service public.
C’est toute la question : autonomie et décentralisation sont-elles réellement un
risque pour l’unité du service public ?
Notre pays éprouve un attachement viscéral à un service public national d’enseignement : c’est un fait, fruit de notre histoire, et c’est du droit, inscrit dans la Constitution. L’existence d’un S.P. national est en principe la garantie d’une égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire, elle est censée assurer cette garantie, du moins le croit-on. Est-ce bien vrai ? C’est le 1° point qui sera abordé. On s’interrogera ensuite sur le mouvement d’autonomie et la décentralisation : a-t-il jusqu’à présent creusé les inégalités ? Enfin, on rêvera un peu : l’éducation peut-elle être nationale sans être uniforme ?