In Sciences Humaines, 2009 :
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Faut-il croire les statistiques officielles sur la délinquance des jeunes en France? Cette question donne lieu à des querelles d’autant plus violentes qu’elles interfèrent avec le débat politique.
La criminologie a-t-elle sa place en France ?
Ne souriez pas si la question vous semble saugrenue, elle a récemment fait couler beaucoup d’encre. Une poignée d’experts sur les questions d’insécurité menés par le « criminologue » Alain Bauer (il se présente ainsi), président de l’Observatoire national de la délinquance, a récemment cherché à institutionnaliser la discipline, jusque-là marginale dans l’université française. Pourquoi pas ? Après tout, la criminologie existe déjà officiellement dans de nombreux autres pays.
Mais gare… L’initiative a provoqué un tollé auprès de nombreux chercheurs français, et notamment des sociologues de la délinquance. Ces derniers reprochent à la discipline son manque de cohérence scientifique : définie par son objet d’études (le crime, la délinquance), la criminologie peut puiser en effet dans de nombreuses disciplines : sociologie, philosophie, droit, psychologie, économie, médecine… sans se référer précisément à aucune d’entre elles.
Ce qui est à la fois un avantage – le cumul des savoirs – et un inconvénient : un certain flou scientifique. Mais les universitaires frondeurs reprochent aussi aux « nouveaux criminologues » leur collusion avec le gouvernement actuel et leur volonté de mettre sciemment la nouvelle discipline au service de l’administration publique (Intérieur, Défense, Justice), ce qui poserait des problèmes d’indépendance pour la recherche
De l’autre côté, A. Bauer dénonce le fossé qui existerait jusqu’à présent entre le savoir produit à l’université par certains « chercheurs militants » et les besoins des professionnels de la défense et de la sécurité .