N. Vallaud Belkacem devrait présenter lundi 9 novembre des mesures concernant la carte scolaire. Elles ont déjà été très largement dévoilées à l’issue du comité interministériel qui s’est tenu aux Mureaux le 26 octobre. La ministre devrait annoncer la mise en place de secteurs multi collèges dans une dizaine de départements. Mais pourquoi imposer davantage de mixité sociale dans les établissements ?
« Pour améliorer à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements », dit le communiqué du CIEC publié le 26 octobre, « le code de l’Éducation prévoit dorénavant que « lorsque cela favorise la mixité sociale, un même secteur de recrutement peut être partagé par plusieurs collèges publics situés à l’intérieur d’un même périmètre de transports urbains ». La définition de secteurs communs à plusieurs collèges, avec les collectivités territoriales volontaires, peut permettre une véritable avancée en globalisant la répartition d’un ensemble d’élèves entre plusieurs collèges ». Le gouvernement envisage le déploiement de cette mesure dans 10 « territoires pilotes » à la rentrée 2016. La mesure peut permettre de réduire la ségrégation scolaire en affectant les élèves de façon plus équilibrée entre les collèges.
Mais que sait-on de la ségrégation sociale dans l’Ecole ?
A l’origine de ces décisions, le constat réalisé d’abord par l’Observatoire de la mixité sociale créé par H Zoughebi en région Ile-de-france , ensuite par le Cnesco lors d’une Conférence nationale en juin dernier.
L’étude dirigée par Son Thierry Ly et Arnaud Riegert (Ecole d’économie de Paris) fait un état des lieux objectif de la ségrégation qui complète d’autres travaux, comme ceux de l’Observatoire créé par la région Ile-de-France. « En France, les collégiens et lycéens d’origine aisée comptent en moyenne dans leur classe deux fois plus de camarades également d’origine aisée que les élèves des classes moyennes et populaires », écrivent-ils. « De même, les meilleurs élèves comptent en moyenne deux fois plus de camarades d’un niveau équivalent au leur que les autres élèves. Ces chiffres, qui résument la situation de ségrégation sociale et scolaire de l’enseignement secondaire français, sont inquiétants à deux titres : les différences d’environnements en fonction de l’origine sociale ou du niveau scolaire sont susceptibles d’aggraver les inégalités scolaires ; de plus, cet « entre-soi » est un obstacle à l’apprentissage de la citoyenneté et du vivre-ensemble ».
Leur étude analyse la ségrégation à deux niveaux : celui des établissements et, c’est beaucoup plus nouveau, celui des classes. » En troisième, 10% des élèves fréquentent des établissements contenant 5% ou moins d’élèves CSP+ dans leur niveau ; à l’inverse, 5% des élèves ont plus de 60% d’élèves CSP+ dans leur cohorte, et même plus de 80% de CSP+ pour les 1% d’élèves (soit plus de 7000 élèves) dont les environnements sont les plus favorisés. Si on s’intéresse aux élèves issus des milieux les plus populaires (ouvriers, chômeurs et inactifs), qui représentent 37% des élèves de troisième, 10% des élèves en comptent 63% ou plus dans leur établissement ; 5% en comptent 71% ou plus. De tels écarts sont également observés en termes de ségrégation scolaire : 10% d’élèves comptent 6% ou moins de « bons élèves » dans leur établissement, et à l’inverse 5% d’élèves en comptent plus de 43 %, et 1% en comptent plus de 58 % », écrivent-ils. Cette ségrégation sociale entre établissement va croissant de l 6ème à la terminale.
A cette ségrégation scolaire s’ajoute une ségrégation fabriquée par les établissements qui constituent des classes de niveau. » La constitution des classes contribue essentiellement à la ségrégation scolaire », écrivent-ils. « En classe de troisième par exemple, la ségrégation sociale entre établissements est de 17 %, et la ségrégation entre les classes des établissements est de 5 points, soit un total de 22 %. Ainsi, un élève CSP+ va compter une part d’élèves CSP+ dans son établissement supérieure de 17 points à celle connue par un élève non-CSP+, et une part d’élèves CSP+ dans sa classe supérieure de 22 points à celle connue par un élève non CSP+, soit 5 élèves sur une classe de 25. » Les mécanismes qui expliquent cette situation ont été montrés dans une autre étude : les établissements utilisent ce moyen pour garder une certaine mixité dans l’établissement et souvent faire face à la concurrence du privé. L’enquête relativise l’importance des classes bilangues et du latin dans cette ségrégation.
Quelles conséquences de la ségrégation ?
« Ce qui fait consensus c´est que la ségrégation sociale à l´école est très nuisible aux apprentissages des élèves les plus en difficultés », explique Nathalie Mons. ‘Donc, lorsque l´on crée des établissements « ghetto », c´est un frein à la qualité des apprentissages de ces élèves. Mais les chercheurs ont prouvé qu´il pouvait y avoir des effets différenciés selon les publics scolaires. La mixité sociale et scolaire est un plus pour les élèves en plus grande difficulté scolaire, ça pourrait être relativement neutre pour les élèves de milieu social moyen et par contre, c´est pour cela qu´il y a débat, ça pourrait être un handicap pour le petit décile d´élèves le plus avantagé socialement, scolairement parlant ». Par contre il n’ya pas photo sur les conséquences sociales de la ségrégation. » La ségrégation sociale nuit considérablement, quels que soient les élèves, quelle que soit leur classe sociale, quel que soit leur niveau scolaire, aux attitudes citoyennes positives, aux niveaux de tolérances, à la capacité de communication avec l´autre, ou encore à la reconnaissance de l´altérité », souligne N Mons.
« La ségrégation sociale est une bombe à retardement pour la société française. Ce séparatisme social et scolaire à l’école explique les difficultés de l’Education prioritaire depuis 30 ans », explique N. Mons. Pour Françoise Cartron, cette situation a déjà explosé après le 7 janvier. « Dans certains établissements on parle de République aux jeunes et eux voient que cette République ne respecte pas ses valeurs », dit-elle. Pour elle, les écoles des quartiers qui subissent cette ségrégation doivent devenir « zéro défaut ». « Par exemple il faut que les professeurs soient remplacés et que les affectations soient revues ».
François Jarraud
Conférence Cnesco sur la mixité sociale DOSSIER
Pour une école de la fraternité, DOSSIER
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