PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

La journée nationale contre le harcèlement à l’école se déroulera le jeudi 5 novembre 2015. Selon le ministère de l’Education nationale, la campagne de communication qui va être lancée à cette occasion se destine principalement aux élèves du primaires, tout autant aux victimes qu’aux témoins.

En présentant cette initiative baptisée « Non au harcèlement », Najat Vallaud-Belkacem a dévoilé le nouveau numéro, le 3020, qu’il faudra composer pour dénoncer des faits de harcèlement à l’école.
 
Mais le clip choisi pour orchestrer cette campagne n’est pas vraiment du goût des enseignants. Réalisée par Mélissa Theuriau avec le soutien du groupe Walt Disney, cette vidéo sera diffusée sur les chaînes de France Télévisions et du groupe Disney. On pourra également voir ces images avant le film d’animation Le voyage d’Arlo.

Destiné aux enfants de 7 à 11 ans, ce clip présente un écolier roux qui est victime d’insultes et de jets de boulettes de la part des autres élèves de la classe. La scène se passe lorsque l’enseignante a le dos tourné. Pour de nombreux syndicats enseignants, cette vidéo est caricaturale, remettant l’entière responsabilité des faits sur les professeurs.
 
Le SNALC-FGAF souhaiterait que « le ministère réfléchît davantage à sa communication sur le sujet. En effet, tout ce que l’on retient de cette vidéo, c’est que le harcèlement existe du seul fait de l’incompétence des professeurs. En l’occurrence, ici, d’une enseignante de primaire qui ne regarde que son tableau (noir : c’est ‘l’enseignante à l’ancienne’) et jamais sa classe.
 
Cette mise en scène peu nuancée de ce grave problème a été très mal reçue par les personnels. Rappelons que lors des concours de recrutement, le ministère n’hésite pourtant pas à présenter des enfants qui, trémolos dans la voix, demandent de toute urgence des professeurs car ils ont besoin d’eux. Apparemment, on n’a pas dû recruter les bons.
 
Le SNALC-FGAF tient à rappeler que le harcèlement est un problème souvent complexe, difficile à identifier et face auquel les collègues peuvent se sentir impuissants, y compris quand ils l’ont repéré. La réponse institutionnelle n’est d’ailleurs pas toujours à la hauteur dans ce cas.
 
Le SNALC-FGAF demande donc au ministère de retirer la vidéo de son site et de ne pas se contenter de recycler des mesures qu’il avait déjà présentées il y a quelques mois. Les collègues ont besoin d’appui et de soutien, pas de stigmatisation. »

 
Pour le principal syndicat enseignant du primaire, le SNUipp, ce clip est « hors sujet ». Dans un communiqué, le SNUipp précise que « ce sujet du harcèlement est pourtant grave et ne doit souffrir d’aucune approximation. Il ne peut être réduit à une enseignante, le nez collé au tableau, qui ne se soucierait pas des élèves et notamment de ceux victimes de gestes et de paroles humiliantes pendant la classe.
 
Or, le harcèlement est un phénomène bien plus complexe et pernicieux. Avant tout, il relève de comportements répétés mais peu visibles dans la cour de récréation, les toilettes, à la cantine ou aux abords des écoles… et qui peut ensuite parfois se prolonger dans la classe. C’est en cela qu’il est difficilement décelable et c’est en cela que le sujet doit faire l’objet d’une campagne de sensibilisation sérieuse.
 
En l’occurrence, la vidéo du ministère manque totalement sa cible et de surcroit donne une image déplorable des enseignants, ce qui est inacceptable. Nous demandons que cette vidéo ne soit plus diffusée. Avec les fonds dégagés pour financer ce clip, le ministère aurait été bien mieux avisé de diffuser dans les écoles des ressources pédagogiques existantes (1) et les vidéos de qualité réalisées par les élèves eux-mêmes (2). Tout comme, il serait bien plus inspiré de mettre en œuvre sa promesse de formations des enseignants (3) qui est loin de s’être concrétisée dans tous les départements.
 
Il serait temps que l’école cesse d’être un instrument de communication, surtout quand elle est à ce point mauvaise, mais fasse plutôt l’objet d’actions cohérentes au service de la réussite et du bien-être des élèves avec les moyens nécessaires. »

 
De son côté, le Sgen-CFDT assure partager « totalement les objectifs de lutte contre le harcèlement portés par cette campagne, mais dénonce avec la plus grande fermeté la caricature de l’enseignant véhiculée par la vidéo diffusée à l’occasion du lancement de la campagne.
 
Alors que les professeurs des écoles vivent l’alourdissement de leurs tâches, le manque chronique de remplaçants, et que la reconnaissance attendue tarde toujours plus, la vidéo du ministère montre une enseignante pédagogiquement caricaturale, hurlant et ignorant ses élèves. De surcroît, elle est présentée elle-même comme harcelante ou blessante auprès de l’enfant victime, un comble.
 
Plus grave, l’unique recours proposé en cas de harcèlement est de se tourner vers un·e camarade. Nulle trace dans cette vidéo d’adulte responsable (enseignant·e·s, directeur·trice·s ou tout autre adulte présent à l’école) comme recours possible alors même que ce rappel constitue le quotidien de toutes les équipes pédagogiques des écoles afin que les conflits de toute nature se règlent, si nécessaire, avec l’aide d’un adulte.
 
Que le ministère ignore le quotidien de ses agents et véhicule l’image caricaturale d’une profession malmenée est particulièrement regrettable. Cela érode encore davantage ce qu’il reste de la confiance entre les personnels et l’employeur public, et de la confiance des familles dans leur école. Le plus sage serait que les communicants du ministère bénéficient d’un stage de quelques semaines dans une école publique et que cette vidéo soit retirée au profit de la diffusion des nombreuses ressources intelligentes disponibles. 
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