Peut-on encore débattre dans les familles ? La charte de la laïcité doit-elle clore toute discussion ? On peut s’interroger après les dérapages produits par l’Afev puis par la ministre de l’éducation nationale lors de la 8ème Journée du refus de l’échec scolaire.
Le premier dérapage concerne l’Afev avec la publication d’une enquête sur « la citoyenneté chez les collégiens des quartiers prioritaires ». Réalisée auprès de 653 jeunes de 7 communes, « l’enquête » pose des questions pas simples sur leur conception de la citoyenneté à des enfants de 6ème et 5éme (74% de l’échantillon). Ni la nature de l’échantillon, ni sa jeunesse ne font de cette enquête un sondage sérieux et fiable. On s’étonne de l’utilisation médiatique qui en est fait. Selon cette enquête, 17% des collégiens ont été indifférents et 13% quasi favorables aux attentats de janvier 2015. « Un tiers des collégiens qui manifestent une certaine distance avec les enjeux citoyens liés à ces évènements » affirme l’Afev. « Ils ont ainsi plutôt indiqué appartenir à leur quartier (53%), mais ont été également nombreux à avoir indiqué leur ville (48%) et leur pays (44%). Un quart d’entre eux ont indiqué qu’ils se sentaient appartenir à un autre pays », poursuit cette enquête. Il apparait surtout que ces élèves de 6ème et 5ème n’ont pas de compréhension claire de ce qu’est la citoyenneté et souvent des questions posées. L’enquête indique des risques de stigmatisation de ces jeunes.. Mais il n’est pas impossible qu’elle l’alimente..
Le second dérapage est venu de la ministre. « Au début je me suis demandée s’il était opportun de parler en même temps d’échec scolaire et des attentats », explique N Vallaud Belkacem en faisant allusion à cette enquête. Mais elle la trouve pertinente car l’enquête révèle aussi que la moitié des jeunes ne s’estiment pas écoutés au collège. « Les malaises ressentis voir les contestations ne sont que des symptomes de ce qui existe au collège : beaucoup d’élèves ne se sentent pas autorisés à parler au collège d’échec ou de citoyenneté », explique-t-elle. « Du coup ils pensent que les enseignants ne sont pas les mieux placés pour répondre à leurs questions et se tournent vers le quartier ». La ministre poursuit : « il est indispensable que tous les adultes qui entourent un élève portent le même discours et la même définition de la laïcité dans notre pays. Si les sons de cloche diffèrent entre les cours d’EMC et ce qu’on va dire à la maison sur la laïcité, ça crée des tensions. D’où l’importance que les parents prennent connaissance de la charte de la laïcité en début d’année « .
Cet objectif est-il réaliste ? Toutes les familles de France ont-elles la même conception de la laïcité et de la place du sacré ? S’il est normal que les règlements scolaires s’exercent dans l’école, celle-ci doit-elle imposer ses idées à la table familiale ? Les discussions familiales et les débats sont -ils encore possibles quand il s’agit de laïcité ou la Charte est-elle devenue un credo ?
Alors que la ministre avait elle -même pris ses distances avec la conception de la laïcité de son prédécesseur, ce qui montre que le débat existe même au sein du gouvernement, cette nouvelle conception de faire société interroge. Au delà de ce qu’elle apprend sur la façon de faire société elle donne aussi une sonorité particulière aux alliances éducatives que la ministre est venue encourager.
François Jarraud
Laicité ; les inflexions de N Vallaud-Belkacem
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