UTOPIE (idéal non encore réalisé !)
Présente dans La République de Platon et ses Lois, c’est à partir de Thomas More et pendant trois siècles (16 ème -19 ème ) que l’utopie atteint en occident son apogée, avec l’affirmation du sujet, maître de son destin.
L’utopie (traité sur la meilleure république et sur une île nouvelle) selon l’humaniste anglais More, 1516, signifie « nulle part» : un lieu qui n’est dans aucun lieu, un ailleurs nostalgique (âge d’or), un pays imaginaire où tout est réglé pour le bonheur de chacun et où s’attache une série de paradoxes.
Saint Augustin, l’auteur de Ma cité de Dieu : « aime et fais ce que tu veux » ; F.Rabelais et l’abbaye de Thélème : « fais ce que tu voudras » ; les habitants de La Cité du soleil de Campanella, 1623, et plus près de nous, l’Emile de J-J Rousseau et les socialistes utopistes ont nourri un genre littéraire, essentiellement masculin, qui articule critique sociale et espérance dans une humanité réconciliée dans le Nouveau monde industriel et sociétaire (C.Fourier, 1973).
Chacun est le bienvenu, chacun a sa place en utopia. L’utopie a toujours une vocation universaliste, portée par un certain désir de perfection, même si l’idéal est piégé, Paquot, 1996. Le meilleur des monde de Leibniz peut devenir celui d’Huxley, 1932, sorte de contre-utopie.
Karl Marx s’inscrit dans la traditio,n des socialistes utopiste, Saint Simon, Fourier, quand il affirme dans L’idéologie allemande, 1846 : « Dans la société communiste, personne n’est enfermé dans un cercle exclusif d’activités, et chacun peut se former dans n’importe quelle branche de son choix : c’est la société qui règle la production générale et qui permet ainsi de faire aujourd’hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l’après-midi, de m’occuper d’élevage le soir, et de m’adonner à la critique après le repas, selon que j’en ai envie, sans jamais devenir chasseur, pêcheur, berger ou critique… »
Quelle est la fonction de l’utopie ? G.Lapassade, 1963, y voit une illusion d’achèvement, conséquence du fondamental inachèvement de l’homme. Le rapport à l’utopie est une dimension souvent négligée comme élément constitutif des parcours de vie. Sur le plan des professions, Georges Latreille, 1980, a souligné l’aspiration des travailleurs à la liberté créatrice qui, loin d’être une représentation dépassée, pouvait être au contraire la source, dans les groupes sociaux qui l’incarnent, d’un dynamisme créateurs, de « nouveaux métiers ».
Le sens d’une démarche éducative peut être trouvé dans le fait d’ « aider ces utopies partielles à devenir projets -non pas en les encourageant benoîtement, mais en aidant activement ceux qu’elles motivent, à s’organiser collectivement pour contourner et renverser les obstacles qui se dressent sur leur route ».
En suivant E.Morin, 1996, on fera le partage entre « la mauvaise utopie », à caractère totalitaire, qui prétend réaliser l’harmonie parfaite en faisant disparaître tout conflit, obligeant les humains à une transparence totale, et « la bonne utopie » quand il s’agit d’une aspiration, d’un rêve d’avenir, imaginant une société meilleure où les relations entre les humains seraient moins fondées sur des rapports de domination, par un travail de construction progressive.
L’image d’un avenir parfait est en effet le moteur réel du présent, dans son mouvement incessant de construction et de perfectionnement (E. Bloch).
On parle alors « d’utopie réaliste », ou « concrète ». On voit par là que l’utopie n’est pas rien ; elle fait partie du réel, puisqu’en dénonçant implicitement les limites de l’existant, elle contribue à le faire bouger. En définitive, « l’utopie se sent plus qu’elle ne se définit »,
G. Duveau, 1961.