PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Jean LAMBRET, Directeur de l’éducation et de l’Enfance, Ville de Trappes.

Pascal BOUCHARD, Journaliste et essayiste. Dernier titre : « Ecole ChercheMinistre » 2007 ESF.

Bernard BIER, Chargé d’études et de formation INJEP.

Jean-Louis BOISANTE, Président de la FOCEL 77.

Les intervenants relèvent qu’il est difficile d’avoir une cohérence territoriale, du fait de l’histoire nationale de l’éducation. Les acteurs de l’éducation ont appris à travailler ensemble à chaque échelon territorial, mais sans réussir à situer l’enfant au centre du système éducatif. Un « projet Educatif de Territoire » pourrait y contribuer, s’il est piloté par une autorité démocratique et obtient un réel pouvoir de management.

Historiquement, l’école est dominée entièrement par l’Etat central depuis Napoléon. Mais globalement, on se met d’accord sur un cadrage national et une adaptation. Il y a donc une confusion entre adaptation locale (il y a un programme national mais j’ai des élèves en difficulté devant moi donc je m’adapte) et liberté pédagogique qui est un concept universel. Ceci jusqu’en 1982, à la constitution de l’Etablissement Public Local d’Enseignement (EPLE) avec l’idée que c’est au niveau du Conseil d’Administration de l’établissement, de son projet, que doit être pensée l’adaptation au territoire au local. Dans les faits, cela n’a pas été suffisamment pensé, et les professeurs ont perçu cela comme une remise en cause de leur liberté pédagogique. Les élèves sont les régulateurs de son activité ; la relation qu’il entretient avec le groupe classe est fragilisée par la mise en place de cet établissement.

On peut reconnaître la grande cohérence technocratique propre à l’Education Nationale. Toute la question est de savoir ce qu’on construit en face qui prend mieux en compte une démocratie territoriale, fondée sur le principe « un homme une voix ». Mais la démocratie par délégation oublie que les individus ne sont pas isolés. Il est urgent d’inventer des conseils économiques et sociaux de bassins qui élaborent ses diagnostics et ses cohérences. On peut même imaginer la mise en place d’établissements de bassin avec un vrai pouvoir d’organisation des parcours scolaires cohérents, y compris dans la gestion des ressources humaines, en permettant aux gens qui ont envie de travailler ensemble, de permuter selon les projets et de faire face aux difficultés communes.

Les Projets Educatifs Locaux ont appris aux acteurs à travailler ensemble dans des dynamiques participatives et des logiques d’apprentissage. Cependant, dans la logique des « territoires vécus », il y a en permanence des conflits de territoires (échelons de territoires, compétences obligatoires ou que se donnent les Collectivités Territoriales) qui limitent l’intérêt des concertations. Ne peut-on pas changer l’approche et partir du territoire vécu par les bénéficiaires, qui ne sont plus les seuls enfants ? Aujourd’hui sur un territoire, quelque soit son échelle, nous sommes tous en position de devoir apprendre pour des raisons intellectuelles, d’épanouissement, professionnelles, citoyennes et de survie élémentaire.

Si on ne part plus des institutions, mais des bénéficiaires, il faut faire une véritable révolution copernicienne. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de transmission ; on sait bien que l’une des dimensions de l’éducation c’est aussi la transmission d’un patrimoine. Il y a un temps d’une école qui n’est pas figé et qui n’est pas la caricature que certains en font.

Arrêtons de faire porter la responsabilité à une institution ou à un type de professionnel. Si on part des enfants, le temps de l’école a sa légitimité, le temps où l’enfant est dans des espaces accompagnés (club de sport, MJC, centre de loisirs) aussi.

Il n’y a plus aucune réflexion pédagogique dans aucune fédération de l’éducation populaire. Il y a plus de réflexion à l’éducation nationale sauf au travers d’un certain nombre de laboratoires universitaires.
Il y a le temps de la famille, de tout temps les parents ont été les premiers éducateurs mais aujourd’hui, les textes officiels disent les parents sont des acteurs légitimes dans l’espace public. Cela heurte toutes les cultures des travailleurs sociaux et des enseignants. Comment prend-on cette question en charge ? La question de la place des parents est donc centrale. On parle de territoire des parents. L’éducation informelle est partout : temps avec les pairs, devant l’ordinateur, la télévision.
La qualification d’un territoire se fait aussi par le nombre de structure, la qualité de l’urbanisme, la composition sociodémographique. Une vraie réflexion sur l’éducation est une réflexion qui doit amener des urbanistes, des architectes, des personnes des transports urbains… Par exemple, la RATP a construit des classes d’éducation à la mobilité remarquables en termes de pédagogie et de communication. Tant que l’on n’aura pas réfléchi sur la multiplicité des acteurs, la cohérence éducative, nous n’avancerons pas.
Il est évident que toute la question est quelle est la place des habitants sur un territoire ? Comment les acteurs sont associés à l’élaboration de projet ? Au diagnostic ? À l’évaluation ? Comment a lieu le débat démocratique?
Comment on favorise la vie associative qui aurait son autonomie?

Utiliser le terme de « projet éducatif de territoire » peut initier une meilleure cohérence des intentions éducatives mais peut également induire en erreur. En effet, d’une part ; le public ciblé change fréquemment de territoires et, d’autre part, il y a autant de projets et de limites de territoire que d’autorité éducative.

Les exemples cités illustrent que les trajectoires éducatives individuelles sont d’abord fondées par des dynamiques culturelles et familiales (sur plusieurs générations), puis par les réussites ou les échecs des parents et des institutions, (école, collectivités, associations ou mouvements d’éducation populaire) pour que chaque enfant devienne un adulte intégré dans la société.

Le territoire de l’enfant est d’abord affectif et réservé à l’intimité puis il prend en compte un environnement plus varié et se construit en tant qu’être social. La gestion des parcours individualisés dans le cadre de la réussite éducative montre qu’il y a un lien direct entre la qualité des services et leur faculté d’intégrer les besoins de chaque enfant.
Il faudrait donc pouvoir individualiser l’organisation des services pour limiter les incidents et éviter de fabriquer de l’exclusion, mais cela demande beaucoup de moyens. Il est souvent préféré d’exclure les enfants difficiles, plutôt que de recruter du personnel plus nombreux et de former les agents : si on pouvait mesurer le coût de l’exclusion qui sera ensuite payé par la société, alors on pourrait vérifier que le bon choix a été fait.

Les institutions croisent leurs territoires par l’intervention des mêmes personnes élues dans diverses collectivités (élus municipaux au Conseil d’école du premier degré, au collège, dans les lycées, dans les communautés de communes et au conseil général), mais les professionnels préparent les décisions selon des logiques institutionnelles internes, sans rechercher leurs cohérences. Quand il y a un pilote aux dispositifs, ce n’est ni l’élu, ni l’inspecteur de l’EN ou le chef d’établissement, mais 9 fois sur 10 c’est un administratif territorial qui n’est pas reconnu institutionnellement.
Tant qu’il n’y aura pas un pilote qui soit reconnu par l’ensemble du dispositif, nous allons continuer à faire de l’occupationnel. Le rapport Lambert analyse l’exemple de l’éducation et relève que l’Etat et toutes les collectivités territoriales se saisissent de tout, ou presque. A l’échelle des quartiers d’une ville, c’est encore plus complexe, avec des quartiers en ou hors ZUS, ZEP…

A l’occasion de l’annonce de la suppression du samedi matin, lors des débats, on peu remarquer les préoccupations de chacun sur son organisation, sur sa corporation, plutôt que l’impact sur les enfants et les jeunes. Les parents sont les premiers éducateurs, mais ni les professeurs ni les élus ne le reconnaissent facilement. Sur les 5 000 heures par an ou un jeune est debout, il en passe 900 h à l’école, 1 500 devant le multimédia, 600 h en loisirs et périscolaire, 1200 h en famille.

L’empilement des dispositifs depuis 15 ans, sans convention ni projet, avec les Communes, l’Education Nationale et les associations pose le problème des cohérences. Que reste-t-il comme missions à l’école ? Aux autres services ? Quelle articulation trouvons-nous à cela ?

Aujourd’hui les communes vont avoir d’autres champs à invertir, ils vont donc supprimer les intervenants musiques et sportifs pour les mettre hors du temps scolaire. On est encore beaucoup plus sur de l’occupationnel que sur une conception éducative et philosophique de fond. On empile de l’occupationnel et on rend les enfants
« propres le soir ».

Il y a également un décalage entre les intervenants en termes de formation et de « colorisation ». Les enseignants sont blancs, les animateurs, les éducateurs sportifs sont « colorés ». Avec des niveaux de formation hétérogènes. Personne ne veut mettre en place des formations communes d’une semaine par exemple sur lequel on a un langage commun, une attente commune vis-à-vis des jeunes dans différents champs. Cela est un vrai problème. Il n’y a plus d’enseignant qui encadre des activités autres que le temps scolaire. Le lien qui se faisait presque naturellement, l’enseignant qui faisait la cantine, le centre de loisirs… Cela n’est pas choquant que les enseignants ne le fassent plus, mais nous n’avons pas su construire les passerelles, et les élus en porte une responsabilité. Tous ce qui est cette continuité d’enseignement pose problème.

Octobre 2008

Print Friendly
Categories: UNIVERSITES D'ETE

Répondre