Le décrochage scolaire est une notion d’autant plus utilisée qu’il est difficile de lui donner un contenu. Le sociologue Pierre-Yves Bernard rappelle le contexte et les origines de cette notion. Il rappelle également comment les pouvoirs politiques ont souhaité traiter cette question.
Poser aujourd’hui cette question pourrait être considéré comme une provocation. En effet, le décrochage scolaire est devenu en quelques années seulement la principale désignation des problèmes du système éducatif en France. Il semble résumer l’ensemble des manquements de l’école à ses missions. Médias et responsables politiques utilisent de plus en plus le terme « décrocheurs » pour désigner tout à la fois des victimes de l’échec scolaire, des jeunes désocialisés, de futurs chômeurs ou délinquants, voire de possibles terroristes. Pourtant, si on considère le décrochage scolaire comme l’inachèvement d’une scolarité secondaire complète, force est de considérer que le problème ainsi identifié a connu une ampleur bien plus importante par le passé et qu’il diminue tendanciellement dans le temps. En 1980, 39 % des jeunes sortaient de l’école sans diplôme ou avec le seul brevet. Ils sont 16 % en 2009, ce qui est certes beaucoup, mais vraisemblablement amené à diminuer encore, comme l’indiquent les dernières données statistiques sur la question (Le Rhun & Dubois, 2013). Pourquoi le décrochage scolaire n’était-il pas un problème dans les années 1980 en France ? En quoi est-il aujourd’hui un problème ? Que doit-on attendre d’une action publique dans ce domaine ?
Tenter de répondre à ces questions conduit à séparer le phénomène lui-même (les sorties du système scolaire sans diplôme) de sa désignation comme un problème public. Le danger est grand en effet de voir dans le décrochage scolaire un phénomène aisément objectivable, transposable sans précaution d’un contexte sociétal à un autre, et qui serait indépendant du traitement institutionnel dont il est l’objet. Et tomber dans ce travers a bien des conséquences, notamment celle de ramener le problème au décrocheur lui-même, au travers de ses diverses caractérisations, sociologiques, psychologiques ou scolaires. Au contraire, se pencher sur les conditions sociales et historiques dans lesquelles s’est construit cette question du décrochage interroge nécessairement l’institution scolaire, et, plus généralement encore notre société.
Il faut donc envisager le problème du décrochage scolaire comme une construction historique et sociale. Historique au sens où il est nécessaire de le situer dans la temporalité des politiques publiques de la jeunesse, dont la politique scolaire bien sûr, mais pas seulement. Sociale parce qu’il s’inscrit dans un rapport entre structures sociales, institutions et logiques d’action des individus.
Le décrochage scolaire comme construction historique
La mise à l’agenda politique du décrochage scolaire
Ce que révèle le décrochage scolaire
Le décrochage scolaire, enjeu des réformes éducatives
Ce qu’en disent les intéressés
Le décrochage au cœur des contradictions de la société française
ISSN : 2015-3030
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