BANLIEUE : Le terme de banlieue est une notion floue pour le statisticien qui connaît l' »îlot », fondé sur l’idée d’une zone d’habitation de construction homogène, soit la commune, qui correspond à un découpage administratif. Entre les deux il n’y a pas de définition claire.
Le mot est attesté dès 1185. Le Dictionnaire historique de la langue française d’A. Rey précise : « Territoire soumis à la juridiction d’un suzerain» (1257). À l’époque féodale la banlieue désignait une « Circonscription territoriale qui s’étendait à une lieue hors de la ville et dans laquelle un juge pouvait exercer sa juridiction ».
Historiquement, c’est à partir du XVIIe siècle que la banlieue désigne les environs immédiats d’une ville, peuplés de banlieusards, de zonards et autres « apaches», J.Cubero, 2002. C’est le même mot que ban (bannir dès 1209) « loi dont la non-observance entraîne une
peine ». Le ban et l’arrière-ban. Les bans que l’on publie.
Banlieusard, mot inventé en 1889, a une connotation péjorative.
Espoir d’un habitat moderne pour tous dans les années soixante, les villes nouvelles sont devenues des symboles de violence et de relégation. Véritables ghettos pour des populations prises au piège dans ces lieux mêmes qui leur avaient donné à croire en un meilleur possible, les banlieues sont devenues l’un des lieux de la contestation sociale ; parfois qualifié de « zones de non-droit» ou de « quartiers perdus de la République ». On se souvient de l’épisode des rodéos des Minguettes au cours de l’été 1981, période au cours de laquelle les banlieues font irruption sur la scène politique et sociale française. Depuis ces évènements qui rappellent les luttes urbaines des années soixante-dix, la banlieue ne désigne plus une catégorie essentiellement urbanistique ou géographique, mais un espace social et politique, voire culturel, ou plus exactement, la territorialisation de la question sociale, la congruence entre un territoire et la concentration de problèmes sociaux, (Dictionnaire Larousse de la contestation au XXe siècle, 1999).
Les« zones urbaines sensibles» sont le résultat de l’évolution de la politique de la ville qui permet de déterminer le niveau d’aides publiques nécessaires (loi du 14 novembre 1996 du pacte de relance de la ville).
Par extension, la banlieue évoque abusivement les « Quartiers d’exil », F.Dubet et alii, 1994, où des jeunes en survie éprouvent la « Galère». Les générations de la crise, ces « nouvelles classes dangereuses» issues des milieux populaires, concentrent bon nombre de difficultés : chômage, précarité, cadre de vie dégradé, échec scolaire, illettrisme, etc. Le taux de chômage des 15-24 ans dans les quartiers dits « sensibles» est de 38,5% (INSEE : Enquête Emploi, 2004).
A. Van Zanten, et alii, 2001, ont montré comment « l’école de la périphérie» conjugue scolarité et ségrégation en banlieue. Les « émeutes urbaines» (notamment celle de novembre 2005), ne font que refléter les désordres de la société globale. La politique de la ville mise en place à la même période peut-elle suffire quand la violence exprimée est l’écho d’un phénomène souterrain, plus profond ?
« L’explosion a au moins la vertu d’une énergie extravertie.
L’implosion à laquelle nous assistons est une violence contre soi. Elle ronge de l’intérieur des millions d’hommes et de femmes comme assignés à résidence sur des territoires incertains et qui se détruisent eux-mêmes », A. Jazouli, 1995.
Cependant, trop souvent l’image de la banlieue se confond avec une représentation socio-médiatique généralement misérabiliste, puisqu’un sujet d’opinion devient un prétexte pour parler de la crise, plutôt qu’un objet scientifique.
Pourtant « … tous les progrès de la pédagogie sont toujours venus des banlieues : chaque fois que quelque chose d’important s’est passé dans l’éducation, ça s’est passé à la périphérie des grands centres, des grandes écoles, des grandes villes, quand un hurluberlu, un personnage un peu étrange, s’est mis dans la tête d’éduquer des gens réputés jusque-là inéducables … C’est Maria Montessori qui récupère les enfants arriérés des villes dans la banlieue de Milan. C’est J. Korczak qui récupère les enfants juifs abandonnés dans le ghetto de Varsovie. C’est J.H. Pestalozzi qui tente de faire quelque chose avec les gamins que l’armée bonapartiste laisse derrière elle après avoir massacré leurs parents … », P.Meirieu, 1996.
Et si derrière la « crise des banlieues» (dont la dernière forme paroxystique remonte à novembre 2005) se posait de façon centrale la question de la mobilité pour « l’individu-monde» (J.Viard) en situation de relégation ? Pour J. Pain et alii, 2007, l’école dernière institution de masse, traverse sur la question des banlieues en particulier, la plus grande crise de réussite de son histoire, car elle ne parvient pas à construire une pédagogie active, interculturelle, en phase avec la société qui l’entoure.
-7 Chômage; Crise; Échec scolaire; Précarité; Territoire; Ville; Violence; …
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