« L’él’élève Ducobu » (capture d’écran)
Attention, ceci est une alerte disparition. Alors que le débat sur la réforme des rythmes scolaires se poursuit par des manifestations et des grèves, France Culture s’intéresse au rythme biologique des enfants. La radio évoque (à 11’38’’) une étude édifiante menée auprès de 600 écoliers canadiens sur le rythme biologique des enfants.
Nous diffusons son signalement : étude canadienne, récente, elle affirme que les enfants qui se couchent tous les jours à la même heure obtiennent de meilleurs résultats à l’école, « quel que soit le milieu social ». Enfin un truc carré et simple pour les parents.
Au moment où certains arguments antiréforme mettent en cause une organisation qui fatiguerait les écoliers, cette étude apporte un éclairage intéressant : un enfant peut très bien avoir 5 jours d’école consécutifs (comme c’est déjà le cas au Canada) et garder toutes ses capacités de travail et de concentration. La seule condition : avoir une heure de coucher régulière.
J’ai cherché cette étude simple, carrée, édifiante. Je ne l’ai pas trouvée.
Les experts français ne l’ont pas vue passer
Une première constatation s’impose : des études sur le lien entre sommeil, scolarité et réussite, il y en a plein. En France, on peut citer entre autres une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2001, une du CNRS en 2004 et celle de l’Académie de médecine en 2010.
Le sujet intéresse les experts de la santé et de l’éducation depuis une bonne trentaine d’années. La question angoissée et sous-jacente est la même : comment faire pour que nos écoliers soient en bonne santé et réussissent à l’école ? Doit-on diminuer les heures de travail, découper la journée en deux avec des cours le matin et des activités périscolaires l’après-midi ?
Les chronobiologistes sont formels : ils doivent surtout bien dormir. L’un d’entre eux aura peut-être entendu parler de cette fameuse étude canadienne. Témoin principal : René Clarisse. Chronopsychologue français, il a déjà mené plusieurs travaux sur le sujet.
Il fait parti entre autres des experts convoqués par l’Inserm en 2001 pour réaliser une étude sur les rythmes biologiques des enfants et les rythmes scolaires.
Aucune étude correspondant à notre signalement ne l’a interpellé. Non, il ne l’a jamais vu passer. Tant pis. Son expérience est utile pour mieux comprendre de quoi l’on parle.
Selon lui, la règle absolue pour une bonne concentration en classe est la synchronisation le sommeil de l’enfant par rapport à ses besoins. Si les parents remarquent que leur bambin dort en moyenne 9 ou 10 heures, ils doivent mettre en place une horaire de coucher fixe qui lui permettra de dormir autant qu’il en a besoin tout au long de la semaine.
Se lever une matinée de plus, si le rythme biologique est respecté, ne devrait donc pas poser de problème :
« Je suis très favorable à l’école le samedi. Les gens pensent souvent que le problème est celui du lever, mais c’est celui du coucher. Si l’enfant travaille le samedi il ne sera pas désynchronisé, puisqu’il sera dans son rythme de semaine. »
En 2006, le chronopsychologue a expérimenté dans deux écoles de Rennes le principe de synchronisation du sommeil des élèves, associée à une semaine de quatre jours pour une école et quatre jours et demi pour l’autre.
C’est bien beau tout ça, mais quid des études outre-Atlantique ?
Infiltration dans les milieux scientifiques nord américain
Il est temps d’attaquer de front les études nord-américaines. Cinq jours d’école par semaine, rythme scolaire, sommeil de l’enfant, dormir pour réussir, synchronisation, rythme biologique : les mots-clés s’égrènent mais ne donnent rien. Epluchage de la presse canadienne et québécoise : National Post, La Presse, Le Devoir… Pas de trace d’une étude menée sur 600 élèves canadiens.
La navigation sur les sites spécialisés outre-Atlantique donne enfin quelque chose d’un peu concret ; l’espoir revient et tout de suite après, la déception. Un site américain, Science Daily, a publié un article en 2011 sur une étude réalisée par l’Académie américaine de la médecine du sommeil.
Encore manqué. Mais le propos est intéressant : le docteur en psychologie Jennifer Peszka a montré la corrélation entre une mauvaise hygiène de sommeil et la baisse de la concentration en classe. L’étude s’est intéressé aux habitudes de sommeil de 89 étudiants du secondaire.
Le Docteur Jennifer Pezska commente l’étude sur les habitudes de sommeil des élèves et les résultats scolaires
Bon point : étude récente qui met en avant le lien entre le sommeil à heure fixe et la réussite scolaire.
Mauvais point : étude américaine qui ne parle pas du nombre de jours de cours.
Mais ils sont où les Canadiens ?
De nouvelles recherches et… tiens… un titre intéressant. Non, plus qu’intéressant ! Formidable ! C’est exactement ça. Tout y est : les enfants avec un rythme de sommeil régulier réussissent mieux à l’école.
Source : The Telegraph, un journal anglais. Article publié en 2010, donc encore relativement récent. Oui, oui, oui… Non ! Encore une étude américaine, venue cette fois d’un Institut indépendant en Californie.
Mais ils sont où ces chercheurs canadiens ? Apparemment, à l’Institut Douglas à Montréal. En fouinant sur les innombrables forums santé-maman-bébé-bobo, un nom apparaît : Reut Gruber. Montréal. Canada.
Cette chercheuse a publié en novembre 2012 une étude dans la revue Pediatric (journal officiel de l’Académie américaine de pédiatrie). Intitulée « Impact of Sleep Extension and Restriction on Children’s Emotional Liability and Impulsivity », elle démontre qu’améliorer le temps de sommeil des enfants c’est aussi leur permettre de mieux réguler leurs émotions, et de mieux se tenir et suivre à l’école. Mais ce n’est pas notre étude carrée sur le coucher à heure fixe.
« Ces nouvelles découvertes soutiennent l’importance du sommeil chez les enfants d’âge scolaire, explique Reut Gruber. Nous devons informer les parents, les éducateurs et les étudiants en leur fournissant des données claires sur les effets importants du sommeil sur le fonctionnement diurne. Le sommeil doit être une priorité. »
Un confrère québécois appelé à la rescousse me dit qu’il n’a pas non plus entendu parler d’une telle étude. On ne peut pas être au courant de tout, c’est un fait. Mais ce dernier témoignage confirme ce que l’on redoutait… c’est une étude bien planquée !
Appel à témoin
Conclusion : si un média « sérieux » parle d’une étude canadienne réalisée sur 600 élèves qui prouve que les meilleurs élèves, toutes classes confondues, sont ceux qui se couchent à heure régulière, même 5 jours par semaine, c’est qu’elle doit bien être quelque part.
Jointe par mail, la rédaction de France Culture n’a pas encore répondu à notre demande d’explication. Dès que nous en saurons plus, nous n’hésiterons pas à vous en faire part.
En attendant, si vous voyez ou entendez parler de cette étude, si et seulement si vous obtenez des informations permettant de la localiser, prévenez immédiatement les autorités compétentes (nous).
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