PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Les événements dramatiques de janvier 2015 ont renforcé, plus encore, l’idée que l’unité, l’harmonie et de la paix dans notre société doit s’appuyer, en premier lieu sur l’école de la République autour du principe essentiel de laïcité. Pas plus qu’aux conflits de la société, l’école ne saurait être livrée de la sorte, aux groupes religieux ou idéologiques qui visent à structurer une partition de l’éducation et à travers elle, de la société.

« Le triomphe de l’esprit laïque, ce n’est pas de rivaliser de zèle avec l’esprit clérical pour initier prématurément les petits élèves de l’école primaire à des passions qui ne sont pas de leur âge. Ce n’est pas de les enrôler contre d’autres avec la même étroitesse et la même âpreté en sens inverse. C’est de réunir indistinctement les enfants de toutes les familles et de toutes les Églises pour leur faire commencer la vie dans une atmosphère de paix, de confiance et de sérénité. »[1]

La laïcité est menacée et confrontée à des problèmes nouveaux, prégnants qui engagent notre avenir. Tous réaffirment une adhésion à la laïcité » : oui, mais laquelle ?  

Au regard du principe de séparation des Eglises et de l’Etat, la République doit-elle, avec l’argent public, financer les lieux privés de culte, s’impliquer dans la formation d’imams et « développer les établissements scolaires privés sous contrat » au risque d’alimenter, elle-même,  la ségrégation sociale et idéologique ?[2]

« Dans aucun des actes de la vie civile, politique ou sociale, la démocratie ne fait intervenir, légalement, la question religieuse. Elle respecte, elle assure l’entière et nécessaire liberté de toutes les consciences, de toutes les croyances, de tous les cultes, mais elle ne fait d’aucun dogme la règle et le fondement de la vie sociale. »[3]Déclarait le 30 juillet 1904, Jean Jaurès.

Comme pour toutes religions, l’Islam en France doit rester l’affaire des musulmans. Ce n’est pas exclusivement la « liberté religieuse » que la laïcité garantit mais d’abord la liberté de conscience, laquelle permet le droit de choisir sa religion, n’en pas avoir ou d’en changer. Voire de militer contre toute religion.

Une politique néo-cléricale ne peut tenir lieu de projet social. Oui, la laïcité doit s’opposer à la reconnaissance institutionnelle de religions et au communautarisme scolaire financée par la puissance publique.

La République devrait-elle  financer et favoriser des écoles communautaires de la différentiation sociale ?

La République peut-elle financer et favoriser les écoles privées des parents qui ne veulent pas mettre leurs enfants avec les enfants des autres dans l’école publique ?

La République finançant et favorisantl’entretien d’écoles privées dont elle n’a ni la direction, ni le contrôle ne fait-elle pas  concurrence à sa propre école publique ?

La République finançant et favorisant, le dualisme scolaire  n’alimente-t-elle pas là, structurellement, la machine à fabriquer de l’inégalité scolaire et de la ségrégation idéologique?

Après des débats sur « l’identité nationale », c’est l’illustration de la confusion et la stratégie de ceux qui enferment toute une partie de la population issue de l’immigration dans une appartenance présupposée à l’Islam imposée comme marqueur identitaire exclusif. Pourquoi ignorer que la plupart de ces jeunes sont français souvent sans appartenance religieuse ? Ce n’est pas des droits différents qu’ils revendiquent, mais l’égalité des droits  et des actes pour l’égalité sociale et civique.

L’émancipation laïque conjugue émancipation intellectuelle et justice sociale. La laïcité  a des résonances on ne peut plus actuelles, et doit trouver à s’incarner dans une démarche de libération de toutes les formes d’oppression et de domination institutionnelles dont l’Église et les religions sont une des formes les plus anciennes.

Cette laïcité d’émancipation est susceptible de fédérer tous ceux qui sont aujourd’hui les victimes des politiques actuelles, autrement dit, la très grande majorité. Elle leur offre une voie de résistance au long cours et la possibilité de devenir force de proposition en mettant en avant une autre logique. Une logique d’émancipation fondée non pas sur l’individualisme, le consumérisme et la promesse d’une vie meilleure mais sur la solidarité et l’épanouissement de chacun et de tous ici et maintenant.

Jaurès militait pour une République à la fois laïque et sociale : il refusait, de dissocier les deux principes, leviers complémentaires d’émancipation : « Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles. Nous lutterons pour les deux ».[4]

La citoyenneté, l’égalité des sexes, la mixité sociale, dans un contexte de crise, constituent des défis, des enjeux de société pour l’école publique laïque. Commercialiser l’éducation et en la soumettant à des conditions de fortune pour restaurer l’inégalité dans l’accès au savoir, est-ce favoriser l’émancipation et la laïcité ? Les mêmes ou d’autres exigent le financement public de leur école privée dont l’objectif vise à conformer  au nom de leur « caractère propre » religieux et conditionner les consciences plutôt que de les émanciper.

La République laïque n’a jamais revendiqué un monopole. Cependant, le financement public  entretient un double amalgame public/ privé, laïque/confessionnel qui  invalide ainsi les principes fondateurs de l’école publique. L’argent public doit être réservé au seul service public de l’enseignement.

Le communautarisme et la marchandisation représentent des dangers imminents pour l’avenir de l’école. Les principes fondateurs instituant l’éducation obligatoire, gratuite et laïque garante de la liberté de conscience n’en restent pas moins, aujourd’hui, les plus efficaces antidotes. Pourtant certains osent prétendre qu’ils ont perdu de leur pertinence et luttent pour remarier d’abord Eglise et Ecole et ensuite atteindre la séparation des Eglises et de l’Etat.

N’oublions jamais que la remise en cause de l’Ecole publique est intimement liée avec celle qui vise la laïcité de la République et ses principes fondateurs.

On n’enseigne pas la LIBERTE, et en premier lieu la liberté de conscience, quand l’enseignement repose sur un dogme prétendant détenir à lui seul la vérité absolue.

On n’enseigne pas l’EGALITE quand c’est l’argent qui fait la différence de l’accueil, au service des élites et des gens fortunés. 

On n’enseigne pas la FRATERNITE du vivre ensemble quand l’enseignement est fondé et organisé sur un entre soi communautaire.

 Eddy KHALDI

[1] Ferdinand Buisson « La foi laïque »

[2] Rapport sur la « Cohésion républicaine », que le Parti socialiste a présenté le 1er février : La création d’une instance de dialogue avec les représentants de l’islam de France ; Le renforcement de la  formation, en France,  des imams et des aumôniers musulmans ; Le développement de l’enseignement privé confessionnel  musulman; L’incitation à l’édification de nouveaux lieux de culte.

[3] Jean Jaurès – L’Education Laïque – Discours de Castres -30  juillet 1904.

[4] Jaurès le 25 janvier 1910 à la fin de son célèbre discours Pour la laïque

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Categories: Laïcité