Introduction de Jean-Pierre Villain, Président de la Fédération Générale des PEP |
Selon Jean-Pierre Villain, on peut entendre trois choses par parentalité, ce qui ne veut pas dire que ces trois niveaux ne seraient pas compatibles ou cohérents entre eux :
– le statut juridique des parents définis par les textes de loi en vigueur,
– la fonction psycho-éducative, relationnelle et éducative, « être parents, c’est être responsables de l’éducation des parents, dans la variété des fonctions que ça représente : la protection, le soin, la transmission de valeurs, … »,
– un rôle social, la parentalité est une fonction sociale, « un rôle d’interface entre la cellule familiale et l’ensemble du champ social » (institutions, …) « et peut-être que beaucoup de problèmes de parentalité aujourd’hui se joue plus à ce niveau là qu’aux niveaux précédents. »
Il conclut en précisant qu’à défaut d’avoir une définition simple de la parentalité, nous pouvons néanmoins distinguer ces trois niveaux. « Ce n’est pas facile de transmettre des valeurs, mais si ces valeurs sont en contradiction avec celles du champ social alors on a des problèmes de deux ordres, celui de transmettre ses valeurs à ses enfants et le risque de télescopage avec les valeurs du champ social. »
Table ronde : « Les parents co-producteurs des actions éducatives ? »
Intervenants : Dominique NOGUES (CNAF), Sébastien BOUTEIX (POLOC), Estelle BARDET (PEP 28), Martine FOURIER (PRISME) Modérateur : Jean-Claude CLERC (administrateur de la FG PEP)
Question 1 : Comment a évolué la notion de parentalité de votre point de vue ? et quelle est la définition que vous pourriez donner aujourd’hui ?
Dominique Nogues intervient, au titre de la CNAF, pour rappeler qu’il existe un Comité national de soutien à la parentalité dans lequel ont été débattues deux visions qui font tension: celle de la responsabilisation et celle de la compétence-accompagnement du parent. Ce comité a réaffirmé la vision universaliste du soutien à la parentalité, tout en accordant plus d’attention à ceux qui en ont le plus besoin. Enfin, une définition de la parentalité a, de plus, été validée par ce Comité: « La parentalité désigne un ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parents, c’est un processus qui conjugue les différentes dimensions de la fonction parentale : matérielle, psychologiques, morales, culturelles, sociales, … Elle qualifie le lien entre un adulte et un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laquelle il s’inscrit, dans le but d’assurer le soin, le développement et l’éducation de l’enfant. Cette relation adulte-enfant suppose un ensemble de fonctions, de droits et d’obligations : morale, matérielle, juridique, éducative, culturelle, exercées dans l’intérêt dans l’intérêt supérieur de l’enfant, en vertu d’un lien prévu par le droit : l’autorité parentale. Elles s’inscrivent dans l’environnement social et éducatif où vivent la famille et l’enfant. » Fin 2012, lors de la négociation avec l’Etat de la politique actuelle de la CNAF, la parentalité, ainsi définie, a été un des axes prioritaires.
Sébastien Bouteix, Chargé d’études à l’Observatoire des Politiques d’éducation locales, POLOC, présente, en premier lieu les trois missions de cet Observatoire en termes de capitalisation- valorisation d’actions et projets éducatifs locaux, d’observations-analyses dans le cadre de visites de terrain, et, enfin, de contribution à la construction de « passerelles » entre la recherche et les acteurs éducatifs, notamment l’impulsion et le suivi de recherches au sein des collectivités locales.
Dans ce cadre, il précise que répondre à la question « qu’est-ce que la parentalité ? » pourrait être le résultat d’analyses de l’Observatoire, suite à un travail de terrain en partie basé sur ce qu’en disent les parents et les autres acteurs éducatifs. L’observatoire diffusera d’ailleurs certains travaux de chercheurs sur cette question pour nourrir la réflexion des « techniciens » concernés. En faisant référence aux évolutions sociétales, aux différents types de parentalité, notamment développés par l’anthropologie[1], Sébastien Bouteix se demande à qui sont destinés ces offres de soutien à la parentalité, (« quel(s) public(s) ? »), pour faire quoi et les emmener où. Les offres sont-elles en phase avec les évolutions observées ? De nos jours, observe-t-il, on peut constater la vitalité d’une vision réductrice et conservatrice de la parentalité, (« le familialisme traditionnel »[2] ) construite autour de l’image d’un couple marié : le père et la mère. Une vision qu’il juge en décalage avec l’évolution des manières d’être parents au sein de la société (monoparentalité, co-parentalité après divorce, situations de familles recomposées, situations d’adoption, couple homosexuel et parents, le renouveau des fonctions parentales des grands-parents, …). Sébastien Bouteix définit ensuite la parentalité comme l’ensemble des manières d’être, d’agir et de se penser en parents. Enfin, a posteriori, il se demande si nos offres de soutien locales répondent bien aux besoins partagés des parents et aux besoins spécifiques de certains. En filigrane, comment toucher de nouveaux individus qui ont également des fonctions parentales et que les offres n’interpelaient pas jusqu’à présent?
Martine Fourier, membre de l’association Prisme, rappelle le caractère récent de la notion de « parentalité », d’inspiration psychanalytique à sa vulgarisation dans les années 90. Faisant le parallèle avec les travaux de Bernard Lahire sur l’illettrisme, Martine Fourier rappelle que la parentalité est une construction sociale et qu’à ce titre, elle est devenue problématique, sinon un « problème public ». Citant Claude Martin, elle insiste sur l’importance d’écouter les parents, en particulier la manière dont ils définissent eux-mêmes leurs rôles. De manière complémentaire, elle interroge les normes produites par « notre société », nos institutions, prenant pour exemple la norme de la propreté qui était imposée, dès 2 ans, à l’école maternelle alors que des enfants de 3 ans scolarisés ne le sont pas aujourd’hui. Prenant l’exemple des horaires décalés, Martine Fourier se demande « comment pouvons-nous être au plus près pour qu’ils fassent leurs propres parentalités avec leurs enfants et les institutions ? »
Estelle Bardet, responsable d’un centre social géré par les PEP 28, rejoint le questionnement de Sébastien Bouteix relatif aux parents touchés par les actions. « En tant que professionnelle », elle annonce que son discours aura une orientation « opérationnelle » et se demande, « concrètement, quand on organise des actions, qui sont les parents ? Grands-parents ? Beau-père ? … Cette question là, on se la pose encore et pose soucis lorsqu’on organise des actions.» Dans un deuxième temps, Estelle Bardet affirme que « les professionnels sont passés du « faire pour » au « faire avec » mais que le « faire avec » les confronte à de nombreuses difficultés.
A ce sujet, le modérateur, Jean-Claude Clerc, administrateur de la FG PEP, relance Martine Fourier sur l’action d’ ATD Quart-Monde construite sur le principe de mobiliser le pouvoir d’agir des parents. Cette dernière rappelle que de nombreuses familles dites « populaires » sont éloignées des institutions, notamment l’école, les crèches, …, éloignées des pré-requis que l’école attend. Selon elle, par ces chantiers, des professionnels ont accompagné des parents pour qu’ils se constituent en collectif de manière à atténuer la dissymétrie qui existe entre eux et les représentants d’institutions.
QUESTION 2 : « Selon vous, quelle est la place laissée aux parents au sein : des projet d’école, des projets éducatifs locaux, dans la société civile »
Dominique Nogues, CNAF, souligne l’écart entre le dire et le faire puisque tous les textes, ceux de la CAF y compris, encouragent la participation des parents. Il s’agit plutôt de « construire une posture chez les professionnels et de savoir comment accompagner ces parents et de « faire avec » effectivement, et non « faire pour ». Nous avons donc à revoir certains dispositifs et repenser la place des parents, la manière d’être avec eux …, et non de décréter que les parents doivent être présents. »
Estelle Bardet part de l’exemple d’un centre de loisirs qui a construit son projet pédagogique avec 4 familles sur 20, quatre familles très actives, « mais ça reste compliqué d’associer les parents », et se demande dans quelle mesure les familles présentes « peuvent porter la parole » des familles absentes. Enfin, cette professionnelle note qu’elle et ses collègues ont la volonté de construire avec les parents mais attendent-ils la même chose ? De surcroît quand l’offre leur apparaît comme un « service » payant ? Enfin, elle met en avant un autre facteur, celui du professionnalisme des acteurs, « un animateur de centre social n’a pas la même formation qu’un animateur de centre de loisirs », le premier étant plus âgé, mieux formé et « plus à l’aise avec un public de parents. » En complément, Martine Fourier cite son expérience des lieux d’écoute parents-enfants et de l’intérêt de faire l’action ensemble pour être dans la co-éducation et non de placer les professionnels dans une position de savoir, de pouvoir ou d’injonction. La question émise étant : « comment travailler ensemble en tenant compte des contraintes de chacun puisqu’aujourd’hui 60% des salariés ont des horaires compliqués? » Enfin, Martine Fourier conclut sa prise de paroles en reformulant la question initiale: « quelle place a été prise par les parents? »
Sébastien Bouteix part de l’anecdote d’une rencontre avec une nouvelle et jeune élue du Bas-Rhin qui n’aura répété pas moins de six fois « laisser la place à » au cours d’un entretien. Pour cette élue, mère de deux jeunes enfants, ancienne représentante de parents d’élève, présidente d’association, …, « laisser la place à » est un principe transversal, donc applicable à toutes les sphères de sa vie. Le travail réflexif de cette élue est, bien entendue, à relier à son statut de maman soucieuse de transmettre le meilleur à ses enfants et culpabilisant de ne pas faire assez, mais également, à relier à ses expériences antérieures au sein des conseils d’école et des réunions de concertation sur la réforme des rythmes scolaires organisée par l’ancienne municipalité. Dans ces deux cas, cette jeune maman avait eu le sentiment d’être déconsidérée, que sa parole n’avait aucun poids alors que les enjeux de ces réunions lui semblaient très importants en tant que « maman». Ces expériences ont généré en elle des frustrations qui l’ont stimulé au point de « faire le pas » et d’envisager la politique autrement, c’est-à-dire en « laissant la place à » chacun. Un principe, une valeur, qu’elle souhaite transférer aux différentes étapes d’élaboration, de mise en place et d’évaluation des orientations de la politique éducative locale. Par cette perspective qui n’implique pas a priori l’adhésion de tous les acteurs, cette représentante politique montre sinon l’exemple, du moins le cap.
Dominique Nogues rejoint la position selon laquelle les parents doivent, en effet, prendre une place dans les instances de pilotage et les évaluations.
Sébastien Bouteix revient sur la place des parents au sein des collectivités locales et sur les places centrales de la petite-enfance, (avec un fort partenariat de la CAF), et de l’enfance. Ces axes forts des politiques éducatives locales pourraient laisser supposer que les parents n’ont plus besoin d’être accompagnés après la douzième année de leurs enfants alors qu’ils regrettent souvent de n’avoir pas plus d’offres d’accompagnement lors de la période de l’adolescence.
Un auditeur, éducateur spécialisé retraité, intervient pour souligner le décalage, le « problème » entre la manière dont les professionnels perçoivent les familles et réciproquement. «On a quand même une foutue tendance pour prendre les parents pour des incapables quand on est installés dans nos sphères éducatives. Nous, on fait de bonnes actions pour vos enfants alors que vous, vous n’êtes pas capables d’élever vos enfants ! Il y a eu ça ! Et ça reviendra, surtout avec des gens qui n’ont pas de formation (…) Je crois qu’il y a un énorme problème véhiculé par la société et les médias, que les parents sont de mauvais parents. »
Pour répondre au constat de cet éducateur retraité, Sébastien Bouteix fait à la fois écho au Rapport du Haut conseil de la population et de la famille, réalisé par Claude Martin en 2003, et à la construction des catégories ethniques, dans la mesure où désigner l’autre c’est à la fois rendre compte de la manière dont ceux qui sont extérieurs le désignent et comment l’individu se désigne lui-même. Il propose de faire le parallèle avec la parentalité, en prenant en compte, en particulier, cette tendance que peuvent avoir certains professionnels, toutes professions confondues, à catégoriser rapidement certains parents, en les jugeant négativement au regard de ce qu’ils pensent être un « bon parent », c’est-à-dire un « idéal type ». Ainsi, ce chargé d’étude invite chacun à faire preuve de vigilance sur la manière dont les professionnels désignent les parents, notamment pour éviter que les parents se réapproprient cette désignation lorsqu’elle est négative, ce qui suppose d’être à l’écoute, de « laisser de la place aux parents » pour que le professionnel puisse apprécier la manière dont les parents ressentent ces désignations et manières d’être utilisées par les professionnels en lien avec la famille. Sur ce point, il conclut avec l’ambition initiale des programmes de réussite éducative d’interpellation des logiques institutionnelles, d’être un « carrefour » de professionnels pour faciliter la coordination des actions, le suivi, mais également interpeler le fonctionnement de toutes les institutions, notamment la manière dont leurs représentants désignent certains parents.
Une auditrice, responsable d’un REAAP dans le Pas-de-Calais, raconte l’anecdote de la venue d’une association de parents présente dans le REAAP et des résistances que cette présence a suscité puis, progressivement, leur participation a été acceptée. Martine Fourier insiste sur le caractère déterminant de la méthode pour que les parents ne se sentent pas juger, quels que soient les professionnels ou les élus présents. Une auditrice rebondit en affirmant que si nous voulons laisser de la place aux parents, « encore faut-il leur demander ce qu’ils attendent de l’Ecole et du Centre de loisirs, pourtant cette question n’est jamais posée.» Un autre auditeur se demande s’il ne serait pas possible d’aider des parents à se constituer en collectif tout en conservant une organisation informelle, en créant des espaces plutôt que des dispositifs. Une autre auditrice, ayant travaillé dans une école ouverte, ajoute « plutôt que de créer des espaces nouveaux, il faudrait faire rentrer les parents dans les espaces existants, les rendre acteurs, valoriser leurs compétences, …, je pense que c’est une question de volonté plus que de professionnalisme. » De plus, « on parle sur les parents, peu « avec » les parents ». Un nouvel auditeur souligne la transition délicate entre la famille et l’école primaire sous la forme de délégation de pouvoir qui peut générer des sentiments de concurrence, des jugements de valeur, … Cette délégation suppose que les parents acceptent que l’Ecole participe à l’éducation de leurs enfants, d’où des ressentiments contrastés, voire contradictoires… Toutefois, cet auditeur affirme que lorsque les parents sont suffisamment rassurés pour pouvoir partager leurs propres histoires personnelles, leurs relations à l’Ecole, « du vécu de leur propre scolarité », « les choses se décantent sensiblement. » Sébastien Bouteix rejoint le discours précédent en faveur de lieux qui favorisent la relation de confiance et encourage les acteurs à façonner en ce sens les dispositifs « descendants », institutionnels, ou, de manière complémentaire, à utiliser leurs marges de manœuvre professionnelles pour permettre la co-construction d’action, citant l’action exemplaire d’un centre social de Vaulx-en-Velin, « Parlons d’ados », intitulé qui a lui-même été le fruit d’une reformulation par les parents et les représentants institutionnels présents.
QUESTION 3 : Quels sont aujourd’hui les partenaires majeurs de la parentalité à l’échelle nationale ? et locale ?
Pour Dominique Nogues, (CNAF), au niveau national, l’ETAT est le premier acteur, puis la justice, l’Education nationale et les acteurs associatifs. « Au niveau local, on retrouve les mêmes acteurs et on cherche à associer les parents, notamment dans le cadre des Schémas territoriaux de service aux familles pour redynamiser le partenariat local et se poser la question de la réponse aux besoins. (…) Les parents peuvent être associés à ces démarches, quand je dis « peuvent », c’est pour faire état de la réalité. » Elle précise que dans le cadre des Comités départementaux de soutien à la parentalité, des missions de coordination, d’animation peuvent également être financées pour faciliter les articulations avec les échelles infra-locales, « pour que la mayonnaise prenne dans les deux sens. »
Sébastien Bouteix rejoint les propos de Dominique Nogues et illustre cette articulation des échelles avec l’exemple des politiques éducatives concertées en Ariège, une démarche très intéressante entre les principaux partenaires départementaux (services déconcentrés, CG, CAF, …), une inter-fédération d’éducation populaire, des représentants de parents d’élèves, des échelons intercommunaux et une structure d’accompagnement. Toutefois, selon lui, le mot « local » pose problème en matière de politiques éducatives : dans certains cas, l’échelle pertinente peut être l’intercommunalité, dans d’autres situations, plus urbaines, ce sera la ville, voire un quartier immense et dense soutenu par la Politique de la ville. De ce fait, les partenaires locaux vont, en partie, varier au regard des configurations du territoire et du périmètre délimité.
Estelle Bardet ajoute « qu’à l’intérieur de ce périmètre d’autres périmètres se dessinent également. »
Quant à Martine Fourier, elle rappelle l’existence de territoires moins administratifs, micro-locaux qui rendent compte des territoires de vie des habitants. « Les professionnels doivent aussi se rapprocher du local et d’être au plus près du vécu des gens qui ne sont pas structurés en collectifs. D’ailleurs, des collègues de la CAF se sont mis à faire le marché le midi et cela a modifié leurs relations avec les parents qu’ils souhaitaient mobiliser sur des ateliers, etc.» Sébastien Bouteix ajoute, dans le même sens, qu’aux dernières rencontres de Brest, l’expression récurrente pour signifier ces micros-territoires était le « bassin de vie ». Cela suppose un diagnostic préalable de ces « bassins de vie », notamment ceux les plus éloignés des offres locales, géographiquement ou culturellement, pour « laisser une place à ces familles », prendre le temps d’écouter leurs besoins quotidiens puis tenter de penser collectivement une réponse pouvant passer par un accompagnement d’un groupe dans la construction d’une association de résidents dans un quartier paupérisé. Dans cette perspective, Estelle Bardet affirme que si les parents portent le projet, « si ce n’est pas le projet du professionnel mais bien celui des parents, que le professionnel est là en soutien», les résultats sont au rendez-vous. Martine Fourier précise que cette démarche va souvent à contre-courant des usages, des habitudes professionnelles et peut ainsi générer des résistances.
En conclusion, le modérateur, Jean-Claude CLERC, remarque une certaine stabilité du partenariat au niveau national alors que les représentants lui semblent plus nombreux et variés au niveau local.
Suite à l’exemple du fonctionnement des Conseils d’école au Danemark, Claude Martin précise que le pouvoir municipal pèse beaucoup plus dans les pays scandinaves, avec des « tailles » favorisant la participation. Cependant, dans le cas de la France, ce chercheur pointe surtout du doigt « ce sentiment de pression, généré collectivement et partagé, du chef d’établissement à l’enseignant jusqu’aux parents et aux enfants. Le dernier maillon étant celui pour lequel la pression est insoutenable. » Si dans ces espaces, on peut aborder autre chose que la performance ou la course, alors on sortira de cette boucle négative et les parents pourront participer.
QUESTION 4 : « Pour conclure, quelles sont les perspectives d’évolution de l’accompagnement à la parentalité ? »
Dominique Nogues, au titre de la CNAF, signale les perspectives validées dans le Contrat d’objectifs passé avec l’Etat, avec des moyens doublés. Par ailleurs, elle souligne, malgré la multitude de dispositifs et structures en direction des parents, le manque de visibilité de ces offres d’où la volonté de la CAF de mieux travailler l’information apportée aux parents, notamment à travers son site : www.monenfant.fr
Enfin, dans le cadre des dispositifs financés par les CAF, la question est de savoir quelles actions de soutien parentalité il est souhaitable de financer et sur quels critères, en fonction des besoins diagnostiqués sur les territoires. De plus, la CAF souhaite cibler davantage de nouvelles aides sociales en direction des familles qui en ont le plus besoin, à un instant t (séparation, pension alimentaire non payée, accompagner la co-parentalité, …).
Sébastien Bouteix, au titre de l’Observatoire POLOC, revient sur un des points de Dominique Nogues, celui de rendre visible ces espaces et ces temps, tout en limitant les termes techniques pour ne pas exclure d’emblée les non initiés aux REAAP, LAEP, CEJ, …, dont font partie les parents. Dans cette optique, le deuxième point serait d’encourager la diversification des supports de communication pour toucher le plus grand nombre. En partant du constat empirique d’une surreprésentation des supports écrits (articles de journaux municipaux, affiches, flyers, …), Sébastien Bouteix affirme que ces supports « écrits » sont une pratique discriminatoire, donc sélective, alors que les offres de soutien à la parentalité ont pour principe de s’adresser à tous, à commencer par ceux qui en auraient le plus besoin. Pour y remédier, il encourage la promotion de supports vidéo, et, surtout, de médiations humaines (citant les adultes-relais impulsés par la politique de la ville), à condition que ces personnes soient réellement formées, disponibles, à l’écoute et prêtes à accompagner, si besoin, les familles vers les différentes offres locales.
Il revient également sur des questions non résolues et problématiques dans l’application des politiques éducatives locales et d’autres politiques sectorielles :
– Comment avoir un maximum de parents acteurs, décisionnaires dans les PEL, Pedt, réunion sur les rythmes scolaires, les réunions relatives aux TAP, …, dans les comités préparatoires au Projet d’établissement, comités techniques et de pilotage CUCS (ou contrat de ville), etc ?
– Comment faciliter la mobilisation d’habitants-parents à travers des structures associatives indépendantes ? Comment les professionnels pourraient-ils à la fois concilier leurs obligations et un accompagnement de ces collectifs en structure associative, parfois de manière moins formelle ? Voire, de passer le relais de l’accompagnement à des structures associatives expérimentées.
– Comment intégrer des parents, et non uniquement des représentants de parents d’élèves, dans les différents niveaux de diagnostic, d’élaboration, de mise en œuvre, d’évaluation des actions, voire dans des comités de pilotage et technique plus globaux ?
– Comment améliorer ce déficit d’évaluation des actions inscrites le plus souvent dans des politiques contractuelles où un « tiers »[3] évaluateur n’existe pas ? L’usage veut qu’un des contractants évalue sa propre action, ce qui encourage la production de bilan et non d’évaluation. Une perspective d’évolution et d’amélioration des actions de soutien à la parentalité passera par une meilleure évaluation.
Pour Martine Fourier, de l’association Prisme, la loi de refondation de l’école de 2013 a tout de même réintroduit les bases du partenariat avec l’Education nationale et les autres acteurs éducatifs, réintroduit des projets d’espace-parents dans et hors les établissements, la question de la place des habitants. D’ailleurs, selon elle, l’élaboration des projets éducatifs de territoires peut être une opportunité pour associer les habitants, et, pour ces derniers, cette participation peut être une première expérience de la vie politique, et non attendre d’avoir des enfants pour se sentir concernés par les offres en direction des enfants (crèche, école). Elle se positionne en faveur d’offres qui répondent aux besoins et de celles qui tiennent compte des envies de participation des habitants pour qu’ils soient « acteurs et créateurs de quelque chose », illustrant son propos par l’exemple d’une crèche parentale de Strasbourg créée par une association de parents au RSA. Estelle Bardet rejoint les autres intervenants sur le manque de visibilité des actions en direction des parents et complète ce constat par un manque de visibilité des actions entre « partenaires » (professionnels). La perspective serait ainsi de co-construire un réseau avec un coordonnateur pour faciliter cette reconnaissance interprofessionnelle, de mutualiser les moyens et d’être plus efficace collectivement. Estelle Bardet tient à signaler que la CAF est le seul partenaire financier permettant l’émergence de projets tout au long de l’année, ce qui est très facilitant pour les professionnels et les parents.
Cette journée des PEP s’est terminée par deux ateliers axés sur la mobilisation des parents, l’un en milieu médico-social, l’autre dans le domaine des loisirs.
Sébastien Bouteix
Chargé d’étude à l’Observatoire des politiques d’éducation locales, POLOC.
Institut français de l’éducation (IFE), ENS de Lyon.
[1] Les travaux en anthropologie de l’enfance, à l’Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris (EHESS), permettent de se détourner des fausses évidences auxquelles les techniciens sont parfois confrontés.
[2] Se reporter aux travaux d’Irène Théry sur ce sujet.
[3] Se reporter à l’article de Dominique Glasman sur les politiques éducatives contractuelles.
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