In Vous Nous Ils – l’e-mag de l’éducation – le 27 février 2013 :
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Eric Debarbieux et Vincent Peillon ont présenté ce mardi les premières avancées de la délégation ministérielle chargée de la prévention de la violence scolaire.
"Nous ne pouvons pas accepter que des élèves, des professeurs, des personnels soient dans l’enceinte des établissements en insécurité, en souffrance." Le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon a organisé ce mardi un point d’étape sur la délégation ministérielle chargée de la prévention et de la sécurité en milieu scolaire, mise en place en novembre et présidée par le chercheur Eric Debarbieux, ex-président de l’Observatoire international de la violence à l’école.
Plus qu’un point d’étape, il s’agissait de présenter la politique à moyen et long terme du gouvernement sur cette question de la violence à l’intérieur des établissements. "Personne ne fera croire que l’on peut lutter contre le harcèlement, contre l’insécurité, aider mieux les victimes, (…) sans agir avec beaucoup de constance, a souligné le ministre. La violence ne doit pas nous dicter son tempo." Vincent Peillon veut sortir des "réponses immédiates" à la suite de drames dans les établissements, comme les récents suicides d’élèves harcelés en Savoie et dans l’Essonne.
Mais au-delà des cas de "violence paroxystique" terminant en décès, le ministre souhaite surtout étudier les actes "moins médiatisés" de "violence quotidienne", telles les insultes à répétition, qui finissent par provoquer une "souffrance majeure".
56,1% des personnels harcelés envisagent souvent de quitter le métier
Selon une enquête de victimation inédite menée auprès de plus de 20.000 personnels du second degré, la violence physique est minoritaire dans les collèges et lycées (moins de 1% des répondants ont été frappés) mais la violence verbale est très répandue : 42,3% des enseignants en filière générale et 59,7% des enseignants en SEGPA et classes spécialisées ont ainsi été insultés au moins une fois depuis le début de l’année.
L’école n’est donc "pas à feu et à sang", relève Eric Debarbieux : près de 9 répondants sur 10 affirment se sentir en sécurité dans l’établissement. Ce sont plutôt les relations entre personnes qui sont cause de mal-être : 18,2% des personnels ont déjà été mis à l’écart par une partie du personnel, et 22,9% ont déjà été harcelés. Si 29,6% des sondés envisagent souvent ou très souvent de quitter leur métier, cette proportion atteint 45,4% de ceux qui se disent ostractisés, et 56,1% de ceux qui se disent harcelés !
Une formation des enseignants à la gestion de crise
La délégation présidée par Eric Debarbieux s’est en conséquence fixé quatre priorités :
- le bien-être des personnels et un meilleur suivi des victimes
- l’amélioration du climat scolaire
- la formation à la gestion de crise pour les personnels
- la relance de long terme de la campagne "Agir contre le harcèlement"
Elle souhaite enfin lancer une réflexion sur une "justice éducative réparatrice", remarquant que les punitions "bêtes et méchantes" qui ne prennent pas en cause les causes ne font qu’aggraver les phénomènes de violence, dont le harcèlement.
Le programme de la délégation présidée par Eric Debarbieux pour améliorer le climat scolaire.
Trucs et astuces vs. compétences professionnelles
"Il y a une demande de gestes professionnels fondamentaux" de la part des personnels, "pas de « trucs »", analyse Eric Debarbieux. Des mots comme "gestion", "conflit", "psychologie", "adolescents" sont récurrents dans les réponses ouvertes de son questionnaire.
Interrogé sur ce sujet, il donne un exemple de "truc" : poser en début de cours son stylo à la droite de son bureau serait censé résoudre tous les problèmes de discipline. Un exemple de compétence professionnelle : instaurer des rituels de prise de parole dans la classe, comme "Tu veux la parole, tu la demandes".
"Les enseignants souhaitent être formés à ces questions [de violence], et ils ont l’impression de ne pas l’être, observe Vincent Peillon. Ils ont l’impression d’être souvent laissés trop seuls face à ces situations." C’est pourquoi la gestion de crise sera intégrée dans les programmes de formation continue et initiale, à distance et dans les ESPE, et que "le travail d’équipe, le respect entre pairs, la coopération" seront encouragés dans le travail des enseignants.
Le ministre de l’Education nationale veut inscrire ce projet "dans la durée". La délégation d’Eric Debarbieux a son "plein soutien" mais doit aussi conserver "son indépendance" pour travailler en toute transparence. Vincent Peillon se félicite qu’un universitaire soit ainsi associé à la politique du ministère, une "articulation nouvelle et essentielle entre la connaissance et l’action".
Quentin Duverger