PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In le Le blog de l’Adels, 4 Mars 2010 :

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Historiquement et juridiquement, l’intercommunalité résulte d’un mouvement ascendant des communes qui s’associent volontairement. Ce sont elles qui négocient leur rapprochement, qui élaborent « le pacte » qui va les unir, qui arrêtent les modes de fonctionnement, qui décident des compétences qu’elles vont transférer à l’organe commun, notamment au travers de la définition de « l’intérêt communautaire ». Mais, simultanément, l’État, par l’intermédiaire du préfet, intervient sur l’intercommunalité, par un mouvement descendant. L’État, garant de la légalité, fait vérifier par les préfets que les communes respectent bien la législation de l’intercommunalité. Par ses arrêtés, il donne un label de légalité aux décisions que les communes ont prises.

 Depuis la loi du 2 mars 1982, première des lois de décentralisation, le préfet ne peut intervenir qu’en contrôle de légalité et en aucun cas en « opportunité ». Le préfet peut aussi se substituer à la carence des collectivités territoriales et des intercommunalités, c’est-à-dire intervenir autoritairement non seulement si la loi est violée, mais aussi si la loi n’est pas appliquée dans un délai requis. En plus des compétences volontairement transférées, des lois successives ont imposé « des compétences obligatoirement déléguées », c’est-à-dire que si des communes acceptent de rentrer dans tel type d’intercommunalité, elles sont obligées de se désaissir de certaines compétences.

Des lois récentes permettent même que des intercommunalités puissent recevoir des transferts « descendants » de compétences, consentis par le département, la région et l’État. Beaucoup de lois ont introduit des contraintes limitant les possibilités d’association des communes, par exemple en les obligeant de constituer « un territoire d’un seul tenant et sans enclave », en fixant les règles d’entrée et de sortie d’un groupement, en encadrant étroitement les fusions… Dans des cas rares, mais qui existent, le préfet peut même contraindre une commune qui ne le veut pas à entrer dans une intercommunalité. Bref, « la libre administration des communes » est déjà largement entamée. On pouvait penser que l’on était arrivé à un certain équilibre entre le pouvoir des communes et le pouvoir des préfets. Le présent projet de loi fait nettement bouger le curseur au bénéfice du préfet. Il faut donc continuer de nous interroger sur les rapports entre l’intercommunalité et l’État, sur ce qui est tolérable, voire normal, et sur ce qui est intolérable, car ressortissant d’une recentralisation et d’un autoritarisme.

C’est pourquoi nous épinglons dans ce projet de loi tout ce qui marque le retour abusif de l’État sur le local. C’est pourquoi nous prônons, dans le cadre de lois-cadres à respecter, la liberté maximale « d’auto-organisation » des acteurs locaux. Mais, un second équilibre est aussi à atteindre, et cet article 2 l’illustre particulièrement : c’est l’équilibre entre le pouvoir des communes et le pouvoir des intercommunalités. Peu à peu les intercommunalités se sont imposées : quand elles ont une fiscalité propre, elles votent l’impôt ; leurs compétences se sont considérablement accrues et diversifiées ; leurs appareils administratifs se sont étoffés.

Les communes qui sont toujours un peu réticentes, par résilience de l’esprit de clocher, s’inquiètent. L’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct constitue une étape de plus dans l’autonomisation des intercommunalités par rapport aux communes, en accroissant la légitimité des délégués. En fait, si les conseillers communautaires étaient élus dans des élections séparées par rapport aux élections municipales, les intercommunalités deviendraient, de fait des collectivités territoriales de plein exercice et ne seraient plus vraiment des établissements publics. La différence entre les deux statuts serait pratiquement gommée. Il n’en resterait que la différence entre « les compétences d’attribution » et les « « compétences générales » que le présent projet de loi écorne par ailleurs. Un quatrième niveau de collectivités territoriales serait pratiquement créé.

Le système du fléchage, proposé par le projet de loi est un compromis entre les deux logiques et il est probablement impossible d’aller plus loin actuellement. Le fléchage permet de ne pas couper le cordon ombilical entre les communes et les intercommunalités, alors qu’un suffrage direct séparé signerait l’émancipation. Il est nécessaire de réfléchir plus profondément à cette contradiction apparente : nous voulons des intercommunalités fortes et majeures, mais nous ne voulons pas la mort des communes. Ce qui nous importe le plus, c’est l’intervention citoyenne. Elle s’effectue de manière satisfaisante quand la campagne électorale se déroule dans le même périmètre que celui des structures pour lesquelles sont présentés les candidats, ce qui n’est actuellement le cas que pour les élections municipales. Le rapport est alors vraiment direct entre l’électeur et la structure pour laquelle il désigne des représentants.

C’est pourquoi nous dénonçons des élections régionales qui se déroulent dans des circonscriptions départementales. C’est pourquoi nous dénonçons des élections départementales qui s’effectuent dans des circonscriptions cantonales. C’est pourquoi, nous pensons qu’il n’émergera pas vraiment une citoyenneté européenne tant que les élections au Parlement européen se dérouleront dans le cadre des États, avec des modalités différentes. Le projet de loi organise des élections intercommunales dans des circonscriptions communales. Le débat intercommunal, avec la présentation contradictoire de projets et de programmes intercommunaux, risque n’être toujours occulté pendant des campagnes électorales qui se feront presque exclusivement sur des enjeux municipaux.

L’important est que les élections municipales soient l’occasion, dans chaque commune, d’un grand débat démocratique relatif à l’intercommunalité. L’intervention, l’interpellation de la société des citoyens peuvent-elles l’imposer ? Il n’est pas du tout certain que les dispositions votées ici atteignent cet objectif.

Georges GONTCHAROFF

 

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