In Carnets de géographes :
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"L’enjeu est donc d’aborder les territoires à travers le prisme des représentations que s’en font leurs habitants. En effet, en considérant l’être-social-habitant comme acteur de sa territorialité, nous pouvons lire les productions territoriales qu’il engendre comme une représentation des stimuli produits par son environnement social. En d’autres termes, l’accent doit être mis sur une nouvelle lecture de l’interprétation que l’individu se fait de sa socialisation. Par conséquent, il ne s’agit plus de dégager des potentialités territoriales à grands renforts d’indicateurs quantitatifs, mais d’énoncer une réalité territoriale à un moment donné, c’est-à-dire celle vécue et ressentie par les habitants eux-mêmes. C’est un nouveau regard qui doit être privilégié permettant de traduire les informations que divulguent les personnes interrogées.
Ainsi, les politiques publiques de développement socio-territorial pourront résulter d’un consensus, d’un accord quant à ces modalités diverses de vivre l’espace. Les opérateurs du développement socio-territorial (services d’Etat, collectivités territoriales…) devront donc s’inscrire dans l’expérience démocratique. Faire émerger davantage de participation des individus dans le projet social et territorial global, en les interrogeant, en les aidant à construire ensemble un monde meilleur, en leur proposant des modalités nouvelles de démocratie participative, n’est-ce pas le projet qui transpire sous la notion de cohésion sociale ? Autant dire que poursuivre ce dessein dans le cadre des directions interministérielles de la cohésion sociale relève d’un vrai défi et appelle sans doute les agents à réinventer leurs pratiques professionnelles.
Nul doute que dans ce contexte, les expériences professionnelles, forgées sur le terrain au plus près des populations locales par les agents pourront servir de fondements afin que l’ingénierie sociale et territoriale ne soit pas seulement un vocable technocratique. Il s’agira alors pour les agents de construire, dans une dynamique de corporatisme pluriel, les valeurs, normes, algorithmes et images du référentiel cohésion sociale. S’ils accordent du crédit au fait que les individus convoquent leur « Arkhe-Pensée » pour vivre leur socialisation et leur territorialisation, alors les politiques publiques gagneront sans doute en efficacité.
Car, conduire des politiques publiques s’appuyant sur l’ingénierie sociale et territoriale impulserait de nouvelles dynamiques permettant :
– De promouvoir la prise en compte des éléments qualitatifs dans les indicateurs des Budgets Opérationnels de Programmes (BOP) pour ne pas verser dans une culture du résultat et conserver le privilège professionnel de travailler non pas « pour » mais « avec » les habitants au risque que cette posture professionnelle soit chronophage,
– D’infléchir la promotion de politiques publiques qui prévoient l’entrée par l’animation de dispositifs privilégiant l’accompagnement individuel au bénéfice d’une approche collective plus globale fondée sur un projet social et territorial,
– De favoriser les expériences originales locales fondées sur des diagnostics sociaux et territoriaux établis en concertation avec un large panel d’interlocuteurs dont les analyses vécues seraient largement entendues,
– D’appréhender l’animation des politiques publiques dans une approche transversale où les logiques de transformations sociales seraient reconnues et valorisées au même titre que les logiques de réparations sociales. A cet égard, c’est ce qu’appelait le Haut-Commissaire de la Jeunesse de ses vœux dans sa lettre du 10 décembre 2009 à l’attention des préfets de régions ayant pour objet les missions de l’Etat en matière de jeunesse, d’éducation populaire et de vie associative : « les missions de l’Etat en matière de jeunesse, d’éducation populaire et de vie associative doivent (y) trouver une nouvelle source de visibilité et d’efficacité pour les partenaires de l’Etat, les collectivités, les associations et l’ensemble des publics, notamment les jeunes ». Aux agents donc de bâtir ces nouvelles sources de visibilité et d’efficacité de leurs missions de service public. Quant à l’Etat, il lui incombe d’octroyer du temps aux agents pour qu’ils réalisent cette concertation-participation avec le plus grand nombre. "