In France Info – le 2 juillet 2014 :
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Pour la première fois, le ministère de l’Education nationale a publié un atlas détaillé des "zones à risques d’échec scolaire" dans le pays. Une étude qui bat en brèche certaines idées reçues.
C’est un cheval de bataille du gouvernement. La lutte contre le décrochage scolaire constitue une des priorités du ministère de l’Education nationale. Au début de l’année, l’ancien ministre Vincent Peillon, remplacé début avril par Benoît Hamon, s’est fixé l’objectif de parvenir à "raccrocher" 25 000 jeunes ayant quitté le système scolaire sans qualification d’ici la fin de l’année.
Et si l’échec scolaire avait aussi une dimension territoriale ? C’est ce que suggère l’Atlas académique des risques sociaux d’échec scolaire (PDF), publié lundi 30 juin. Cartes à l’appui, ce rapport mis en ligne par l’Education nationale dissèque les disparités au niveau de chaque académie, canton par canton, grâce aux travaux du laboratoire de géographie de l’université de Caen. Il offre aussi une réponse aux idées reçues sur le décrochage scolaire. Francetv info en a choisi quatre, et les a confrontées aux conclusions du rapport.
1Dans les régions économiquement sinistrées, l’échec scolaire est très fort
Vrai et faux. Les zones qui rencontrent des difficultés économiques importantes sont considérées comme à risque en terme d’échec scolaire. Pourtant, ce risque ne se matérialise pas toujours. Les exemples du Nord et du Pas-de-Calais, sont, à ce titre, très représentatifs.
De fait, l’académie de Lille concentre tous les problèmes des zones à risques d’échec scolaire : un fort taux de chômage, une grande proportion de familles nombreuses et monoparentales, des revenus faibles. "Lieu historique du chômage et de la paupérisation des populations du fait de la reconversion des industries portuaire, minière, du textile, de la chimie et de l’acier, l’académie de Lille regroupe le plus grand ensemble de cantons de type ‘cumul de fragilités économique, familiale, culturelle en milieu urbain’ en France", indique le rapport.
Or, si dans le Nord, cela se traduit par un taux important de non-diplômés chez les jeunes qui ne sont pas scolarisés, la tendance n’est pas la même dans le Pas-de-Calais. Ce département enregistre un taux de 15-24 ans non-diplômés d’environ 23%, contrairement à son voisin qui oscille entre 26% et 62%. "Cela s’explique par le fait que nous misons beaucoup sur les formations technologiques et professionnelles", explique l’académie de Lille au Parisien.
2Issu d’une famille monoparentale et/ou nombreuse, on a plus de risques de décrocher
Vrai. L’aide au travail à la maison a une réelle importance dans la réussite scolaire. "Les enfants béné?cient inégalement auprès de leurs parents des ressources matérielles et culturelles susceptibles de soutenir leur travail scolaire, d’autant plus lorsque la mère élève seule ses enfants, et surtout lorsque ceux-ci sont nombreux", constatent les auteurs de l’atlas.
L’échec scolaire n’est pas systématique lorsque le père ou la mère qui élève seul la famille ne peut aider l’enfant à faire ses devoirs, mais ce paramètre y participe. Par ailleurs, dans les familles nombreuses, c’est-à-dire de quatre enfants ou plus, le temps d’aide aux devoirs est réduit, ce qui accentue le risque, selon cette étude. Exception faite des cas d’entraide à l’intérieur de la fratrie.
3 Les enfants d’ouvriers ont plus de risque d’échouer
Vrai et faux. A chaque rentrée, c’est la même routine pour les élèves : il faut remplir une petite fiche avec son nom, son prénom, sa date de naissance… et la profession des parents. Dès les premiers pas à l’école, la catégorie socioprofessionnelle de la mère, et surtout du père, est prise en compte par les enseignants pour évaluer les besoins des élèves et le soutien dont ils peuvent disposer à la maison.
Effectivement, l’environnement dans lequel baigne un élève chez lui au quotidien est déterminant pour sa réussite. "L’importance d’une socialisation précoce à la culture scolaire est connue, à travers la mise à disposition de livres et journaux, et sur le plan culturel grâce à la familiarité avec la lecture et l’écriture que détiennent les parents les mieux pourvus en diplômes", soulignent les auteurs de l’étude.
Mais avoir des parents cadres ou ouvriers ne suffit pas à créer les conditions d’une réussite ou d’un échec scolaire. Le niveau de revenu est tout aussi déterminant, voire davantage que la catégorie socioprofessionnelle. "Il apparaît que la profession et catégorie socioprofessionnelle du père importe moins que le fait pour une famille de se trouver dans le décile des revenus les plus faibles", notent ainsi les chercheurs.
4Les banlieues sont le lieu du décrochage scolaire
Faux. Certaines villes et banlieues cumulent fragilités économiques, familiales, culturelles, mais c’est aussi une réalité dans des petites communes. "Souvent concentrées en milieu urbain (Seine-Saint-Denis, Vaulx-en-Velin dans le Rhône, Hérouville-Saint-Clair dans le Calvados…), certaines [poches de fragilités et de précarité] se trouvent aussi en milieu rural (Vimoutiers dans l’Orne, dont le collège est classé en éducation prioritaire), et d’autres dans des ports de pêche en déclin (Fécamp, Dieppe en Seine-Maritime), ou d’anciens ?efs de la France industrielle (Roubaix, Montbéliard, Saint-Dié dans les Vosges)", indique l’atlas, qui souligne que les territoires sont "hétérogènes".
Les régions touristiques, comme le Languedoc-Roussillon ou la Corse littorale, sont tout aussi touchées par la précarité économique. "Dans le Sud, on parle souvent de Marseille, mais le Languedoc-Roussillon accumule aussi chômage et précarité, qui concordent avec un fort taux de jeunes non-diplômés", note Gérard Boudesseul, un des auteurs de l’étude, dans Le Parisien.