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"Il n’y a pas conflit, mais pas non plus complémentarité" entre le scolaire et l’éducatif, estime Jean Roucou, président de PRISME, en ouverture de la 7ème université d’été de cette "association-réseau".
Pour André Chambon, co-auteur de "Mutations territoriales et éducation. De la forme scolaire vers la forme éducative ?" (ESF éditeur), nous en sommes à la 3ème décennie du chantier de la décentralisation, et de la "naissance progressive d’une nouvelle action locale". Les premiers projets éducatifs locaux datent de 1977-78, et en 1981, Alain Savary lance les ZEP, qui concernent l’Education nationale, mais sont pensées en articulation avec le quartier. "Dans les deux cas, le projet est une technique de mobilisation des ressources." Au cours de cette décennie apparaissent aussi les premiers aménagements du temps de l’enfant.
Avec les années 90, on passe du projet au contrat, et ce sont les CEL (Contrats éducatifs locaux), les "contrats de ville", et la politique de la Ville.
Puis vient la "réussite éducative", qui "cible l’individu" et s’inscrit davantage dans "une logique de droite". André Chambon estime que l’Education nationale, prise dans sa "culture de la verticalité" est "parfois à la peine", face à une horizontalité, et à la prise en compte de l’enfant dans sa globalité. Il plaide pour une forme, à trouver, d’organisation territoriale autour des bassin d’éducation et de formation.
Marie-Luce Gosselin, qui a rédigé "Education & territoires" (Sudel, 2009) pour "prolonger et approfondir la réflexion engagée" lors du congrès de l’UNSA qui avait ce même thème, estime que le mouvement vers la territorialisation de l’éducation est "irréversible", et ajoute que "l’Ecole n’est pas toute l’éducation", les collectivités ayant acquis une légitimité à agir dans ce domaine, tandis que les associations "interviennent de manière de plus en plus active".
Jean-Claude Guérin, IGEN retraité, estime que nous assistons à "l’émergence d’une forme éducative que l’on ne sait pas encore définir", et que nous devons repenser le terme même d’éducation dans une double perspective: partir des besoins de l’individu tout au long de sa vie, et considérer que les compétences définies par le "socle" ne s’acquièrent pas uniquement à l’école.
Luc Bentz (UNSA-Education) estime lui aussi que nous n’en sommes plus au temps où l’on pouvait tracer une frontière nette entre le scolaire et le périscolaire. Il constate d’ailleurs que le paysage territorial bouge, que les inspecteurs d’académie sont, de plus en plus, des "inspecteurs de l’académie", chargés par le recteur de missions, mais que l’autonomie des établissements suppose un accompagnement des équipes.
Jacques Guyard, ancien ministre, ancien maire d’Evry, fait remarquer que les PRE (projets de réussite éducative) ont fait naître, sur les territoires, des "équipes éducatives", mais que celles-ci sont le fait d’individus, et non pas d’institutions (voir aussi ToutEduc).
Pour Arnold Bac (Ligue de l’enseignement), "la forme éducative ne concerne plus que les temps extra-scolaire", une tendance qu’a "aggravée" la semaine de 4 jours, mais qui s’inscrit dans une évolution historique. En 1985, "l’aménagement du temps scolaire" incluait l’école élémentaire, mais avec le changement de majorité, on passe à "l’aménagement des rythmes extra-scolaires".
En 1988, nouveau changement, on parle de "l’aménagement des rythmes de vie des enfants des écoles maternelles et élémentaires", concept ensuite élargi aux collégiens et lycéens. En 1993, les directions régionales de Jeunesse et Sports continuent d’y croire, mais l’Education nationale s’en désintéresse. En 1997, la circulaire qui crée les CEL ne concerne plus que le temps extra-scolaire.
Frédéric Jésu, pédopsychiatre, constate que les parents qui viennent consulter ne s’inquiètent plus tant des résultats scolaires de leurs enfants que de leur comportement: "la question n’est plus de savoir si ce qu’ils apprennent leur permettra d’être chômeurs, mais si leurs notes ne sont pas le symptôme ou le signe avant-coureur de la délinquance."
Il estime de plus que les PRE, et par extension les PEL qui se sont souvent construits à partir des projets de réussite éducative, "se plantent", puisqu’ils s’inscrivent dans l’opposition réussite/échec, et non dans un processus de co-éducation.
Martine Fourier (présidente de l’association Cerise, sur Nanterre), signale d’ailleurs que "certains enfants sont sortis du programme de réusssite éducative si leurs parents refusent d’aller consulter au CMPP". Elle ajoute que les parents "sont peu partenaires" de ces programmes construits pour leurs enfants.