Faut-il éduquer ou sanctionner ?
Sans surprise, les ambiguïtés de la position française sur la lutte contre les discriminations, que l’on vient d’évoquer, se retrouvent lorsqu’il s’agit de définir des
politiques publiques dans ce domaine. Première question :
faut-il parler de lutte contre la discrimination ou de lutte contre la stigmatisation ?
Dans son livre Immigration, Antisémitisme et Racisme en France, Gérard Noiriel, au terme d’une démonstration intéressante, propose de « centrer l’action civique sur la stigmatisation plutôt que sur la discrimination3 ».
L’auteur considère que les discriminations raciales sont d’abord liées à la représentation que l’on a de l’autre. C’est l’intériorisation de la stigmatisation pesant sur certains groupes sociaux qui engendre des comportements discriminatoires et racistes. Ainsi, « le propriétaire d’un logement qui doit choisir entre dix locataires potentiels éliminera celui qui est issu du groupe stigmatisé, non pas parce qu’il est “raciste”, mais parce qu’il ne veut pas prendre de risques en recrutant un individu appartenant à une “catégorie qui pose problème”4 ».
C’est donc en agissant par l’éducation, au niveau des représentations, « en se tournant d’abord vers ceux qui fabriquent les discours publics » et « en luttant contre les assignations identitaires » que l’on combattra le mieux ce type de discriminations. La répression apparaît comme inappropriée et peu efficace car il est difficile de prouver l’intention discriminatoire, « sauf à installer un détecteur de mensonges dans le cerveau [des auteurs de l’infraction supposée] ».
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