La demande des familles de scolarisation à deux ans est socialement, culturellement et intellectuellement différenciée. Elle est liée à la [*position sociale des parents*] (à leur statut socioéconomique) et à leur rapport à l’école (au sens qu’ils lui assignent). La demande sociale de préscolarisation ne relève pas nécessairement d’une logique mécanique binaire systématique selon laquelle les classes populaires scolariseraient leurs enfants de deux ans pour des motifs économiques (la gratuité de l’école maternelle), et les classes moyennes et supérieures pour des raisons éducatives portées par une stratégie de réussite (la socialisation de l’enfant, un projet éducatif, la perspective d’un passage anticipé au CP) (Warren, 2004). Les recherches d’A. Van Zanten (2007) sur les systèmes éducatifs mettent en évidence « la montée de la “parentocratie”, c’est-à-dire le développement d’un suivi plus intense de la scolarité des enfants par les parents des classes moyennes. Ce changement s’inscrit dans un mouvement de renouvellement des stratégies de reproduction via l’école ». En fait, le concept de demande sociale est globalisant ; il n’existe pas une demande sociale monolithique, mais des [*demandes sociales*] qui sont l’expression des besoins, désirs, investissements symboliques, espoirs et stratégies des familles face à l’école pour leurs enfants. Les demandes de scolarisation à deux ans sont la traduction du rapport social, éducatif, psychique, culturel et économique que les parents entretiennent avec l’école. La demande sociale est surdéterminée par les enjeux et les perspectives sociopolitiques et éducatifs de la scolarisation à deux ans, le rapport des acteurs institutionnels, politiques et sociaux à l’école à deux ans, ainsi que les orientations, nationales et locales, des politiques publiques de préscolarisation (Warren, 2008a). Le phénomène d’accueil scolaire des enfants âgés de deux ans est tributaire de la volonté politique des instances nationales et locales de proposer aux familles (en particulier à celles issues de milieux populaires) une offre d’éducation des tout-petits, combinée aux possibilités (financières, humaines et structurelles) de satisfaire la demande sociale d’école à deux ans. Le processus de scolarisation à deux ans s’organise selon le principe de [*rencontre de l’offre institutionnelle de formation et de la demande sociale d’éducation*]. La question de la demande sociale renvoie aux fonctions de la scolarisation à deux ans, hiérarchisées selon les territoires compte tenu des logiques, des pratiques et des enjeux en présence : l’accueil des enfants, leur éducation, leur socialisation, la structuration (de leur langage, leur environnement spatial et temporel, leur personnalité), la mise en oeuvre du principe de discrimination positive socioterritoriale (cf. la loi d’orientation sur l’éducation de juillet 1989, art. 2), la préservation des emplois, la gratuité du mode de garde, ou encore la prise en charge des enfants dits « trop durs » pour soulager les familles.
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