Tel est le titre d’un article du Figaro Magazine du week-end dernier. Il s’agit en fait d’une interview de Marc Le Bris qui s’exprime sur [*les résultats de l’évaluation nationale des résultats des élèves de CM2*].
En fait, il ne prononce pas la phrase mise en exergue par le journal : « Ça n’a l’air de rien, mais c’est – à mon sens – la plus grande réforme de Darcos : une mesure collective qui fixe le même niveau d’exigence à tout le monde et qui propage en prime la culture des résultats scolaires. J’y suis très favorable, car j’estime que cette culture est beaucoup plus utile à l’école et à ses élèves que celle de la conformité idéologique ».
La culture des résultats scolaires, ce n’est pas exactement la culture du résultat. Et, furtivement, Le Bris glisse cette petite phrase: « une mesure collective qui fixe le même niveau d’exigence à tout le monde »… un vieux relent de collectivisme stakhanoviste qui n’a rien à voir avec l’évaluation ?
Pour lui, le plus important est de mesurer une conformité au « niveau », là où il est, à son poste de travail. Et non de mesurer la progression des élèves par rapport aux connaissances et compétences visées. C’est une application de la division taylorienne du travail que l’on questionne pourtant depuis fort longtemps (notamment dans les entreprises privées). Les enseignants sont incités à y revenir et les élèves et leurs familles sont tenus de s’y conformer. Or la culture du résultat, au regard des politiques publiques mises en œuvre, c’est un[* résultat statistique global qui ne dit rien sur les apprentissages ni sur les démarches*]. Il faut forcément une vue d’ensemble…
Le Figaro, par son titre, révèle les intentions et les objectifs de ces soi-disant évaluations. Il nous indique que nous sommes passés subrepticement de la demande d’une culture de l’évaluation -toujours souhaitée et réclamée – Ã une culture du résultat, finalement imposée. Or si l’on y regarde de plus près, ces deux notions sont antinomiques.
Dans la culture de l’évaluation, le Projet est constamment réévalué sur du qualitatif ; les critères sont définis à l’avance et stabilisés ; les valeurs sont partagées et définies démocratiquement ; les modalités d’évaluation, si elles sont modifiées, le sont en fonction de buts définis et clairement explicités. Ces critères sont liés aux exigences d’acquisition du socle commun de compétences et connaissances. Il appartient alors aux instances centrales à la fois de piloter (vérifier le maintien des objectifs initiaux ou généraux) et d’accompagner les acteurs (qui inventent des dispositifs).
Dans la culture du résultat, c’est au contraire le Produit qui est constamment réévalué sur du quantitatif ; les critères peuvent être modifiés en fonction des attentes (supposées) des consommateurs ; les valeurs et les buts sont légitimés par sondage ou par répétition ; les modalités d’évaluation doivent surtout être lisibles au risque de gêner l’expertise (cf » critères clairement affichés ») ou de ne pas être partagées. La structure centrale doit à la fois communiquer sur la validité des résultats et imposer des procédures à tous les acteurs.
[*Il devient urgent que les enseignants, les chefs d’établissement mais aussi les parents, les collectivités, les associations s’outillent – et ensemble – sur les questions d’évaluation*]. L’évaluation doit être, de notre point de vue, constamment mise en partage : celui qui apprend y prend part. C’est tout le contraire de ce qu’affirme Marc Le Bris, de façon toute magistrale : « Grâce à ces tests, nous allons pouvoir évaluer nous-mêmes nos résultats et progresser plus vite ».
Sauf à vouloir disposer d’un outil permettant de classer et discriminer des individus par le chiffrage, justifiant ainsi « scientifiquement » mérite et compétition d’après un comparateur arbitraire, celui d’un élève étalon… qui n’existe que dans des cerveaux conformistes et obsédés de rentabilité. La culture du résultat c’est le cheval de Troie de la normalisation sociale. Car ne mélangeons pas tout: l’évaluation c’est vérifier les progrès et les acquis des élèves et non quantifier les résultats des enseignants par rapport à des objectifs de « production » fixés à l’avance.
Ce passage, pervers et en catimini, de la culture de l’évaluation à la culture du résultat, que vit actuellement notre société ne concerne pas que le champ scolaire. Il suffit d’interroger des personnels hospitaliers, des policiers, des magistrats, des travailleurs sociaux, des chargés de mission sur la politique de la ville… Certains laissent entendre d’ailleurs que l’expression est incomplète et que le dernier mot doit être qualifié, précisé. Il faut parler dorénavant de la culture du résultat… comptable !