In Localtis.info – le 1er juillet 2014 :
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L’édition 2014 de la Géographie de l’école est une mine. Au milieu des multiples statistiques, cartes et histogrammes, un court chapitre est consacré aux coûts moyens dépensés par collégien et par lycéen, en distinguant la participation des collectivités de celle de l’Etat. Il montre notamment les très fortes disparités de dépenses réalisées d’un département à l’autre, et d’une région à l’autre. En dix ans, le Cher a ainsi investi 2.106 euros par collégien quand les Bouches-du-Rhône y consacrait 14.619 euros.
En une décennie, entre 2001 et 2011, les collectivités territoriales ont investi plus de 51 milliards d’euros pour les collèges et les lycées, soit une moyenne de 7.550 euros par collégien et 12.370 euros par lycéen. Sur la seule année 2011, les départements ont consacré plus de 4,8 milliards d’euros aux dépenses d’éducation, soit en moyenne 1.500 euros par collégien, quand l’Etat en dépensait 5.570. Les régions ont dépensé près de 5 milliards d’euros dans les lycées, soit une moyenne de 2.360 euros par lycéen, quand l’Etat y consacrait 7.660.
Voici quelques-unes des statistiques publiées dans la 11e édition de la Géographie de l’école, par le ministère de l’Education nationale. On y trouve surtout, au fil des 150 pages, à grand renfort de cartes et histogrammes, la preuve que les disparités territoriales ont la vie dure, à l’intérieur même des académies. C’est en partie ce qui explique – mais en partie seulement – les disparités d’investissement de l’Etat mais aussi des collectivités.
30 ans de décentralisation
Le document fait en effet parler les chiffres. "Plus de trente ans après le début de la mise en oeuvre de la politique de décentralisation, il entend aussi apporter une profondeur historique sur ces indicateurs", préviennent les auteurs, rappelant que depuis les lois de décentralisation de 1986 et de 2004, les départements et les régions ont en charge la construction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement respectivement des collèges et des lycées publics. Ils organisent également la restauration scolaire et la rémunération des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) est à leur charge.
Autre précision : s’agissant des dépenses de fonctionnement des établissements privés sous contrat, les collectivités territoriales sont tenues d’y participer dans les mêmes conditions qu’elles participent aux dépenses de fonctionnement des établissements publics. Quant aux dépenses d’investissement des établissements privés, elles peuvent faire l’objet d’une participation des collectivités publiques (dans la mesure où elle reste inférieure à 10% des dépenses annuelles de l’établissement).
Dès lors, l’objet est bien de "déterminer si les disparités géographiques ont plutôt tendance à se réduire ou à s’aggraver au cours du temps". La réponse n’est pas explicitement donnée dans l’ouvrage. La préface du ministre y répond toutefois à demi-mot. Benoît Hamon voit en effet dans cette géographie de l’école 2014 de quoi "éclairer la lutte qu’en tant que ministre de l’Education nationale je me suis engagé à mener contre les inégalités à l’École, qu’elles soient sociales, de sexe, d’origine ou de territoire" et à "orienter notre politique de l’éducation prioritaire". Une lutte que partagent les élus locaux.
7.550 euros en moyenne par collégien, 12.370 euros par lycéen
Entre 2001 et 2011, les collectivités ont dépensé plus de 51 milliards d’euros pour les collèges et les lycées, ce qui correspond à 7.550 euros en moyenne par collégien et 12.370 euros par lycéen. "Le niveau de dépenses moyennes est très variable et dépend de nombreux facteurs qui ne sont pas toujours quantifiables comme les priorités d’action des collectivités territoriales, leurs ressources, l’état du parc immobilier des établissements, la part de l’enseignement privé, la démographie, etc", soulignent les auteurs de la Géographie de l’école 2014.
"Très variable", c’est peu de le dire. Grosso modo, l’investissement des départements est sensiblement supérieur à la moyenne dans un large croissant Nord, Est, Sud-Est dans lequel on trouve toute la région Paca, l’est de Rhône-Alpes, ainsi que la plupart des départements du quart nord-est du pays. La dépense d’investissement par collégien y est ici plus élevée que dans les départements situés sur une large zone ouest de l’Hexagone allant des départements de la Manche et de la Bretagne jusqu’au Centre-Sud.
"Le PIB par habitant des départements peut être un élément d’explication des écarts, mais on trouve des exemples contraires", avancent les auteurs, qui observent que dans certains départements comprenant de grands centres urbains tels que Paris, Lyon, Rennes et Nantes où le PIB par habitant est élevé, la dépense d’investissement par collégien est nettement inférieure à la moyenne (4.450 euros par collégien pour le département de Paris, 5.170 pour le Rhône, 4.850 pour l’Ille-et-Vilaine, 4.620 pour la Loire-Atlantique).
11.920 euros par collégien en Haute-Marne
Et à l’inverse, des départements ruraux où le PIB par habitant est relativement bas affichent un important investissement pour les collèges. L’étude cite la Meuse avec 9.030 euros dépensés par collégien, la Haute-Marne (11.920 euros par collégien), l’Allier (8.700 euros), l’Eure (7.980 euros), les Alpes-de-Haute-Provence (7.780 euros). Le peloton de tête est tout de même composé du département des Bouches-du-Rhône qui a dépensé, de 2001 à 2011, 14.620 euros par collégien, suivi des Hauts-de-Seine avec 14.230, puis du Var avec 13.140 et des Hautes-Alpes avec 12.950.
Quant aux régions, celles qui ont dépensé le plus par lycéen au cours de la dernière décennie sont les Midi-Pyrénées (18.610 euros) et le Languedoc-Roussillon (17.000 euros), suivies de l’Auvergne (14.950 euros), de la Martinique (14.790 euros) et de la Guyane (14.790 euros également).
A l’opposé, plusieurs régions de l’Ouest ont investi à peine 10.000 euros par lycéen, comme la Basse-Normandie (8.102 euros), la Bretagne (10.100 euros) et les Pays de la Loire (9.000 euros). "Dans ces deux dernières régions, la part de l’enseignement privé est élevée", souligne l’étude en guise d’explication. La Lorraine, avec 6.900 euros investis par lycéen, est la région qui a le moins investi dans l’éducation. "Cette région a connu une forte baisse des effectifs de lycéens entre 2001 et 2011", justifient les auteurs.
Les dépenses des départements par élève varient du simple au triple
Sur la seule année 2011, les départements ont consacré plus de 4,8 milliards d’euros aux dépenses d’éducation, soit en moyenne 1.500 euros par collégien. Mais en région Paca, là encore, dans le département des Bouches-du-Rhône en particulier, la dépense par collégien est nettement plus élevée qu’ailleurs : 2.220 euros en moyenne pour la région et 3.290 euros pour le département. La raison vient d’"un effort d’investissement pour les collèges qui reste très soutenu", souligne l’ouvrage. A l’inverse, à La Réunion et en Poitou-Charentes, la dépense moyenne des départements est deux fois moindre (1.080 euros par collégien pour l’une, 1.120 pour la seconde).
Les conseils régionaux ont dépensé quant à eux, en 2011, près de 5 milliards d’euros, au titre des lycées. Soit une moyenne de 2.360 euros par lycéen contre 2.755 euros en 2008 (en euros constants). Là encore, les différences sont de forte ampleur. En Guadeloupe, la dépense moyenne de la région pour un lycéen atteint 3.790 euros, en Languedoc-Roussillon et en Limousin, elle dépasse également 3.000 euros (respectivement 3.180 euros et 3.320). À l’opposé, en Guyane, la dépense moyenne est de 1.184 euros et elle n’atteint pas les 2.000 euros dans les Pays de la Loire (1.954 euros exactement).
En Corse, les dépenses par collégien et par lycéen sont très faibles : les départements dépenses 690 euros par collégien et la région 940 par lycéen.
L’importance de l’enseignement privé sous contrat
Du côté de l’Etat, en 2011, les activités d’éducation ont généré 71,2 milliards d’euros de dépenses (hors bourses) de la part des ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, "soit une faible progression depuis 2008 en prix constants (+ 1,6%)", est-il noté. Le coût de l’élève s’échelonne de 3.130 euros à l’école, 5.570 euros au collège, 7.660 euros au lycée à 8.490 euros dans l’enseignement supérieur.
Entre 2008 et 2011, l’évolution des dépenses publiques de l’Etat, par région, est relativement uniforme pour les écoliers (de + 2% en Ile-de-France à + 6% en Basse-Normandie) et les collégiens (de – 4,2% dans le Limousin à – 0,3% en Franche-Comté), celle des lycéens étant plus variée (de – 2,5% en Bourgogne à + 5,6% dans les Antilles-Guyane).
Plusieurs facteurs explicatifs sont avancés, qui valent d’ailleurs aussi pour les disparités de financement des collectivités. D’abord "l’importance de l’enseignement privé sous contrat" expliquerait une partie de ces disparités, les auteurs soulignant que "un élève de l’enseignement privé coûte moins cher à l’Etat, qui ne prend pas en charge la restauration et l’hébergement supportés par les familles". En outre, la masse salariale des enseignants est moins élevée dans le privé, notamment en raison des statuts et du niveau des charges supportées par l’employeur. De fait, trois régions montrent une dépense moyenne par élève de l’enseignement scolaire plus faible que les autres : Bretagne et Pays de la Loire, où la part du privé sous contrat est particulièrement élevée (40% des élèves) et Rhône-Alpes où elle est d’environ 20% contre 15% en moyenne.
Autre facteur explicatif : "Les régions à prédominance rurale ont des coûts généralement plus élevés en raison d’une taille inférieure des établissements et de taux d’encadrement par élève plus importants." Sur la carte, on voit effectivement se dessiner un ensemble de régions essentiellement rurales allant du Nord-Est vers le Centre (Lorraine, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Bourgogne, Auvergne, Limousin) ainsi que la Corse, présentant une dépense par élève plus élevée pour les trois niveaux d’enseignement.
Et l’on voit bien quelles conclusions dangereuses pour l’école de la République seraient tentés de porter les plus virulents chasseurs des dépenses publiques.
Valérie Liquet