In L’AFEF – le 17 novembre 2013 :
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Atelier 4 : "Travailler avec : collègues, parents, partenaires", animé par Jean Roucou, Association Prisme (Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs),
avec les témoignages de : Ingrid Duplaquet sur les Micro-lycées de Paris, Jean-Michel Zakhartchouk sur la place des parents, Catherine Le Gal et Claude Lala, professeurs d’anglais et français collège, sur une expérience de travail interdisciplinaire.
Compte-rendu de l’atelier 4, « Travailler avec : collègues, parents, partenaires »
Cet atelier est animé par Jean Roucou, qui ouvre en présentant son association, PRISME (promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs), créée en 1983, dans la même période que les ZEP. Dans sa pratique, l’importance du français se manifeste à travers le fait que, dans des rencontres entre "personnes" parlant de positions institutionnelles ou de statuts différents, il faut peu -un mot maladroit, un regard, une posture- pour soulever des obstacles.
Le premier témoin, Ingrid Duplaquet, est coordinatrice du micro-lycée de Paris.
Un micro-lycée accueille des élèves en décrochage scolaire qui ont tous connu au moins 6 mois de décrochage avec sortie du système scolaire et parfois des élèves atypiques. L’objectif est de préparer le bac. La loi en prévoit 2 par départements, il y en a 5 sur Paris, Créteil, Versailles. Les enseignants sont tous volontaires et les équipes, qui doivent être très soudées, sont formées par cooptation. Les établissements sont adhérents de la FESPI, fédération des établissements publics innovants, qui organise des rencontres qui sont des occasions, tout comme les échanges entre collègues des micro-lycées, de "se nourrir".
Tous les micro-lycées ont une salle commune où se côtoient enseignants et élèves, c’est un espace intermédiaire qui permet des échanges entre la classe et l’extérieur. Elle est de plus en plus fréquentée, devenant un lieu où peuvent se multiplier les échanges informels.
Les cours commencent à 10h pour tenir compte des rythmes des adolescents mais, quelle que soit l’horaire de début, la première heure de cours est difficile. Il y a des retardataires qu’on accepte et avec lesquels on fait le point à leur arrivée. De 9h30 à 10h, il y a un petit-déjeuner ; le soir de plus en plus d’élèves restent volontairement faire leur devoir pour être aidés.
La fonction de coordinateur repose sur une légitimité issue du terrain, c’est le travail d’équipe qui fait avancer : il y a 3 heures de concertation ; tous les enseignants assurent 25 heures de présence, quel que soit leur statut. L’emploi du temps avec les élèves comprend de l’aide au travail, un temps de référence pour des rencontres individuelles, un temps collectif de conseil selon les principes de la pédagogie institutionnelle.
Un enseignant de l’université de Cergy Pontoise vient superviser l’équipe, amenant de l’analyse de pratiques, de la réflexivité, de la mise à distance.
Travailler avec, en micro-lycée, c’est certes travailler intensément avec les collègues, c’est aussi travailler avec le monde et la réalité : « On est sans cesse obligés de faire du tissage et de rassurer, confirmer qu’on est dans un "vrai lycée", que ce qui est fait "sert pour le bac", il y a un besoin permanent de légitimer ce qui est fait. » Avec les élèves, même si le mot n’est pas idéal, la relation doit être emprunte de bienveillance : il faut faire avec ce qu’ils savent sans perdre de temps avec ce qu’ils ignorent.
Références bibliographiques :
– Nathalie BROUX, Éric de SAINT-DENIS, Les microlycées, Accueillir les décrocheurs, changer l’école, ©ESF, 2013
– Philippe GOÉMÉ, Marie-Anne HUGON, Philippe TABURET, Le décrochage scolaire, des pistes pédagogiques pour agir, ©SCÉREN-CNDP et Cahiers Pédagogiques, 2012
Le questionnement qui a suivi ce premier témoignage, après avoir vérifié l’impact positif de ces dispositifs, se demande :
« Pourquoi ce qui marche n’est-il pas généralisé? ». En réponse, Ingrid Duplaquet évoque les rigidités administratives à travers des exemples concrets et Jean Roucou note que la fonction d’accueil est mal prise en compte.Avec le témoignage suivant, Claude Lala, Catherine Le Gal, deux collègues d’un collège de la banlieue tourangelle, ont partagé un aperçu de leur expérience de travail d’équipe (document « Pêcheurs de perles et joaillers » joint).
Pour présenter le contexte difficile de leur établissement, elles ont commencé en expliquant que le nom de leur collège et de son quartier, La Rabière, était souvent écrit l’Arabière. L’expérience d’équipe dont elles ont témoigné concerne l’ensemble des enseignants de français de l’établissement. L’élément déclencheur a été le fait plusieurs collègues non spécialistes (certifiés de « langue rare », PEGC qui n’enseignaient que dans l’autre valence) se sont retrouvés à avoir la charge intégrale de classes en. « Dans ce cas, dit Claude, on peut choisir de prendre un manuel et de le suivre en partant de la page 1 ou construire ensemble en s’appuyant sur les compétences des collègues spécialistes qui ont suivi l’évolution de leur discipline ».
Comment ce travail s’est organisé :
Les enseignants se séparent après s’être mis d’accord sur la programmation de l’année suivante de façon à ce que des projets engageant la structure soient validés par le CA. Avant la rentrée, ils se retrouvent par niveau pour finaliser les projets en discutant ce que chacun a muri et en finalisant collectivement la première séquence jusqu’à prévoir l’évaluation finale. Un samedi matin par mois les équipes se retrouveront pour avancer dans la programmation en l’adaptant aux élèves réels, le reste du temps les échanges seront permanents mais informels. Le samedi matin, jour où l’établissement est fermé, avait été choisi dans la double perspective de rendre ce travail visible aux yeux d’une direction qui préférait croire que ses équipes ronronnaient (sic) et de disposer d’un lieu de travail calme et équipé. En sixième, le fait d’aligner sur une partie de l’horaire 2 classes avec 3 enseignants a permis de constituer des groupes de compétences. Le travail d’équipe faisait l’objet d’écrits (projets et bilans), y compris dans des versions partagées avec les élèves pour qu’ils construisent un projet (sur les 4 ans de collège, sur l’année, sur la séquence) et qu’ils évaluent l’avancée ou les piétinements, les obstacles etc.
Claude Lala et Catherine Le Gal ont mis en évidence le gain humain du travail collectif : « On n’a pas travaillé ensemble parce qu’on était amis, on est devenues amis parce qu’on travaillait ensemble ». « Il y a eu des conflits, mais on a toujours avancé parce qu’on trouvait là un autre regard sur notre travail. On n’était jamais jugés. » Ce qui a été mis en évidence aussi, c’est la nécessité que personne ne s’impose et que même les réticences soient prises en compte. Ainsi une collègue qui avait accepté d’enseigner le français mais refusait ce dispositif parce qu’elle ne supportait plus les réunions où on perd son temps, est devenue la maitresse du temps, garante du respect de l’heure de fin mais aussi de la progression pour que chaque réunion soit constructive. Au bout de 2 mois, elle a avoué combien elle appréciait ce dispositif efficace parce que productif, sécurisant et en réalité permettant un partage des taches qui faisait gagner du temps à chacun.
En somme pour travailler en équipe, il faut : des écrits qui fixent, un temps précis et un ordre du jour, une production finale, de la bienveillance entre collègues.
Elles ont confirmé les obstacles dressés par la hiérarchie : « par exemple, ça s’est totalement achevé parce qu’un projet validé en juin par le CA, sur lequel nous avions travaillé pendant les vacances, était rendu caduc par l’emploi du temps à la rentrée ». Des projets interdisciplinaires ont connu le même sort, loin d’être une priorité de la direction, ils devenaient une variable d’ajustement. Un participant a indiqué que dans le premier degré le travail d’équipe est institutionnalisé.
Le premier effet sur les élèves est de rendre perceptible la cohésion des enseignants (le cadre. Le second est de permettre une cohérence sur les 4 années de collège en opérant des choix conscients dans les objectifs d’apprentissage pour les répartir sur l’ensemble du cursus.
Enfin quelqu’un soulèvera la question de la formation qui n’intègre pas le travail en équipe, suggèrera qu’on pourrait imaginer des partiels qui soient un travail collectif, proposant de surcroit de faire vivre des situations de travail collectif dès le plus jeune âge.
Jean-Michel Zakhartchouk (enseignant en collège Éclair à Creil) : travailler avec les parents :
Pour amorcer son propos et donner le ton, Jean-Michel Zakhartchouk se place sous les auspices de François Dubet dont une réflexion sur le rapport de « colon paternaliste » que trop d’ enseignants ont tendance à produire à l’égard des parents de milieux populaires, l’a durablement marqué.
Il organise son propos en 5 points :
1- Ce sujet concerne bien directement les professeurs de français. Dans l’accumulation de points au programme, il appartient à l’enseignant de faire bien savoir aux parents ce qui est important dans les enseignements en partant de cette question : de quoi a-t-on besoin au 21ème siècle? Le professeur pourra ainsi contrebalancer un certains discours médiatique qui ne place pas forcément le fondamental (par exemple savoir communiquer à l’oral, savoir produire un texte explicatif…) au bon niveau.
2- Les enseignants doivent savoir communiquer sur les objectifs de l’année sans sous-estimer ce que les parents en saisiront. Pour ce faire, il importe de ne pas confondre le langage pour communiquer et le langage professionnel (sans démagogie : le langage technique est nécessaire mais il ne sert pas pour communiquer), on peut donner des conseils techniques aux parents sur la façon dont les enfants peuvent travailler(comment on lit une consigne, comment on apprend une leçon, très concrètement)
3- Il faut aussi créer les conditions pour inciter les parents à avoir un rapport aux savoirs scolaires qui ne soit pas d’abord sous le signe du contrôle mais aussi du partage.
4- Pour combler la fracture apparente entre savoirs scolaires et « la vie » l’enseignant peut prendre en compte l’expérience familiale par exemple, simplement, en organisant un relevé des exemples d’écrits dans l’univers familial. Il peut mettre en valeur tout ce qu’on peut puiser pour l’école dans les savoirs et les univers familiaux, sans les folkloriser.
5- Jean-Michel Zakhartchouk insiste sur la complexité du travail à la maison auquel la revue de son mouvement, Les Cahiers Pédagogiques, a consacré un numéro intitulé "As-tu fait tes devoirs" ? En effet on insiste souvent, à juste titre, sur le fait que celui-ci peut être discriminant. Mais il peut aussi créer du lien. Bien réfléchi, sans sous-estimer les compétences des parents, il peut même aider à ce que tout le monde s’élève.
Est-ce qu’on considère que les parents peuvent faire l’objet d’une communication à part égale ? C’est nous qui faisons des parents d’élèves alors qu’on accueille des parents d’enfants. Faisant référence à un film réalisé par une association de prévention spécialisée qui intervient dans des collèges du département du Nord, dans lequel on voit une mère dire qu’elle était « passée en conseil de discipline à cause de ses enfants », quelqu’un dira combien cette relation avec les parents est essentielle dans la production de l’échec scolaire (et peut a contrario contribuer à la réussite scolaire).
Références bibliographiques :
– Pierre MADIOT avec les enseignants du CRAP-Cahiers pédagogiques L’école enfin expliquée aux parents (et aux autres) – Les documents Stock
– Pierre MADIOT, Enseignants, parents, réussite des élèves : quel partenariat ? – CRDP d’Amiens et CRAP-Cahiers pédagogiques, 2010 –