In Presses de l’EHESP – 2013 :
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Réseaux, coopérations, partenariats, mobilité étudiante, formation internationale… Les visages du « travail social sans frontières » sont multiples, dynamiques et source d’innovation. Mais la circulation et les échanges entre professionnels d’horizons divers entraînent aussi un brouillage des repères, tant les qualifications/certifications, les référents professionnels et les conceptions du travail social s’avèrent hétérogènes à l’échelle européenne et internationale.
Quel est l’impact de cette ouverture par-delà les frontières sur les pratiques formatives et professionnelles, mais aussi sur les politiques sociales nationales ? Comment et pourquoi développer réseaux, coopérations et partenariats ? Quels sont les enjeux de la professionnalisation dans le contexte international ?
Sociologues, psychologues et cadres d’instituts de formation en travail social analysent la façon dont l’ouverture à l’international, accélérée par la mondialisation, permet de développer les démarches interculturelles, modifie les pratiques formatives et professionnelles, favorise l’harmonisation des formations au niveau européen et le renforcement de la mobilité des prochaines générations de travailleurs sociaux.
Philippe Hirlet est cadre de formation à l’institut régional de travail social (IRTS) de Lorraine.
Jean-Louis Meyer est professeur de sociologie à l’université de Lorraine.
Yvette Molina est responsable formation à l’institut de formation sociale des Yvelines (IFSY) et doctorante en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales/Centre Maurice-Halbwachs (EHESS/CMH).
Béatrice Muller est maître de conférences en sociologie et directrice générale de l’École supérieure en travail éducatif et social (ESTES) à Strasbourg.
UNAFORIS : l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale a pour objet la promotion et la valorisation de la recherche dans ce domaine.
Introduction
Philippe Hirlet, Jean-Louis Meyer, Yvette Molina, Béatrice Muller
Dans un monde de plus en plus ouvert, les interdépendances entre les institutions se multiplient. Nous assistons à une plus grande mobilité des hommes et des femmes et à une accélération des échanges. Cette circulation des biens et des personnes exerce une pression sans cesse grandissante sur les États, notamment en matière économique et juridique. Ce processus d’ouverture à l’Europe et à l’international apporte avec lui des changements observables dans la formulation des politiques publiques, dans l’organisation des institutions, ainsi que dans les relations entre les individus. Le champ du travail social n’échappe pas à ce mouvement. En effet, l’arrivée de professionnels du secteur social issus d’autres horizons aux références multiples est un facteur influent de l’ajustement nécessaire des pratiques.
Les professionnels sont confrontés à la circulation de travailleurs sociaux internationaux issus d’autres parcours de formation et ayant leurs propres représentations à l’égard des métiers du social, qui diffèrent de celles des professionnels exerçant en France.
Pourtant, le travail social s’exerce au sein de frontières nationales bien tracées tout en inscrivant son action dans une perspective d’ouverture, notamment celle d’une plus grande circulation des hommes et des femmes, en d’autres termes par-delà les frontières définies par un cadre social, juridique et économique. Cette ouverture du travail social hors des frontières invite les professionnels à adapter leurs pratiques en fonction de l’évolution législative internationale. Ces mêmes professionnels voient aussi leurs actions s’ajuster par des expériences et coopérations qu’ils construisent quotidiennement au niveau européen et international. Ces pratiques professionnelles issues d’autres pays sont souvent retenues pour leurs caractéristiques innovantes au regard de celles mises en œuvre sur le territoire national et particulièrement sur nos territoires régionaux.
C’est bien à partir de ce constat que l’on peut faire l’hypothèse d’une sorte de brouillage des repères entre les pratiques des différents professionnels et leur propre conception du travail (du) social. Ce point interroge et interpelle la façon de concevoir les actes de métiers cliniques (Chauvière, 2011) à l’échelle internationale avec des professionnels dont les qualifications/certifications ne sont pas identiques et avec des référentiels professionnels pas encore totalement harmonisés.
Dépassant le seul aspect novateur, le colloque éponyme organisé par l’UNAFORIS a permis de mettre en avant une richesse d’expériences conduites par les établissements de formation au travail social et de montrer la diversité des approches, prouvant ainsi le véritable moteur de l’activation des démarches d’échange entre étudiants, formateurs et professionnels. L’interaction directe des personnes dans le cadre d’échanges institutionnels (programmes de coopération, mobilité étudiante dont le programme Erasmus est certainement le plus emblématique) amène à confronter son monde à celui de l’autre, à jauger et à étalonner ses modèles à l’altérité du terrain étranger. Au-delà de l’interconnaissance des hommes et des organisations, la découverte de l’autre est sans conteste porteuse de progrès. Progrès individuel tout d’abord dans ce que la connaissance de l’autre peut apporter à la construction ou à l’évolution de soi-même.
Progrès collectif ensuite par l’échange de « bonnes pratiques » qui permet de bénéficier d’expériences internationales innovantes pour ajuster son action et répondre au mieux aux nouveaux défis posés au travail social.
Ce «benchmarking social » porté par les acteurs du social issus de pays proches ou éloignés interpelle les politiques nationales, les options institutionnelles et les postures professionnelles auxquelles nous nous référons quotidiennement.
Comment cette ouverture à l’international opère-t-elle sur les échanges, au niveau des pratiques tant formatives que professionnelles ? Constatons-nous un simple ajustement ou au contraire un bouleversement plus profond ? En tout état de cause, ces évolutions participent de la construction pour les acteurs de la démarche dite « interculturelle » dont l’adoption implique pour toutes les parties en présence de profondes modifications.
Par exemple, la France, pays d’immigration depuis longue date, engagée dans l’évolution mondiale et européenne, doit se poser aujourd’hui la question du vivre-ensemble dans un espace pluri- ou interculturel. Cet espace existe et les pratiques qui y sont exercées relèvent souvent du « bricolage créatif », car les règles qui régissent la formation ou la pratique sont celles du territoire national. Les coopérations variées (mobilités, recherches) entre les structures, entre les établissements de formation, interpellent la nature et le sens des échanges. En effet, ces questionnements autour de l’internationalisation appliqués au champ de la formation en travail social soulignent bien que l’harmonisation n’est pas complètement à l’ordre du jour. La durée, les modalités, les lieux de formation ne sont pas uniformes au niveau européen : que dire du niveau international ? Là encore, quels transferts peuvent s’opérer ? L’absence d’harmonisation est-elle antinomique de la mobilité des étudiants ? Quels sont les intérêts et les limites à l’exercice de la mobilité ? Quelles plus-values pour le travail social et ses formations ?
C’est tout l’enjeu des questions traitées dans cet ouvrage collectif autour de l’inscription internationale des expériences et recherches conduites par les établissements de formation du travail social. Des enjeux à différents niveaux sont repérés et une lecture du « travail social sans frontières » est amenée autour de trois parties.
La première partie interroge les processus d’internationalisation tant au niveau des cadres, des références que des pratiques et de leurs influences sur les politiques sociales nationales.
Au-delà de la dimension contraignante qu’imposent les politiques de convergence européennes au cadrage normatif national, elle propose une analyse des références cognitives qui les sous-tendent. Ces « visions du monde » renvoient à des cadres de références spécifiques, assimilant des catégories d’objets (dispositifs, publics, actions, prises en charge ciblées), les comparant entre eux pour les hiérarchiser et les replacer dans des systèmes ou sous-systèmes déconnectés de leur ancrage territorial. Elles posent la question de la comparaison.
Si, chez les pères fondateurs des sciences sociales (Le Play, 1879 ; Durkheim, 1930 ; Weber, 1905), la démarche comparative est assimilée à une démarche quasi expérimentale, on est en droit de poser les questions suivantes : pourquoi comparer et quels critères retenir pour assimiler ou différencier des objets, pour présenter des choses, des faits dans leur complexité et non les simplifier au maximum ? Comment organiser cette comparaison en évitant de se fourvoyer dans les analyses réductrices ne retenant que l’aspect anecdotique des choses, en ayant le souci du détail tout en s’autorisant la généralisation et la théorisation ?
Comparer expose en effet à des risques de plusieurs ordres. Au niveau des méthodes mobilisées tout d’abord, force est de constater que faute de procédures et de procédés éprouvés, on s’adonne parfois à des « bricolages » méthodologiques. En toute rigueur, il convient en effet de s’interroger sur les prénotions que l’on manipule, sur la portée et les limites de ces études « prototypiques ». Les contributions présentées dans la première partie de l’ouvrage s’attachent à clarifier, chacune à sa façon, les approximations portées par l’approche comparative universaliste postulant l’équivalence fonctionnelle des concepts. Catégories et variables mobilisées pour la comparaison se doivent d’être interrogées, comme le montrent les auteurs, à partir des interprétations et ambiguïtés qu’elles génèrent dans les processus de comparaison. Il s’agit, comme le souligne l’un des auteurs, de « penser le réel autrement ».
Faire de l’altérité un opérateur de connaissance questionne le registre épistémologique dans sa dimension dialectique : les contributions de cette première partie privilégient le détour par l’autre comme mode d’investigation. La mise à distance de soi par confrontation à l’autre facilite la découverte de matrices cognitives, de dispositifs, de procédures de pratiques qui échappent au regard ethnocentré. On relève cette particularité tant dans les comparaisons qui s’opèrent sur des terrains géographiquement éloignés les uns des autres que sur des objets proches, séparés par des frontières plus abstraites que réelles, comme le soulignent les comparaisons transfrontalières. Le détour par l’altérité dévoile ainsi des systèmes de représentations, d’organisations, qui, contextualisés dans les spécificités sociétales des divers pays, permettent de souligner ce qui prévaut dans notre environnement propre.
Le chapitre 1 aborde les processus de traduction mobilisés pour assurer la compréhension et le transfert des dispositifs et systèmes organisationnels régis par des cohérences distinctes entre le Québec et la France (Rouzeau).
Le chapitre 2 parcourt les matrices cognitives définissant le champ des politiques d’immigration en France et en Allemagne (Neuer-Miebach et Schleyer-Lindenmann). Le chapitre 3 analyse les régimes organisant les services du care dans l’espace de la Grande Région (Streicher). Enfin, le chapitre 4 illustre encore cette démarche mobilisant des allers-retours fréquents entre le terrain et la théorie en montrant la multiplication des coopérations, réseaux et partenariats dans un espace transfrontalier (Balzani, Deshayes, Gillet et Rihoux).
Toutefois, cette similarité née de la comparaison ne doit pas faire illusion : il est toujours heuristique d’appréhender les faits sociaux à la lumière de leur singularité et d’approcher les déterminations diverses qui les fondent de manière à mettre en exergue les transformations nécessaires pour les améliorer. Comparer contribue ainsi à souligner certaines différences et à pointer les perfectionnements que l’on peut apporter à un système.
La deuxième partie de l’ouvrage porte sa focale sur les coopérations, les réseaux et les partenariats internationaux.
Le secteur du travail social développe de plus en plus de programmes d’échange, de réseaux et de coopération entre alternance et mobilité des stagiaires, étudiants, formateurs et professionnels. Un enseignement majeur de cette partie est de montrer à quel point il est difficile de passer de la notion de réseau – dont on pourrait dire qu’il est plutôt d’ordre informel et essentiellement construit grâce à des relations interpersonnelles – à celle de partenariat – dont la démarche nécessite un effort constant de formalisation devant s’inscrire dans une temporalité longue de façon à être reconnue par des institutions sociales pour être instituée officiellement par la concrétisation de conventions de partenariat.
Ces nouveaux programmes entendent atteindre certains objectifs comme celui de répondre au mieux aux usagers qui viennent d’horizons divers. Ces individus vivent dans des espaces et des groupes, des territoires du quotidien qui donnent une vraie dimension culturelle à la vie sociale. Ces évolutions exigent des différents acteurs l’adoption d’une démarche interculturelle. En effet, inscrire l’action sociale dans une telle démarche nécessite de passer d’une approche spécialisée à une approche transversale et implique la mise en présence des acteurs et le rapprochement de leurs points de vue jusqu’à la constitution d’un espace commun de sensibilités et de valeurs partagées. Cette approche introduit la notion de réciprocité dans les échanges. Le préfixe « inter » traduit à la fois la liaison et la séparation.
La bonne volonté et la tolérance ne suffisent pas pour que s’instaure une véritable ouverture à l’altérité. Les questions d’identité et de diversité placent le travail social devant un défi auquel il doit faire face. Les établissements de formation et les organisations et institutions qui emploient les travailleurs sociaux s’inscrivent dans l’adoption d’une démarche interculturelle. Elle suppose une profonde modification de l’organisation et des cultures institutionnelles. Il s’agit d’adapter les missions à des spécificités territoriales et, en même temps, de mettre en place des modes de coopération qui prennent en compte les différentes réalités locales, nationales et transnationales. Au-delà de l’effet d’étiquette, il s’agit de développer des critères d’évaluation de l’implantation réelle d’une démarche interculturelle dans les institutions, qu’elles relèvent de l’action sociale ou de la formation des travailleurs sociaux.
Cela implique une configuration d’acteurs dans laquelle les intervenants sociaux et les personnes avec lesquelles ils interagissent posent la question de l’interculturalité et comment elle peut se traduire dans les représentations et les pratiques. En effet, les relations « interculturelles » suscitent de nombreuses représentations, positives et/ou négatives. Usagers comme professionnels peuvent être confrontés à des a priori sur les interactions à venir, les motifs des uns et des autres peuvent être interprétés à travers le filtre culturel. L’inconnu fait souvent peur, et l’individu se sent plus à l’aise avec ses semblables, avec lesquels l’identification ne semble faire aucun doute.
Comment entamer un travail avec les professionnels et les usagers pour intégrer véritablement une démarche interculturelle dans leur rencontre ? Le chapitre 5 de cette deuxième partie explore les enjeux du partenariat international entre les établissements de formation et les structures d’accueil de l’action sociale où se joue notamment l’alternance hors des frontières (Allières). Le chapitre 6 invite à s’intéresser à l’approche par réseau introduisant dans le cadre européen la création d’outils, les publications pédagogiques ainsi que la recherche. Elle vise ainsi à introduire la diversité pour sortir de l’entre-soi (Bonnabesse, Le Capitaine et Mony). Le chapitre 7 nous conduit à une comparaison France/Québec dans une démarche de recherche collaborative. L’analyse met en exergue les processus d’évaluation dans
le champ de la protection de l’enfance. Les modèles d’évaluation sont ainsi comparés selon les contextes juridiques et sociétaux de chacun des deux pays, mais aussi selon les représentations de l’évaluation qui les animent de part et d’autre (Chaput, Terrier, Turcotte). Le chapitre 8 remet en cause l’idée selon laquelle la mobilité des étudiants à l’international représente une opportunité. Dans le contexte insulaire de l’île de La Réunion, il est démontré en quoi les freins à la mobilité sont porteurs de « distances culturelles » implicites (Gallinaro). Enfin, le chapitre 9 met en valeur l’intérêt de l’alternance dans un contexte d’accueil en stage en Afrique subsaharienne. Les références de l’intervention au regard de l’intimité, de la maladie et des soins constituent des points de « confrontation interculturelle » (Mechoulan). La troisième partie s’intéresse aux enjeux et aux stratégies de professionnalisation dans le contexte international.
L’appareil de formation en travail social a connu de profondes mutations à l’échelle internationale depuis le début des années 2000. L’une des raisons majeures des transformations initiées, outre l’évolution des problématiques sociétales, nous renvoie au processus de Bologne engagé dès 1999 pour ce qui concerne l’espace européen. Ce dernier s’inscrit dans le cadre plus large de la mondialisation et de ses effets dans le champ de l’enseignement supérieur et de la formation. Ce processus est venu impacter les organisations des formations du secteur social pour l’ensemble des pays européens, quelles que soient les configurations locales existantes. Ainsi, ont été remis en question tant les niveaux de diplôme – le but étant de parvenir à une harmonisation inscrite au sein de l’échelle européenne (licence, master, doctorat ou LMD) – que les lieux où sont dispensées ces formations (instituts spécialisés, hautes écoles ou universités) ou la construction même des dispositifs dans le cadre de la mobilité étudiante avec l’European Credit Transfer System (ECTS). Les contenus pédagogiques de l’offre de formation ont dû, par voie de conséquence, prendre en compte ces nouveaux paramètres au sein des établissements de formation, mais également au niveau des organisations sociales accueillant les étudiants en stage dans le cadre de l’alternance, ainsi que les employeurs recruteurs de travailleurs sociaux nouvellement formés.
Par ailleurs, des référentiels professionnels ont vu le jour de façon très diversifiée selon les contextes nationaux tant dans leur contenu que leur destination. Différents acteurs, tels que l’État, les branches professionnelles, les établissements de formation ont contribué à l’élaboration de ces référentiels assurant ainsi une régulation collective des professions et des métiers de l’intervention sociale. Il s’agit aussi ici d’interroger les enjeux de ces mutations pour la professionnalisation. Celle-ci peut s’entendre selon trois niveaux :
– le premier concerne la professionnalisation-formation, c’est-à-dire les compétences et savoirs à développer pour devenir professionnel ;
– le deuxième renvoie à la professionnalisation-profession, autrement dit comment la profession s’organise collectivement pour se doter de certains attributs qui lui sont spécifiques (reconnaissance statutaire et qualification collective) ;
– et enfin, le troisième niveau est la professionnalisation-travail qui fait référence aux activités de travail dans les organisations sociales et donc à l’expertise propre et reconnue à un groupe professionnel.
Les intervenants sociaux sont censés être formés et certifiés en tenant compte de la complexité des nouvelles questions sociales qui s’imposent à eux. L’enjeu pour les établissements de formation et les professionnels accueillant les stagiaires sur site qualifiant réside précisément dans leur capacité d’adaptation et de réaction face à ces nouveaux défis. Ils sont amenés à proposer une offre de formation exigeante articulée à la demande des employeurs et au marché du travail. La création des commissions professionnelles consultatives en 2002 pour le secteur de l’intervention sociale montre d’une certaine façon comment les régulations sont opérées non seulement par les organismes de tutelle garants des certifications, mais aussi par les employeurs en termes d’attendus et de traduction en matière d’employabilité.
Par ailleurs, la modernisation des formations en travail social s’accompagne d’un renforcement des partenariats avec l’Université, mais également d’un soutien actif de la branche des employeurs du secteur. L’intérêt majeur de cette co-construction et d’une concomitance entre des diplômes universitaires et ceux du travail social réside dans la capacité de délivrer un double titre : universitaire et professionnel. Cela permet aux travailleurs sociaux, à l’issue de leur formation, de se voir reconnaître une certification universitaire (académique) et aux étudiants de l’Université d’obtenir une qualification dans un des nombreux métiers du social. La reconnaissance des certifications et des débouchés en emploi des étudiants de l’Université s’en trouve potentiellement améliorée, celle des travailleurs sociaux également.
Ainsi, la reconnaissance des niveaux de diplômes du travail social est au cœur de l’un des enjeux de la professionnalisation. Elle entend permettre une plus grande mobilité européenne, ainsi qu’une meilleure reconnaissance statutaire au niveau national.
Cette dernière partie s’articule autour de quatre chapitres. Le chapitre 10 présente un panorama international des évolutions des professionnalisations du travail social en prenant appui sur cinq pays de l’espace francophone. Malgré des variations contextuelles liées à l’histoire, à l’organisation administrative, juridique et politique de chaque territoire approché, il n’en reste pas moins que des enjeux communs en termes de professionnalisation sont repérés : la norme des référentiels, l’adaptation de la formation à l’emploi, des formes de déprofessionnalisation dans la mise en concurrence de l’offre de formation et des diplômes, la recherche et les savoirs pour l’expertise professionnelle (Molina). Le chapitre 11 propose une hypothèse centrale qui repose sur les nécessaires évolutions des établissements de formation au travail social. Ces derniers sont contraints d’adopter désormais des stratégies politiques et financières afin de développer et de positionner leur offre de formation dans un environnement concurrentiel, ce qui nécessite de leur part de s’ajuster sans cesse à des environnements mouvants, dynamiques et complexes. Ce passage obligé prend des allures de légitimation au regard de leur utilité sociale et de leur pérennité (Hirlet). Le chapitre 12 pose le cadre de l’espace européen comme un véritable défi à relever pour les établissements de formation dans l’organisation de la formation d’une part et dans les fondamentaux pédagogiques sur lesquels ils s’appuient d’autre part.
Il y est question à la fois des tensions entre nouvelles exigences et alternance intégrative comme « impossible convergence », de l’individualisation des parcours de formation, de la reconnaissance des savoirs et des compétences, de la mobilité des personnes. Le modèle proposé par l’auteur est celui de « l’apprenant au centre du dispositif » (Romano). Enfin, le chapitre 13 explore une thématique très peu étudiée jusqu’alors avec une analyse des processus à l’œuvre relative aux travailleurs sociaux migrants. Le questionnement posé envisage l’imbrication étroite entre une culture professionnelle adaptée à la vie quotidienne locale et des expériences de vie marquées par des influences transnationales. L’un des constats consiste à avancer que les articulations s’opèrent à travers la construction de « formes de transnationalisme » dans des activités liées au développement. Entre culture professionnelle du travail social dans un contexte national précis et réalités du vécu du transnational, partagées avec d’autres migrants, la posture du travailleur social migrant est ainsi objet d’une attention tout à fait originale et heuristique (Bolzman).
Les contributions dont sont issus les encadrés sont consultables en ligne sur les sites Internet de l’UNAFORIS (www.unaforis.eu) et de l’Association internationale pour la formation, la recherche et l’intervention sociale (AIFRIS : http://aifris.eu).
Références
Chauvière M. (2011), L’intelligence sociale en danger. Chemins de résistance et propositions, Paris, La Découverte.
Durkheim É. (1930), Le suicide : étude de sociologie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige Grands Textes », 2007.
Le Play F. (1879), La méthode sociale : abrégé des ouvriers européens, édition d’Antoine Savoye, Paris, Kliencksieck, 1989.
Weber M. (1905), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1981.