Transmettre signifie « céder, mettre ce que l’on possède en la possession d’un autre », (Encyclopédie Quillet) ou bien encore « faire passer ce que l’on possède en la possession d’un autre », (Littré E.). La notion de transmission est liée à la notion d’héritage. C’est aussi une manière d’aimer. L’homme est le seul animal qui transmet : « Tout ce qui est important s’enseigne d’homme à homme », F. Nietzsche.
Dans un ouvrage devenu un classique en ethnologie de la France, G. Delbos et P. Jorion, 1990, montrent que le savoir empirique ne se transmet pas, mais il se reconstitue cependant à chaque génération. Autrement dit, une transmission n’est jamais une reproduction à l’identique, peut-être même n’est-elle qu’une traduction/trahison.
Que transmettre dans l’acte d’enseigner et que transmettons-nous à nos enfants ? se demandent M. Ferro et P. Jeammet, 2000.
Ce que l’on sait, ce que l’on est, ce que l’on croit … Gardons nous d’une confusion, communiquer n’est pas transmettre. La transmission n’est pas simple acheminement d’un message ou d’un contenu :toujours imprévisible, elle excède la signification explicite des mots, pour s’inscrire dans un horizon de sens inédit. En fait, on assiste à une extension généralisée de la sphère de la communication, mais parallèlement on constate un affaiblissement des conditions de la transmission et à une crise du sens de la transmission..
Selon A.Touraine, 1997, « l’école sera de moins en moins vouée à la transmission d’un ensemble de connaissances, de normes, de représentations mais sera de plus en plus centrée d’un côté sur le maniement d’instruments et de l’autre sur l’expression et la formation de la personnalité… L’éducation doit former et renforcer la liberté du sujet personnel ; il faut au moins à cette étape revendiquer le passage d’une éducation de l’offre à une éducation de la demande. A une éducation centrée sur la culture et les valeurs de la société qui éduque, succède une éducation qui accorde une place centrale à la diversité historique et culturelle et à la reconnaissance de l’autre, en commençant par la communication entre garçons et filles et entre jeunes d’âges différents pour s’étendre à toutes les formes d’éducation interculturelle.
A une éducation nationale s’oppose ce qu’E. Morin appelle la dimension dialogique de la culture contemporaine, ce qui appelle une école socialement et culturellement hétérogène, s’éloignant le plus possible de l’école communautaire, définie par l’appartenance de tous au même ensemble social, culturel et national ». Ce qui se joue dans l’école dans ses relations avec l’ensemble social, c’est un autre rapport à la norme. Il y a en gestation un modèle horizontal et non plus simplement vertical, une visée démocratique et non pas simplement hiérarchique, fondée non plus sur la transmission d’une culture monolithique mais sur l’échange, la communication, la reconnaissance des identités, des cultures et des projets individuels, institutionnels et collectifs. Toute culture vivante ne peut faire l’économie de la transmission d’un héritage.
Pas de vie sans transmission. Il y a un avenir parce qu’il y a un héritage. Pour avancer dans la connaissance, nous incorporons de l’ancien à du nouveau. A. Finkielkraut, 1998, souligne avec juste raison, qu’enseigner revient à établir un lien entre les vivants et les générations disparues et que le passage de témoin n’est pas automatique. Citant H. Arendt, 1960, il rappelle que : « la compétence du professeur consiste à connaître le monde et à pouvoir transmettre cette connaissance aux autres, mais son autorité se fonde sur son rôle de responsable du monde.
Vis-à -vis de l’enfant, c’est un peu comme s’il était un représentant de tous les adultes qui lui signaleraient les choses en lui disant « voici notre monde ». » De la sorte les professeurs sont préposés à la continuité. L’une des missions de l’école est précisément de maintenir un lien entre les générations pour le renouvellement du monde commun. En ce sens, « la transmission est charge, mission, obligation, culture », R. Debray, 1997. La mise en garde d’H. Arendt est on ne peut plus claire, « Si nous ne leur transmettons pas le monde, ils le détruiront ».
On voit par là , qu’il y a des choses qui ne peuvent faire l’objet, ni d’un don, ni d’un commerce, mais que l’on transmet. P. Legendre, 1985, parle de « l’inestimable transmission ». Par la transmission, comme disait Pascal, tous les hommes sont comme un seul homme qui vivrait indéfiniment et apprendrait continuellement. S’il y a problème aujourd’hui dans la transmission de l’héritage intergénérationnel, ce n’est pas à ceux à qui elle s’adresse, c’est-à -dire aux générations montantes, qu’il faut l’imputer, ni d’ailleurs uniquement aux générations qui ont la responsabilité d’assurer celle-ci. Il revient pourtant à ces dernières de réfléchir à ce qu’est la transmission pour tenter malgré tout d’assumer leur fonction.
« L’éducation cognitive s’inscrit dans ce processus de transmission de génération à génération et s’actualise dans la transmission d’individu à individu. Les maîtres sont en cela les délégués de la société ; c’est elle, en effet, qui règle leurs interventions; ainsi d’ailleurs se trouve légitimée l’action qu’ils exercent sur l’élève pour le former, au lieu de le laisser se développer simplement dans le sens où l’orientent ses propres tendances. L’enseignement vise à insérer l’élève dans un mouvement en avant qui caractérise la connaissance, mais tout vient d’abord du maître qui transmet le savoir déjà constitué en tradition », L. Not, 1979.