In INED :
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"Améliorer les connaissances sur les trajectoires sociales et les conditions de vie des migrants et leurs descendants dans la société française paraît nécessaire pour éclairer les débats publics sur l’immigration dans un contexte où des politiques d’égalité et de lutte contre les discriminations liées à l’origine sont mises en oeuvre et réclament des outils de diagnostic et de suivi.
C’est pour répondre à ce besoin de connaissances statistiques que l’INED et l’INSEE se sont associés pour réaliser une enquête spécifiquement dédiée à l’étude de la diversité des populations en France et au thème des discriminations. Intitulée Trajectoire et Origines (TeO) : Enquête sur la diversité des populations de France, cette enquête d’envergure a été réalisée entre septembre 2008 et février 2009 en France métropolitaine sur un échantillon de 21 000 personnes : immigrées, natives d’un DOM, descendantes d’immigrés, descendantes d’originaires d’un DOM, natives de France métropolitaine dont aucun parent n’est immigré ou originaire d’un DOM. Elle vient combler une lacune dans les connaissances statistiques concernant ces populations minoritaires qui ont, certes, fait l’objet d’enquêtes ces dernières années, mais jamais avec ces tailles d’échantillon et un questionnaire couvrant autant de domaines de la vie sociale.
L’enquête Trajectoires et Origines cherche à appréhender dans quelle mesure les origines migratoires (géographiques ou nationales) sont susceptibles de modifier les conditions et chances d’accès aux biens, services et droits qui fixent la place de chacun dans la société : logement, éducation, emploi et promotion, services publics et prestations sociales, santé, relations sociales, nationalité et citoyenneté… L’enquête traite de la situation sociale des personnes au moment de l’enquête et s’intéresse aux conditions de vie ainsi qu’aux expériences. Le titre de l’enquête contient le terme « trajectoires » au pluriel, ce qui renvoie à la volonté d’étudier les parcours de vie, dans tous les aspects de la vie en société. L’enquête accorde, de ce fait, une grande importance à retracer les trajectoires de vie des individus : trajectoires scolaires, professionnelles, résidentielles, matrimoniales ou de santé.
L’ambition de l’enquête est d’examiner quel est l’accès aux ressources des immigrés et de leurs enfants nés en France. Elle permet de mettre en évidence d’éventuelles inégalités en tentant de dégager ce qui relève de logiques individuelles ou collectives et ce qui relève d’obstacles et de contraintes contextuelles en tous genres (discriminations, type d’habitat, conjoncture économique, etc.). Le devenir des enfants d’immigrés, par comparaison avec le destin de leurs parents, est au coeur des analyses de l’enquête. Connaissent-ils une mobilité sociale et résidentielle comparable à celle suivie par les milieux populaires dans les années 1960 ou l’ascenseur social s’est-il durablement bloqué pour cette génération ? Et quel rôle joue l’origine dans ces processus de mobilité ? En définitive, tout en rendant compte de la pluralité des expériences rencontrées par les immigrés et leurs descendants, l’enquête vise à mettre en évidence les dynamiques de différenciation et d’homogénéisation entre groupes d’origine et à l’intérieur des groupes (en incluant les personnes nées françaises en France). Tout autant que l’accès aux ressources, l’enquête Trajectoires et Origines permet aussi d’étudier leur mobilisation dans différents contextes (éducation, emploi, logement).
Identifier les moments clefs où les discriminations se produisent dans le parcours des personnes est l’un des objectifs majeurs de l’enquête. Ainsi, sont abordées l’ensemble des situations où des traitements injustes ou inégalitaires peuvent se produire : l’orientation scolaire, les recherches d’emploi, les conditions de travail, les relations avec les collègues ou supérieurs hiérarchiques, les recherches de logement, les consultations médicales, les démarches dans les administrations. L’enquête s’attache aussi à mesurer l’expérience du racisme subi dans l’espace public (rue, magasins, banques, lieux de loisirs, rapports avec les agents d’autorité) et le sentiment d’appartenir ou non à une minorité, éventuellement stigmatisée (1).
Pour mener à bien un tel programme de recherche, il a fallu réunir une équipe (2) de 24 chercheur-e-s, universitaires, statisticien-ne-s qui ont travaillé sous la responsabilité de l’INED et de l’INSEE à concevoir le questionnaire, puis à exploiter les données. Plus de 500 enquêteurs ont réalisé les entretiens en face à face, d’une durée moyenne d’1 heure 15, nécessaires à la collecte des données. L’enquête a été financée et soutenue par de nombreuses institutions publiques : Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) ; l’Agence nationale pour la recherche (ANR) ; Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) ; Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ; Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ; Institut d’aménagement et d’urbanisme Ile-de-France (IAU-Idf) ; Secrétariat général du comité interministériel des villes.
Cette publication présente des analyses préliminaires dont l’objectif est de fournir à la communauté scientifique et au grand public les premiers enseignements de l’enquête sur les situations comparées des immigrés, de leurs descendants et de la population majoritaire (3). Les analyses développées ici forment une contribution d’étape avant la publication d’un ouvrage plus complet en 2011. Après la publication des bulletins Population & Sociétés (4) et INSEE Première (5), nous nous devions d’apporter ces premiers résultats pour les enquêtés qui ont accepté de livrer une partie de leur vie en répondant au questionnaire, mais également pour fournir des références nouvelles aux débats de société qui traversent la France actuellement. Nous espérons qu’ils montreront la richesse et les potentialités de l’enquête, comme une invitation à venir utiliser la base de données désormais en libre diffusion (6). "