Note de lecture d’un film réalisé par l’Ife
À l’occasion des Assises régionales de l’éducation partagée3 qui se sont tenues dans huit villes éducatrices au printemps 2013, Daniel Frandji et Renaud Morel, chercheurs à l’Ifé, font part de réflexions sur la réforme des rythmes et la mise en oeuvre des PEDT dans une vidéo consultable sur http://www.dailymotion.com/video/x104i07_2013-03- 29-rythmes-scolaires-coordination_news
Pour Daniel Frandji, si la manière dont a été construit le système scolaire produit des inégalités, tout comme les pratiques qui se sont développées à l’intérieur de ce système, il existe toutefois une marge de manoeuvre dans la manière dont on agit pour mettre en oeuvre une véritable démocratisation de l’accès au savoir et à la culture. En ce sens la réforme des rythmes peut être une opportunité pour mieux repenser l’organisation de la scolarité, par la mobilisation locale et territoriale ainsi que par la transformation des pratiques scolaires, afin de poursuivre le processus de démocratisation du système d’enseignement.
Le débat sur les rythmes
Il souligne à quel point dans le débat public français la question du contenu des temps scolaire et hors scolaire a été occultée. En effet les analyses des chronobiologistes sont utilisées dans le débat pour préciser ce que seraient les « bons temps d’apprentissages» sans développer la question du contenu de ces temps. Or si les moments propices à l’apprentissage, les moments de disponibilité optimale sont des données à prendre en compte, pour autant l’intérêt et la fatigue de l’enfant sont aussi conditionnés par le type d’activité mené et le type de contenu réalisé dans ces temps.
Renaud Morel de son côté met en évidence d’une part, par la comparaison avec les pays de l’OCDE, la forte concentration du temps scolaire en France, concentration essentiellement due au rythme hebdomadaire, et d’autre part, par des données chiffrées, la diminution constante du temps d’apprentissage scolaire entre 1984 et 2013, ce qui a eu pour effet de libérer des temps nouveaux autour de l’école dont les enjeux éducatifs sont devenus importants.
Daniel Frandji rappelle l’usage différencié que font de ces nouveaux temps les familles, selon leurs ressources et moyens : certaines surrentabilisent ces temps pour le scolaire, dans une stratégie de surscolarisation, ont les moyens de se tourner vers une offre du secteur marchand pour faire faire des activités à leurs enfants quand d’autres familles n’en ont pas les moyens, ou bien n’ont pas envie de jouer ce jeu instrumental de sur-scolarisation.
Une intervention publique quant à l’offre éducative sur ces temps apparait donc nécessaire pour réduire les inégalités, même si la question des disparités territoriales reste posée.
Que faire de ces nouveaux temps ?
S’appuyant sur plusieurs travaux de recherche, Daniel Frandji souligne deux écueils possibles : Un des écueils serait de penser de plus en plus ces temps hors scolaire dans les catégories du scolaire. Se référant aux travaux de Daniel Thin sur le paradoxe de l’extension de la forme scolaire, il rappelle le phénomène de pédagogisation des rapports sociaux, l’inflation de tous les temps de l’enfant ou de la jeunesse pensés uniquement dans les catégories de la forme scolaire et qui seraient ainsi rentabilisés. Si ce phénomène s’amplifiait, tous les autres espace-temps pourraient être de moins en moins différenciés y compris dans la sélectivité qui caractérise l’espace scolaire. Il pourrait y avoir de ce fait de moins en moins d’espace alternatif de transmission de la culture.
Un autre écueil, selon la manière dont on essaie d’articuler les activités scolaires et hors scolaires, serait de contribuer à renforcer des logiques de différenciation dans les apprentissages.
Rappelant les travaux de J.Y. Rochex, il développe le fait que les activités pédagogiques pensées en terme de projet par exemple ou d’ouverture culturelle, (visite au musée, monter des expositions …) dont on pense à raison qu’elles vont être plus motivantes et intéressantes pour l’enfant, risquent de renvoyer de plus en plus l’activité ordinaire de la classe à l’ennui, le banal … Plus on fait des projets d’ouverture, plus on pourrait éventuellement réduire la mobilisation sur le travail scolaire.
On sait que pour les enfants en difficulté,une des difficultés principales sur le travail scolaire est la surcontextualisation des objets d’apprentissage. Ils rencontrent une difficulté à construire des objets d’apprentissage indépendamment des situations auxquelles ils sont confrontés, difficulté à construire un rapport objectif au savoir. Le fait de contextualiser continuellement des apprentissages, en mettant par exemple les élèves dans des logiques de projets, peut risquer de renforcer cette difficulté.
Un appel à sortir de la question des « bons temps» pour se poser celle de : « Comment faire pour que les temps soient bons dans la perspective de réduire les inégalités éducatives et scolaires ? ». Un appel à travailler ensembles non seulement aux contenus de ces temps, scolaire et hors scolaire, mais aussi à leur articulation.