PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Les Cahiers Pédagogiques – L’actualité éducative du n° 505 – mai 2013 :

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Catherine Reverdy vient de publier une synthèse de recherches sur les projets à l’école. Une occasion de se rappeler les avantages de cette manière de travailler et ses risques également.

Les projets sont une pratique très courante, de la maternelle au supérieur. Mais d’où vient cette pratique ?

L’apprentissage par projet fait partie des méthodes dites actives. Ce sont les Américains John Dewey et William Heard Kilpatrick, ainsi que les tenants de l’éducation nouvelle comme Ovide Decroly et Célestin Freinet, qui sont les précurseurs des apprentissages par et dans l’action : l’élève est au cœur de sa formation et l’enseignant le guide au fur et à mesure de ses apprentissages. Dewey parle de « ?learning by doing? ». Parmi ces méthodes actives, l’apprentissage par l’investigation place les élèves en position de chercheur face à un problème à résoudre (c’est ce qu’on retrouve en science dans la démarche d’investigation, comprenant des étapes de recherche de preuves et de questionnement, popularisée par « ?La main à la pâte? » à l’école primaire). Si les élèves doivent en plus réaliser un produit final, il s’agit de l’apprentissage par projet. Dans le cas de l’apprentissage par la résolution de problèmes, les élèves explorent toutes les solutions possibles d’un problème complexe à résoudre, mais ne réalisent pas de produit final. Il existe également l’apprentissage par l’étude de cas ou l’apprentissage par la conception, centré surtout sur la réalisation technique du produit final et utilisé par exemple en architecture.

Sont-ils un moyen d’apprendre « ?à tous les coups? » ?

Tout projet pédagogique n’implique pas forcément un apprentissage par projet, qui est défini par deux points essentiels : un problème qui sert de fil directeur aux activités réalisées pendant le projet, et un produit final auquel ces activités aboutissent et qui apporte la solution au problème. L’acquisition et le transfert de connaissances peuvent ne pas avoir lieu durant la réalisation du projet, par exemple si le produit final prend le pas sur les objectifs d’apprentissage, si les enseignants planifient entièrement le projet sans laisser le temps aux élèves de se l’approprier, ou bien si les objectifs d’apprentissage ne sont pas clairement définis au départ et que le projet s’invente au fur et à mesure.

 

 

Vous venez de faire une synthèse des recherches sur le sujet. Quels avantages avez-vous vu apparaitre ?

Ils sont nombreux. Avec un produit final complexe à réaliser, les élèves ne réussissent pas du premier coup et procèdent par essais et erreurs, construisant au fur et à mesure leurs connaissances et leurs compétences par tâtonnement et en situation. Cela favorise leur acquisition et leur permet en plus de mieux les retenir. L’objet concret les aide à prendre conscience de leurs erreurs et est propice à un échange entre pairs ou avec l’enseignant. D’autre part, le projet peut être un moteur de motivation, s’il est régulièrement relancé pendant la réalisation. La prise de décision collective, l’engagement et le développement de l’autonomie des élèves, ainsi que la maturation d’un projet professionnel sont autant de caractéristiques positives.

Mais est-ce que le travail par projet a aussi un impact sur les résultats scolaires des élèves ?

Plusieurs études portant sur différents niveaux du système éducatif indiquent que les résultats des élèves sont parfois meilleurs dans la ou les disciplines étudiées, mais le sont presque toujours quand on évalue les compétences transversales (comme résoudre un problème, exercer sa créativité ou son esprit critique) ou les sentiments comme la confiance en soi. Peu d’études, en revanche, montrent rigoureusement le lien entre motivation et apprentissage par projet, même si la motivation intrinsèque semble augmenter grâce aux projets. Quelques recherches, enfin, soulignent l’intérêt de cette méthode pour atténuer les effets des inégalités sociales et des inégalités de genre au niveau du collège, sans exclure toutefois l’influence des pratiques enseignantes sur cette atténuation.

 

Quelles pratiques faut-il alors préférer ?

Le rôle de l’enseignant est, bien entendu, central. Il doit d’abord pouvoir assurer une solide structuration de son projet (notamment au niveau des formes d’évaluation à prévoir en détail avant le lancement du projet et de la conformité de ce dernier avec les attentes officielles). Ensuite, il doit être capable d’accompagner chaque élève dans sa recherche d’autonomie, gérer tous les groupes en même temps et remotiver les troupes quand il le faut. Tout un programme donc, qui ne peut se réaliser seul et dans l’improvisation. Il est besoin de personnes ressources extérieures intervenant en appui, et un projet d’établissement sur lequel se grefferont les projets pédagogiques. Encore une fois, il s’agit de créer un cadre propice au travail collaboratif.

Interview de Catherine Reverdy, chargée d’étude et de recherche, service Veille et analyses de l’IFE (ENS de Lyon)

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