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Oui, il faut réussir cette réforme des rythmes scolaires…
Oui, il y a des instituteurs et professeurs des écoles qui sont favorables à une réforme des rythmes scolaires. Ils le sont parce qu’ils ne sont pas attachés à leur statut mais bien attachés à la réussite des élèves ! Si la formation initiale et continue des enseignants est un enjeu primordial pour la qualité de l’enseignement, la question des rythmes scolaires n’en est pas moins importante pour ne pas la reporter une nouvelle fois. En effet, nos élèves français ont les journées les plus longues par rapport aux autres élèves européens avec 6h d’enseignement sur un faible nombre de jours : 144 (moyenne OCDE : 187 jours), le plus faible d’Europe. De nombreuses études ont démontré que les rythmes actuels nuisent aux apprentissages des élèves. Voici par exemple les conclusions d’Hubert Montagner, l’un des experts sur cette question :
Les rythmes scolaires sont-ils adaptés aux besoins des enfants ?
Hubert Montagner, ancien directeur du laboratoire de psycho-physiologie de la Faculté des Sciences de Besançon, et spécialiste reconnu des rythmes biopsychologiques des enfants. Extraits d’un article du Café pédagogique du 17 septembre 2008.
« Si on se fonde sur les observations filmées tout au long du temps scolaire, aucun enfant de l’école primaire ne peut être vigilant, attentif, réceptif et disponible pendant cinq heures trente de temps pédagogique, même quand elles sont interrompues par des moments de détente. »
Une réceptivité et une disponibilité optimales des élèves se situent entre 9h et 11h et entre 15h et 16h30. Chez les CP-CE, l’attention dans une journée est estimée à 3h30 et chez les CM à 4h30 environ.
Les signes de fatigue des élèves augmentent entre 9h et 9h30, entre 11h et 11h30 et entre 14h30 et 15h. Deux moments de la journée scolaire se caractérisent par une vigilance nettement plus faible à tous les âges de l’école primaire :
* à partir de 08h30, heure d’entrée en classe, il faut entre 30 et 60 minutes pour que les enfants trouvent un niveau de vigilance suffisamment élevé.
* à la mi-journée, entre 12h30 et 14h00. Cela se caractérise à tous les âges par une dépression de la vigilance corticale, sans relation avec les entrées alimentaires. Chez les enfants d’école maternelle, c’est le temps de la sieste.
La plage de temps à partir de 16h00-17h00 se prête bien aux activités physiques et sportives. En effet, elle se caractérise par une augmentation du métabolisme, de la température corporelle et de la force musculaire, et une optimisation des coordinations motrices.
Ainsi, la première heure, la mi-journée et le temps postscolaire (après 16h30, tous les enfants sont fatigués) ne se prêtent pas à des activités qui nécessitent une forte mobilisation de l’attention et des ressources intellectuelles.
L’article complet :
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/pages/2008/09/montagner rythmesscolaires.aspx
Ainsi, d’après ces études, il vaut mieux :
– limiter la journée à 5h d’enseignement maximum
– ne pas commencer trop tôt les cours : débuter vers 9h plutôt que 8h30
– avoir une longue pause méridienne (de 2h à 2h30 avec des activités calmes après le déjeuner, ce qui suppose des activités et locaux adaptés) pour reprendre vers 14h/14h30 (au lieu de 13h30).
– privilégier les activités sportives ou culturelles (détente) après 16h. Cela permettrait aux associations sportives ou culturelles de proposer leurs activités en fin d’après-midi à la place du mercredi matin.
Outre ces recommandations, les résultats des élèves français aux évaluations internationales (PISA, PIRLS…) ne plaident pas non plus pour un statu quo. Aussi, combien d’enseignants se sont plaints du rythme épuisant, du manque de concentration des élèves en fin de journée, avec en plus les heures d’aide personnalisée après la classe pour les élèves en difficulté ? Ils savent, par leur expérience de terrain, qu’on est plus efficace dans les apprentissages le matin que l’après-midi. Une matinée de plus, ce n’est pas rien ! Surtout pour les apprentissages fondamentaux que sont le français et les mathématiques. Travailler le mercredi matin, c’est aussi assurer une continuité des rythmes chronobiologiques pour l’enfant au lieu de créer une rupture dans sa semaine.
Cette volonté de changement ne date pas d’hier puisque cette réforme était déjà en discussion avec le gouvernement précédent. Une consultation avait d’ailleurs été engagée en 2010-2011 et avait abouti à un large consensus. Dix mesures avaient été préconisées dans le rapport d’orientation du 4 juillet 2011 :
http://media.education.gouv.fr/file/06_juin/67/1/Rythmes_scolaires_rapport-d-orientation_184671.pdf
Voilà, maintenant que le diagnostic est posé, que des solutions ont été proposées : il est temps de prendre ses responsabilités ! Saluons donc le courage politique d’engager une telle réforme qui changera quelques peu les habitudes des élèves, des parents, des enseignants, du personnel communal mais aussi des centres de loisirs, des associations sportives, culturelles, religieuses (catéchèse), etc.. Cette réforme va permettre de relancer (ou lancer) des projets éducatifs locaux : ceci est positif car cela va réunir tous les partenaires et les mobiliser autour de la question du temps éducatif des enfants.
Le pire serait évidemment l’échec de cette réforme. Elle n’est souhaitable pour personne et encore moins pour les enseignants du primaire qui seraient pris à partie par l’opinion publique. Cela serait injuste car ils ne sont pas les seuls à porter cette réforme. De plus, ils se sont trouvés le plus souvent en première ligne pour faire évoluer le système éducatif. Mais, malheureusement le dénigrement a déjà commencé. Il n’y a qu’à lire l’éditorial du journal Le Monde du 22 janvier 2013 qui titre : « L’école ou le triomphe du corporatisme » ou bien l’article du journal La Croix du 23 janvier : « L’école n’aime pas les réformes ». Pour dénoncer ce corporatisme, les éditorialistes s’appuient sur la grève des enseignants parisiens du 22/01/2013. Or, celle-ci est isolée et ne reflète pas l’opinion de tous les enseignants français.
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Avant 2008 |
Rentrée 2008 |
Rentrée 2013 ou 2014 |
Nombre de semaines de classe sur l’année scolaire |
36 |
36 |
36 |
Nombre de jours de classe annuels |
180 |
144 |
180 |
Nombre de jours de classe hebdomadaires |
4 jours et demi* (dont samedi matin) |
4 jours* |
4 jours et demi* (dont mercredi matin) |
Nombre d’heures d’enseignement annuel |
936h |
864h |
864h |
Nombre d’heures d’enseignement hebdomadaire |
26h |
24h + 2h d’aide aux élèves en groupe restreint |
24h + 1h d’aide aux élèves en groupe restreint |
Heures réglementaires des enseignants par semaine |
27h |
27h |
27h |
• Heures d’enseignement |
26h |
24 h |
24 h |
• Temps de service |
1h |
3h |
3h |
– Aide aux élèves |
0h |
dont 2h |
Dont 1h |
(groupe restreint) |
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(soit 4 x 30 min) |
(soit 2 x 30 min) |
– Concertations pédagogiques (conseils d’école, des maîtres), rencontre des parents, formations) |
1h |
dont 1h |
dont 2h |
*Dans la très grande majorité des écoles. Quelques unes dérogeaient à cette organisation.
Avec la suppression de l’école le samedi matin lors de la réforme de 2008, le nombre d’heures d’enseignement hebdomadaire est passé de 26h à 24h et a permis de reconnaître aux enseignants trois heures de temps de service en dehors de la classe (au lieu d’une heure auparavant) dont 1h pour les concertations pédagogiques, les formations, les rencontres avec les parents et 2h pour l’aide aux élèves (soit au total 108h sur l’année). Comme indiqué plus haut, cette aide personnalisée avait considérablement augmenté les journées des élèves puisqu’elle se situait en dehors des temps de cours. Dans la nouvelle réforme, ces 3h hebdomadaires ont été redéfinies pour reconnaître davantage le travail en équipe des enseignants et leurs rencontres avec les parents (2h par semaine) ; l’aide aux élèves étant désormais d’1h par semaine.
Si on ne peut que souscrire au retour à 4 jours et demi d’école, on peut se demander pourquoi l’application de la réforme ne suscite pas l’adhésion de tous les acteurs et si elle respecte l’objectif d’allègement fixé au départ. Force est de constater que même chez les enseignants favorables à ce retour, de fortes réserves sont émises sur le projet actuel. En effet, celui-ci présente plusieurs défauts et soulève de nombreuses interrogations très concrètes :
1/ L’allègement des rythmes scolaires n’est pas significatif
Le projet actuel du ministère ne suit pas les recommandations de la consultation nationale des rythmes scolaires (rapport d’orientation du 4 juillet 2011). Ce rapport proposait :
– de limiter la durée totale des cours à 5h par jour (y compris en 6e-5e).
Le projet actuel prévoit des journées qui peuvent aller de 5h15 à 5h30 de cours quotidien. Les collégiens de 6e-5e conserveront des journées de 6h. Si l’allégement n’est que de 30 ou 45 min, on a du mal à comprendre le bénéfice pour les élèves.
– de limiter la semaine à 23h de cours (y compris en 6e-5e)…soit 5h de cours par jour, et 3h le mercredi matin. Le projet actuel prévoit de maintenir la durée hebdomadaire de 24h d’enseignement.
– d’organiser l’année scolaire sur 37 ou 38 semaines (y compris en 6e-5e). Le projet actuel maintient les 36 semaines d’école sur l’année.
2/ Le décret sur les rythmes scolaires n’oblige pas les mairies à prendre en charge les élèves jusqu’à 16h30 ni d’organiser des activités périscolaires.
Dans une interview au journal Le Monde du 11/10/2012, le ministre de l’éducation, Vincent Peillon, affirmait qu’« aucun enfant ne sera hors de l’école avant 16h30 ». Pourtant, d’après le décret du 26/01/2013 sur les rythmes scolaires, les mairies ne sont pas tenues de prendre en charge les élèves jusqu’à 16h30 ni même d’organiser des activités périscolaires.
Pour inciter les collectivités locales à mener ces activités et les aider à prendre en charge leur coût financier, le gouvernement prévoit un fonds d’amorçage de 250 millions d’euros. Ce fonds est envisagé pour 20132014 ou 2014-2015 selon le choix de la commune. Or, la réforme s’appliquera en 2016, 2017, 2018…ce qui signifie que le financement actuel n’est que provisoire et n’est pas envisagé de façon pérenne ! L’Association des Maires de France (AMF) s’en est d’ailleurs inquiétée dans son communiqué du 24/01/2013.
Aussi, on peut se demander si le gouvernement a vraiment bien chiffré le coût de ces activités périscolaires, comme l’avait recommandé la consultation nationale des rythmes scolaires. Dernièrement, le recteur de Toulouse Olivier Dugrip a indiqué que le fonds d’aide pourrait atteindre 400 millions d’euros contre 250 millions annoncés en novembre. Bref, difficile d’y voir clair pour les collectivités locales. Enfin, il leur reste peu de temps pour embaucher et former du personnel pour la rentrée 2013 ; les activités périscolaires ne devant pas s’apparenter pas à des activités de garderie mais bien à des activités d’intérêt éducatif.
Malgré ces difficultés de financement, d’autres contraintes viendront s’ajouter :
– la difficulté de trouver du personnel suffisant pour mener les activités périscolaires. C’est la raison pour laquelle le ministère précise dans son guide pratique que les communes pourront demander aux enseignants volontaires d’assurer ces activités périscolaires (ces heures étant rémunérées par les mairies). Si des difficultés d’embauche de personnel communal se présentent, notamment dans les petites écoles rurales, ne faut-il pas craindre quelques pressions sur les enseignants pour assurer ces activités ?
– la contrainte de l’espace : pour des raisons pratiques (éviter les déplacements, manque de locaux adaptés pour accueillir un grand nombre d’enfants), les collectivités n’auront guère d’autres choix que de proposer les activités périscolaires au sein des classes. Cela est d’ailleurs confirmé par le guide pratique du ministère : « la commune peut utiliser les salles de classe dans le cadre des activités périscolaires ». Outre le fait que cela prolongera le temps de présence de nombreux élèves dans le cadre scolaire (3h de présence en plus par semaine), des problèmes de partage de locaux se poseront (voir plus bas : les problèmes d’espace et de cohabitation entre APC et TAP).
N’oublions pas non plus que les grandes villes et les petites communes rurales ne disposent pas des mêmes équipements ni des mêmes moyens humains pour proposer des activités périscolaires.
Que vont décider les municipalités ?
1/ Grenoble ® application en septembre 2013 2/ Blois ® application en septembre 2014
Deux exemples qui illustrent les difficultés d’application, même dans les grandes villes :
1/ Interview de Paul Bron, maire adjoint à l’éducation de la ville de Grenoble
06/02/2013 par le Café pédagogique
« Trois scénarios sont travaillés par la ville quant à l’organisation de la journée :
Scénario 1 : allongement de la pause méridienne à 2h 45mn. Il y a des avantages : meilleur respect du rythme de l’enfant, possibilité de sieste pour les petits, animateurs de la ville déjà sur place, coordination avec les APC. Mais aussi des inconvénients : manque de locaux. Il est très délicat d’envisager d’utiliser les salles de classes entre midi et 14h, les parents nous renvoient la difficulté pour la ville d’assurer une qualité de l’encadrement.
Scénario 2 : le péri scolaire à 16h. Placer 1/4h pour donner un peu d’espace à une pause méridienne parfois surchargée et arrêter l’école à 16h. Puis 16h-17H périscolaire supplémentaire et APC et 17h-17h30 ou 18h périscolaire actuel. Avantages : des temps plus stabilisés où il est possible de construire un vrai partenariat et avec presque tous les enfants. Inconvénients : capacité de trouver des animateurs disponibles à 16h, trouver des locaux et …c’est le coût le plus cher pour la ville.
Scénario 3 : déplacer l’entrée à l’école à 9h avec garderie le matin, 15mn de plus à la pause méridienne et fin d’école à 16h30. Le scénario le moins ambitieux et le moins cher. Dans ce cas il faudra mettre des moyens pour améliorer la qualité de la pause méridienne et le péri scolaire du soir. »
2/ Interview de Yann Bourseguin, maire adjoint à l’éducation de la ville de Blois
01/02/2013 par le Café pédagogique
« On avait réfléchi à la question de la tranche 15h45-16h30. Et on était arrivé à quelque chose de simplement impossible : tripler le nombre d’animateurs, recruter 175 animateurs supplémentaires. A Blois
cette ressource humaine n’existe pas. Il y a un autre problème : celui de l’espace. Aujourd’hui on accueille environ mille élèves après 16h30. Si je dois prendre en charge 4 500 enfants je n’ai que les salles de classe pour les accueillir. Or c’est un espace qui est déjà partagé. Ces problèmes les autres communes de l’agglomération me disent les connaitre également. Je verrai donc ce que me dira le préfet et s’il me confirme que j’ai le droit de ne rien faire. »
Si l’absence d’obligation de prise en charge des enfants jusqu’à 16h30 permettra une certaine souplesse d’organisation, on peut néanmoins craindre que les collectivités n’organisent pas d’activités périscolaires ou en limitent la portée et se contentent d’activités de garderie soit sur le temps du matin, du midi ou bien après la classe. C’est ce qui est par exemple suggéré dans le scénario 3 présenté par le maire adjoint de Grenoble (voir ci-dessus).
Dans le cas où il n’y aurait pas d’activités périscolaires le midi, les enfants pourront sortir de l’école à partir de 15h45. Deux possibilités : soit ils restent à l’école pour des activités de garderie (qui génère aussi de la fatigue), soit ils rentrent plus tôt chez eux si l’un des parents est disponible ou bien seuls à la maison avec le risque d’être plus longtemps devant leurs écrans.
3/ Des problèmes de temps et d’espace vont se poser entre les Activités Pédagogiques Complémentaires (APC) et les Activités Périscolaires (TAP)
1. Le temps des APC ne coïncide pas avec celui des TAP
Pour pallier la diminution quotidienne de 45 min de cours, le ministère prévoit :
– des TAP (Temps d’Activités Périscolaires) pris en charge par les collectivités locales
– des APC (Activités Pédagogiques Complémentaires) menées par les enseignants sous forme d’aide aux devoirs, d’aide personnalisée ou bien d’activités liées au projet d’école.
Si ces APC ne concerneront qu’un groupe restreint d’élèves (5 ou 6 maximum par enseignant), elles soulageront financièrement et humainement les collectivités locales dans la prise en charge des élèves en TAP. Selon la circulaire du 7 février 2013, ces APC seront d’une durée d’une heure par semaine. On peut raisonnablement penser que les écoles choisiront, dans l’intérêt des élèves, de faire deux périodes de 30 min dans la semaine au lieu d’une séance d’une heure. C’est d’ailleurs suggéré dans ces deux exemples d’emploi du temps du ministère (guide pratique du ministère du 3 février 2013) :
Dans cette infographie, le ministère place les APC (Activités Pédagogiques Complémentaires) sur les mêmes créneaux que les TAP (Temps d’Activités Périscolaires). Or, le temps des APC (30 min, à raison de deux fois par semaine par enseignant) ne coïncide pas avec celui des TAP (45 min, à raison de 4 fois par semaine). Des questions vont donc se poser. Qui surveillera les élèves entre les cours et les APC ? Qui les surveillera avant ou après les APC si tous les autres élèves sont en TAP ? Les enseignants ? C’est fort probable et cela n’est pas dit. Si c’est le cas, alors les enseignants ne finiront pas plus tôt qu’avant puisqu’ils assumeront de nouveaux temps de surveillances...sans obtenir une quelconque reconnaissance !
Pourquoi ne pas reprendre l’école la dernière semaine d’août ?
* Cela réduirait les vacances d’été de seulement d’une semaine mais cela se faisait déjà, avant 2008, dans quelques départements français qui avaient choisi la semaine à 4 jours. Aussi, à partir de 2008, ont été mis en place des stages de remise à niveau pour les élèves qui avaient lieu également lors de cette dernière semaine d’août.
* En avançant les vacances de Toussaint d’une semaine par rapport aux dates du calendrier actuel, cela permettrait de respecter l’alternance 7 semaines de classe, 2 semaines de congés pour le 1er trimestre. Il faut préciser que les élèves du primaire français ont déjà un volume horaire important de cours puisqu’ils ont 864h de cours par an (alors que la moyenne des pays OCDE oscille entre 774 heures à 821 heures en moyenne – selon l’âge des écoliers), cela est d’ailleurs indiqué dans le guide pratique du ministère. Même en supprimant une heure de cours par semaine (mais qui n’est pas demandé par les enseignants), les élèves français resteraient au-dessus de la moyenne OCDE (828h contre 774 à 821h) dans le volume global annuel d’heures d’enseignement.
Dan un communiqué du 07/02/2013, les fédérations professionnelles du tourisme (l’Umih, le Ceto, le Snav, la Fnam et le CNPA) ont même proposé de raccourcir les vacances d’été à 6 semaines "avec un zonage" comme pour les petites vacances. Aussi, elles suggèrent d’avancer les dates de départs des vacances d’hiver et de printemps afin de « refaire des mois de février et d’avril des mois de vacances ». Malheureusement, cette deuxième proposition risque de faire du tort à la première car elle révèle davantage l’intérêt économique que le souci éducatif de l’industrie touristique. En effet, elle déséquilibrerait encore plus la durée des périodes scolaires (périodes de 5 semaines puis d’autres de 11 semaines) alors que la consultation nationale des rythmes scolaires préconisait un équilibre de 7/8 semaines de cours et de 2 semaines de congés. Notons au passage que la nouvelle réforme conserve le triple zonage des vacances d’hiver et de printemps et fera donc perdurer le déséquilibre actuel : période de 6 semaines de cours en janvier-février puis période de 10 semaines en mai-juin-juillet (voir calendrier scolaire 2013-2014).
S’il existe des réticences sur le projet actuel, il y a aussi l’expression d’un double malaise chez les enseignants du 1er degré :
1) L’impression dans l’opinion publique que les enseignants travaillent peu
2) Le sentiment du « deux poids, deux mesures » entre le 1er et le 2nd degré
1. L’impression dans l’opinion publique que les enseignants travaillent peu
C’est une idée très répandue dans l’opinion publique liée au nombre de jours de vacances. Or, lorsque l’on compare aux homologues européens, on ne peut pas dire que les enseignants du 1er degré soient des tire-au-flanc !
Ainsi, un professeur des écoles français donne 918 heures de cours par an (864h de cours + aide aux élèves), alors que la moyenne des pays de l’OCDE est 782 heures. De plus le taux d’encadrement n’est pas le même puisqu’en élémentaire, on compte en France 18,7 élèves par enseignant contre 14,3 en moyenne dans les pays de l’OCDE, et l’écart est encore plus fort en maternelle avec 21,5 élèves par enseignant contre 14,4 dans l’OCDE. Précisons que ces calculs ne reflètent pas la réalité du terrain puisque ces statistiques ne tiennent pas compte des professeurs n’ayant pas de classe en responsabilité (remplaçants, enseignants spécialisés, en formation, en disponibilité, en congé maternité, etc.).
Si le temps réglementaire des enseignants est de 27h par semaine (24h d’enseignement et 3h d’obligations de service), une enquête du syndicat SNUIPP montre qu’en réalité, les enseignants font en moyenne près de 43h par semaine :
Ci-dessous les résultats d’une enquête du syndicat SNUIPP du 22 au 25 octobre 2012 auprès de 30 000 enseignants du 1er degré :
2. Le sentiment du « deux poids, deux mesures » entre le 1er et le 2nd degré
Si la réforme des rythmes scolaires suscite des réticences, c’est aussi parce qu’elle alimente le sentiment d’un « deux poids deux mesures » entre le 1er et le 2nd degré. En effet, il était prévu, selon la consultation nationale sur les rythmes scolaires, que cette réforme concerne le primaire mais aussi le collège (allégement de la journée des 6e-5e à 5h de cours par semaine, allongement du calendrier scolaire à 38 semaines de cours au lieu de 36). Or, sans doute pour ne pas froisser les syndicats majoritaires du 2nd degré, la réforme ne concernera pas le collège.
Cela laisse entendre, une fois de plus, que les efforts d’adaptation du système éducatif ne sont portés que par le 1er degré. Cela accroît également les disparités entre les enseignants du 1er degré (maternelle et primaire) et du 2nd degré (collège et lycée).
1. Il n’y a pas la même reconnaissance du travail entre les enseignants du 1er et du 2nd degré
En effet, si on y regarde de près, on se rend compte que :
– Le taux d’encadrement (nombre d’élèves par enseignants) au primaire est de 18,7 (contre 14,3 moyenne OCDE) alors que celui du secondaire est de 12,3 (chiffre identique à celui de la moyenne OCDE)
– Les enseignants du 1er degré font 918h par an devant les élèves (moyenne OCDE : 782h) quand les enseignants de collège font 642h par an (moyenne OCDE : 704h) et au lycée 628h (658 heures moyenne OCDE). Certes, la préparation des cours au lycée et les corrections ne sont pas les mêmes qu’au primaire mais la différence n’est pas si grande entre le collège et le primaire. De plus, les enseignants du 1er degré sont polyvalents et doivent préparer leurs cours dans pas moins de dix matières (français, mathématiques, sciences, géographie, histoire, instruction civique, anglais, informatique (B2i), éducation musicale, arts visuels, histoire des arts…) quand les enseignants du 2nd degré sont monovalents et n’ont qu’un niveau par classes. Dans beaucoup d’écoles, notamment rurales, les enseignants du primaire ont souvent du double niveau, voire triple ou quadruple niveau dans la même classe (exemple : GS-CP, CE1-CE2…).
– Les professeurs de secondaire assurent 18h de cours par semaine, les enseignants du primaire assurent 24h. Les premiers n’ont pas d’obligations de présence et de services en dehors des cours (hormis les conseils de classe trimestriels), les seconds en ont 3h par semaine (aide aux élèves, concertations pédagogiques…). Les enseignants du primaire assurent les temps de surveillance des élèves (il est vrai comptabilisé dans les 24h d’enseignement), alors que les enseignants du secondaire non. Il faut préciser également que beaucoup de professeurs du secondaire font souvent au-delà de 18h de cours en effectuant des heures supplémentaires (HSE) mais celles-ci sont rémunérées en heures sup.
Quand les professeurs de collège ont des concertations pédagogiques, cela est pris sur leur temps de cours. Les élèves n’ont donc pas classe. Impensable au primaire ! Les concertations pédagogiques dans les écoles se font toutes en dehors des cours, dans le cadre des 3h d’obligations de service hebdomadaires.
– Selon le syndicat SNUIPP, la différence de salaire entre les professeurs du 1er et 2nd degré peut atteindre jusqu’à 600 euros mensuels en milieu de carrière. Toute heure de cours supplémentaire dans le 2nd degré est rémunérée en heures supplémentaires, toute tâche supplémentaire (tutorat, accompagnement éducatif…) est rémunérée par une indemnité…tandis que l’aide personnalisée aux élèves, la rencontre des parents, les concertations pédagogiques… font partie des obligations de service des enseignants du primaire et ne font l’objet d’aucune indemnité.
– Un autre exemple qui illustre les disparités 1er et 2nd degré : les professeurs tuteurs de professeurs stagiaires touchent une indemnité annuelle de 929€ au primaire, quand ceux du 2nd degré perçoivent 2000€. Qu’est-ce qui justifie cet écart ?
2. Le 1er degré, le premier engagé dans les réformes du système éducatif
Il est souvent dit que le système éducatif n’évolue pas. Pour autant, on ne peut pas dire que le 1er degré ne soit pas engagé dans les réformes :
– Le 1er degré a appliqué des nouveaux programmes en 1995, 2002, 2007, 2008 et plus récemment en janvier 2012. Au collège, les programmes de français de 2008 ont remplacé ceux de 1996.
– Le 1er degré a commencé la mise en œuvre du socle commun, notamment avec les livrets personnels de compétence, dès 2009 quand le second degré a commencé deux ans plus tard. Les collèges ont reçu des versions numériques de ces livrets pour valider plus facilement les compétences…quand le primaire les attend toujours.
Les syndicats majoritaires du 2nd degré comme le SNES, FSU…sont d’ailleurs réticents au socle commun et au rapprochement du collège avec le primaire. Et pourtant l’école du socle, c’est l’école que les meilleurs systèmes éducatifs, notamment les pays nordiques, ont choisi de mettre en œuvre. Rappel : tous les systèmes éducatifs qui fonctionnent le mieux sont ceux qui visent jusqu’à 15 ans les mêmes connaissances et compétences pour tous. Les pays qui ont voulu différencier les parcours d’orientation des élèves dès 12-13 ans ont eu de moins bons résultats, comme l’Allemagne il y a quelques années.
– Les syndicats majoritaires du 2nd degré refusent la bivalence des enseignants du collège. Exemple : un professeur qui enseigne le français et l’histoire-géographie en 6e-5e pour faciliter la transition école-collège. Dans de nombreux pays européens, il est rare de voir un professeur de collège enseigner dans une seule spécialité.
Ils refusent également que des professeurs de musique, d’arts, d’anglais ou d’EPS du collège viennent enseigner au primaire pour que les élèves puissent bénéficier de leurs compétences, et ce dans l’esprit d’une école du socle. Pour rappel, jusqu’en 1986, était offerte la possibilité aux instituteurs d’enseigner au collège comme Professeurs d’Enseignement Général au Collège (PEGC).
– A chaque fois qu’un ministre de l’Education nationale met sur la table la modification des missions et du statut du métier d’enseignant du secondaire, les syndicats majoritaires du 2nd degré se crispent. Voilà pourquoi, le statut des professeurs du secondaire n’a pas bougé depuis 1950 quand les dernières modifications de statut des enseignants du 1er degré datent de 1990, 2008 et bientôt 2013. On n’a pas entendu les éditorialistes du Monde dénoncer le corporatisme du SNES après leur communiqué du 24/10/2012 indiquant le refus de l’école du socle et de la modification du statut des enseignants du collège. Bien dommage que l’on ne puisse adapter le statut des enseignants du secondaire car l’une des clés de réussite des meilleurs systèmes éducatifs, c’est le travail des enseignants en équipe et la formation continue. Échanger sur l’efficacité des pratiques pédagogiques en classe, sur les élèves en difficultés pour mettre en œuvre des solutions, planifier la progression des apprentissages, préparer des cours en commun. Tout cela ne repose que sur la bonne volonté des enseignants alors que cela devrait faire partie intégrante du métier.
Pour conclure…
Il ne s’agit pas d’opposer les professeurs du secondaire à ceux du 1er degré, il ne s’agit pas non plus d’être dans une course à l’échalote sur les conditions de travail . mais simplement de demander que les efforts de réforme soient accomplis par tous (rythmes scolaires, métier et statut de l’enseignant, socle commun.) et que le travail des enseignants du 1er degré soit davantage reconnu. Aussi, sont bien accueillies les propositions suivantes :
• le redéploiement des postes de l’Education nationale sur l’enseignement primaire dans la nouvelle loi sur l’école.
• la proposition de Vincent Peillon de rapprocher la rémunération des professeurs du 1er degré sur celle des enseignants du 2nd degré. Le Journal Les Echos laisse entendre que le ministère donnerait aux professeurs des écoles une prime annuelle de 400 euros censée être une sorte d’équivalent à l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (Isoe), touchée par les enseignants du secondaire. Rappelons que l’Isoe dans le 2nd degré est de 1 200 € annuels : la prime pour les enseignants du 1er degré vaudrait donc 1/3 de l’Isoe.
• la création d’un cycle CM2-6e et d’un conseil CM2-6e pour éviter le fossé et rapprocher les enseignants du 1er et du 2nd degré qui n’ont pas souvent lieu de travailler ensemble.
• le souhait du ministre de réformer les rythmes scolaires également pour le collège et le lycée.
Comme il est dit plus haut, la réforme des rythmes scolaires demande du temps. Elle doit être encore discutée et améliorée afin qu’elle soit bien acceptée par tous les acteurs. Le fait d’émettre des réserves sur le projet actuel ne doit pas être considéré comme du « corporatisme étriqué » de la part des enseignants mais bien l’envie de débattre pour obtenir la réussite de cette réforme importante dans l’intérêt des élèves.