PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

L’Essec vient de célébrer ses vingt ans d’apprentissage. Une initiative qui a fortement contribué à l’essor de ce mode de formation dans les grandes écoles et dans l’ensemble de l’enseignement supérieur. Jean-Pierre Boisivon, directeur général de l’Essec en 1994 (et ancien délégué général de l’Institut de l’entreprise), revient sur ce lancement. Il plaide pour donner aujourd’hui un nouvel élan à l’apprentissage, à tous les niveaux.

Vous avez lancé l’apprentissage à l’Essec il y a vingt ans. A l’époque, cela a été un choc dans le monde des grandes écoles. Pour quelle raison avez-vous pris cette décision ?

En 1994, les droits de scolarité à l’Essec étaient assez élevés, et je savais que je devrais continuer à les augmenter encore. L’apprentissage permettait d’offrir, en quelque sorte, aux étudiants l’équivalent d’une bourse pour deux années complètes de leur cursus sur trois.

Mais il y avait aussi une préoccupation pédagogique. La médecine et le management sont deux domaines dans lesquels l’objet d’étude est un organisme vivant – car une entreprise est bien un organisme vivant. Or en général, on a beaucoup de mal à établir la synthèse entre les différentes disciplines étudiées – le marketing, la finance, les ressources humaines, la comptabilité… L’apprentissage permet précisément d’échapper à cette « mutilation » que constitue le découpage en différentes disciplines, et d’avoir une approche globale, beaucoup plus conforme à la réalité de l’entreprise.

Pour l’étudiant, qu’est-ce qui change avec l’apprentissage ?

D’abord, il faut bien avoir à l’esprit que l’apprentissage n’a rien à voir avec un stage long. Ce n’est pas un simple passage de quelques mois. L’apprenti est totalement intégré à la vie de l’entreprise. Il est un collaborateur, un professionnel à part entière.

Ensuite, l’apprentissage implique un changement de posture des étudiants lorsqu’ils sont à l’école. Certes, ils se retrouvent alors en classe avec les autres élèves. Mais les apprentis viennent chercher des réponses aux questions qui se posent dans leur entreprise, ce qui n’est pas du tout le cas des autres étudiants. Ceux-là sont plutôt des adeptes de la gymnastique suédoise : ils se disent que cela ne peut pas faire de mal, mais n’en ont pas la certitude…

Comment a été accueillie votre initiative, à l’époque ?

Du côté des anciens de l’Essec, des enseignants et des entreprises, la démarche a peut-être surpris, mais elle a été bien accueillie. François Dalle, le patron de L’Oréal à l’époque, m’a appelé pour me féliciter. A la Conférence des grandes écoles, l’accueil a été moins enthousiaste. Un directeur d’école d’ingénieurs m’a ainsi fait remarquer que l’apprentissage, c’était très bien pour former les maçons, mais pas pour des diplômés à bac + 5…

Aujourd’hui, l’apprentissage fait quasiment l’unanimité, chez les étudiants comme chez les recruteurs. Et pourtant, le nombre d’apprentis a tendance à stagner, sinon à diminuer. Pourquoi, selon vous ? 

L’Essec a apporté sa pierre à l’édifice, la Région Ile-de-France a suivi très rapidement, beaucoup d’autres établissements se sont lancés eux aussi… L’initiative de l’Essec a largement contribué à l’essor et au succès de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, on compte environ 120.000 apprentis dans le supérieur, où il continue à se développer, et environ 320.000 dans le secondaire, où il est plutôt en régression. Mais il est vrai que certains secteurs d’activité comme le bâtiment, qui est un des bastions traditionnels de l’apprentissage, traversent une période difficile… Cela explique pour une part les difficultés du moment.

Comment relancer l’apprentissage ? Quels leviers utiliser, selon vous ?

Le combat pour l’apprentissage n’est pas fini. Il faut aller plus loin. Nous sommes en train de promouvoir de nouvelles formes d’apprentissage. Prenons l’exemple des bacs pro, l’une des principales filières en apprentissage. Les quelque 120.000 jeunes qui obtiennent ce diplôme chaque année par l’apprentissage n’ont pas la possibilité de poursuivre des études par la même voie : ils se retrouvent quasiment bloqués. Il faudrait mettre sur pied une filière complète qui permette à ceux qui en ont les capacités et la motivation de poursuivre leurs études en apprentissage, au besoin jusqu’au master. Nous y travaillons.

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