In Le Monde.fr – le 12 Février 2013 :
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La société évolue et les mentalités des adultes aussi. Les résultats dégagés par les chercheurs en chronobiologie et en chronopsychologie ne sont plus ignorés, voire méprisés !
L’époque où les aménagements du temps des élèves du primaire résultaient de la satisfaction des besoins des adultes est révolue.
Ceci a conduit à des calendriers scolaires particuliers : des grandes vacances qui ont duré jusqu’à trois mois, la coupure du mercredi, le zonage, les vacances d’hiver, la semaine de quatre jours.
Oui, nous sommes l’un des plus mauvais élèves européens et pour nous donner bonne conscience, il a été décidé que les enseignements dureraient 844 heures par an, sur 144 jours répartis en 36 semaines. Sans aucun appui scientifique !
Il y a consensus pour mettre fin à une telle politique et reconnaître que les aménagements du temps scolaire ne sont pas adaptés aux besoins de l’enfant.
Depuis plus de vingt ans, les chercheurs en chronopsychologie et en chronobiologie, les parents d’élèves et les enseignants et le ministère de l’éducation nationale reconnaissent quela semaine de quatre jours est une ineptie et qu’une vision globale de l’éducation est absente.
AFFAIBLISSEMENT DE LA VIGILANCE
Les emplois du temps actuels ne satisfont ni les enfants ni les professeurs des écoles. Il convient donc de supprimer la semaine de quatre jours. Les scientifiques ont établi qu’elle désynchronise le rythme de la journée et entraîne un affaiblissement de la vigilance, ainsi qu’une baisse des performances lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’activités péri et extrascolaires.
Les élèves travaillant quatre jours par semaine sont moins vigilants, ont plus de comportements scolaires inadaptés et dorment moins que des élèves travaillant aussi le samedi matin ou le mercredi matin.
De plus, en début de semaine, l’évolution de la vigilance dans la journée tend à s’inverser, signe d’une rupture de synchronisation entre l’emploi du temps de l’enfant et son propre rythme de vie. Cette rupture semble d’autant plus nette que les activités extrascolaires sont pauvres ou inexistantes.
Si l’accompagnement péri et extrascolaire permet de limiter certains effets négatifs de la semaine de quatre jours, il n’empêche pas l’inversion du rythme de la journée en début de semaine.
Par ailleurs, les enseignants effectuent en quatre jours ce qu’ils faisaient autrefois en quatre jours et demi. Cela entraîne des journées de classe trop lourdes, une forte pression pour boucler les programmes.
Enfin, la libération du temps est injuste dans la mesure où elle n’est pas synonyme d’épanouissement. Faute d’encadrement familial et d’une politique socioculturelle accessible à tous, trop d’enfants pâtissent de ce temps libéré.
La suppression de la semaine de quatre jours doit conduire à un allégement de la journée, à une répartition plus judicieuse des enseignements dans la semaine et la journée, et à une approche plus globale de l’éducation grâce à la mise en place d’activités complémentaires.
Notons que la nouvelle répartition qu’il est prévu d’appliquer maintient identique le volume hebdomadaire d’enseignement (24 heures).
L’important est plus de "dédensifier" la journée que de l’alléger. Les travaux de recherche montrent que les enfants ne peuvent pas être en haute vigilance six heures sur six.
LA RÉUSSITE ET LE BIEN-ÊTRE DE TOUS
Dans la journée comme dans la semaine, il existe des "temps faibles" et des "temps forts" dont les professeurs des écoles doivent tenir compte dans la répartition des efforts intellectuels et physiques de leurs élèves.
Aux adultes de placer les apprentissages les plus poussés aux moments propices, pour la réussite et le bien-être de tous. Pour les apprentissages "poussés", c’est la deuxième partie de la matinée. Les moments les moins favorables se situent en début de matinée et autour de midi.
Chez les enfants de 10-11 ans, on retrouve en fin d’après-midi un moment propice aux apprentissages. Ce qui n’est pas le cas chez les plus jeunes. En revanche, en maternelle et en début d’élémentaire, on peut poursuivre les apprentissages par une approche plus ludique, des activités culturelles ou sportives.
Les premières mesures annoncées par le ministre de l’éducation nationale correspondent aux préconisations des chercheurs, psychologues, pédiatres, enseignants et parents soucieux de mieux respecter les rythmes de vie des enfants.
Mais, comme souvent dans un processus de réforme, des difficultés d’application transparaissent. Mais aller pour certains jusqu’au refus de ce qui était demandé par une majorité il y a encore trois mois, je ne m’y attendais pas !
Avant l’application des premières mesures, il faudra que la concertation perdure pour apporter des précisions sur les activités complémentaires, sur le rôle et la formation, le statut, les obligations de service des différents partenaires concernés, sur les relations entre les différentes institutions, sur les contenus des enseignements et leur répartition annuelle. Mais réussissons cette première et importante étape du processus de refondation de l’école.
François Testu, professeur émérite en psychologie,université François-Rabelais de Tours
François Testu est l’auteur de "Rythmes de vie et rythmes scolaires", Masson, 2008.