In Le Courrier – le 19 octobre 2013 :
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ECOLES • Des yeux électroniques surveillent les préaux dans plusieurs communes vaudoises, parfois pendant les heures de cours. Un phénomène qui ne fait plus débat.
Il est bien loin le temps où Anne-Catherine Lyon, cheffe du Département de la formation et la jeunesse (DFJ), demandait à Lutry et sept autres communes de désactiver leurs caméras de surveillance dans les préaux pendant les heures d’école. En 2006, le département s’inquiétait de «l’atteinte aux droits fondamentaux des usagers de ces lieux».
Un an plus tard, une base légale sur la vidéosurveillance est venue combler le vide juridique. Au début 2013, le préposé à la protection des données qui avait refusé que les caméras de deux collèges de Lutry soient allumées pendant le temps scolaire a été débouté par le tribunal cantonal, ouvrant la porte à la vidéosurveillance 24 heures sur 24 dans les préaux. Aujourd’hui, le DFJ ne prend plus position. «Les bases légales sont fixées par la loi», répond Michael Fiaux, délégué à la communication.
Quant au préposé Christian Raetz, il a reçu, depuis le début de l’année, deux autres demandes de vidéosurveillance des préaux 24 heures sur 24, de la part des communes d’Aigle et de Blonay. «Le signal donné par l’arrêt du Tribunal cantonal est assez clair», constate-t-il.
Effet dissuasif
A Aigle, huit caméras ont été posées en 2012 sur le collège des Dents du Midi, suite à un incendie bouté par un ancien élève. «Les caméras ont diminué les actes d’incivilité, les poubelles renversées et les vitres cassées aux abords de l’école, rapporte Frédéric Pernet, municipal de la sécurité publique. Mais l’extension des horaires n’a pas changé grand chose.» Pour protéger les enseignants et les élèves, les caméras floutent les entrées des bâtiments et les salles de classe.
Les vidéos peuvent être visionnées par les services de police, uniquement sur demande d’un juge. Depuis 2012, c’est arrivé une seule fois, dans le cas d’une vitre cassée, et les caméras n’ont pas permis de retrouver le coupable.
A Blonay, les caméras sont présentes à l’école depuis… 13 ans. «Pendant des années, nous avons filmé 24 heures sur 24. Puis nous avons dû arrêter mais, quand la jurisprudence est sortie, nous en avons refait la demande», explique Christine Winkler, municipale de la sécurité. Depuis 2000, les caméras auraient permis de résoudre une quinzaine d’affaires: tags, détérioration de mobilier urbain à proximité des écoles, vols entre élèves. Les caméras, anciennes, ne permettent pas le floutage. Mais la commune compte se doter de cette technologie pour la nouvelle génération de son matériel électronique.
Ecrans de contrôle permanent
Lutry a installé ses premières caméras à l’école en 2006. Comme à Blonay, elles tournaient 24 heures sur 24 avant la loi sur la vidéosurveillance de 2007. «Cela avait fait beaucoup de bruit à l’époque parce que nous filmions en continu. Après, plus personne n’en a parlé», relate Claire Glauser, municipale des écoles. Ici, pas question de floutage, mais ni les entrées des bâtiments, ni les classes sont visibles, assure Eugène Chollet, commandant de la police Lavaux.
Les images des quarante caméras de la bourgade (dont vingt-et-une à l’école) sont diffusées constamment sur trois écrans de contrôle au poste de police. Dans le cas où les yeux électroniques montrent une présence suspecte, une patrouille est immédiatement envoyée. Les agents se déplacent en moyenne deux fois par semaine aux abords des écoles. «Les écrans de contrôle permettent d’éviter les dommages parce que nous anticipons, rapporte Eugène Chollet. La vidéosurveillance ne doit pas être juste un alibi.» Le coût des installations des caméras s’élève à environ 70 000 francs. Sans compter les coûts humains.
Lausanne s’y met aussi
Si, à Lausanne, les bâtiments scolaires ne sont pas encore pourvus de caméras, la situation devrait changer. Le règlement communal sur la vidéosurveillance, adopté en 2012, prévoit la possibilité d’installer des caméras sur les écoles et bâtiments adjacents. «Nous avons constaté des dégâts importants, sur les vitres qui protègent les piscines et les salles de gym», constate le municipal des écoles Oscar Tosato.
Actuellement, des agents de sécurité privée surveillent les écoles lors des vacances scolaires et des jours fériés, des moments propices aux déprédations. La municipalité compte faire une demande pour l’installation de caméras «sur trois ou quatre bâtiments» pour commencer. «Il ne s’agit pas de généraliser l’emploi de caméras de surveillance, mais d’en poser à des endroits stratégiques, pour éviter la casse de vitrage qui coûte cher et être prêt à agir rapidement en cas d’incendie», détaille le municipal. Et d’ajouter: «Il y a beaucoup de discussion autour de l’efficacité de la vidéosurveillance. Cela demande une grande réflexion, notamment sur les phénomènes de report (déplacement de la délinquance, ndlr) et de contournement des caméras.» I
Solutions alternatives à St-Prex et Yverdon
St-Prex a renoncé à la vidéosurveillance dans les préaux, après avoir fait une demande auprès du préposé à la protection des données pour la pose de caméras à l’école, 24 heures sur 24. «Nos besoins ont changé», rapporte Roger Burri, municipal en charge de la sécurité. Une présence policière 24 heures sur 24 dans les rues et le recrutement d’un animateur de rue ont eu raison des déprédations. «Nous ne voulions pas avoir une réponse uniquement sécuritaire», poursuit le municipal. Les coûts élevés des installations, «plusieurs milliers de francs», ont également refroidi l’engouement des autorités. Mais dans le cas où la situation se dégrade, les autorisations sont toutes prêtes.
A Yverdon par contre, il n’a jamais été question de surveiller les cours d’écoles. Des déprédations aux abords des établissements scolaires? «Nous en avons de temps en temps, par vagues», constate le municipal Jean-Claude Ruchet, qui ne s’offusque pas des tags, stores et vitres cassés. Comme St-Prex, Yverdon compte sur la présence des travailleurs sociaux hors mur et de la police de proximité pour prévenir les dégâts. SDT
Les enseignants silencieux
Les demandes d’Aigle et de Blonay pour filmer les préaux 24 heures sur 24 n’ont pas fait de bruit du côté des enseignants. Les syndicats n’ont pas été contactés par les maîtres des écoles concernées. «Notre position n’a pas changé, rapporte Gilles Pierrehumbert, président de la Société vaudoise des maîtres secondaires. La vidéosurveillance pendant le temps scolaire pose des problèmes de protection de la personnalité qui ne sont pas éclaircis. On exclut que des caméras puissent filmer des enseignants au travail de quelque manière que ce soit». Quant à Jacques Daniélou, de la Société pédagogique vaudoise, il ne s’étonne pas franchement de ne pas avoir eu de réactions des enseignants: «A l’époque du cas de Lutry, nous avions du secouer les collègues. Ils ne s’opposaient pas aux caméras, et se disaient ‘tant que nous n’avons rien à nous reprocher…’»
Au contraire, constate le municipal aiglon Frédéric Pernet, suite à l’incendie déclenché par un ancien élève, «les enseignants sont plutôt rassurés» par les caméras. SDT