STRESS:
« Trouble psycho-organique suscité à la fois par une agression et par la réaction de défense à cette agression, souvent excessive, désordonnée, inadaptée et par là même nocive », (A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Supplément à l’édition de 1972). L’homme contemporain est « stressé », J. Rivolier, 1989, « son cerveau est anxieux »: est-ce bien nouveau ou faut-il y voir un fléaude la modernité?
Le physiologiste C.Bernard, 1878, introduit l’idée que tout être vivant doit conserver une certaine stabilité interne. Selye, 1956, décrit le stress sous le nom de « syndrome général d’adaptation ", l’ensemble des réactions des organismes devant faire face à des évènements aversifs. Malgré l’extension du modèle initial à une gamme de réponses, cette conception reste réductrice. Pour certains auteurs, c’est au contexte situationnel qu’il faut s’intéresser pour décrire objectivement les phénomènes de stress. Les sources de stress peuvent être les évènements de vie majeurs (stress aigu) et les tracas quotidiens (stress chronique) qui peuvent faire l’objet de mesure (échelle SRRSde Holmes et Rahe, 1967).
En première approche, on définit le stress avec P.R. Turcotte 1982, comme « le résultat de transactions entre la personne Francis Danvers et son environnement, sa source peut-être positive (opportunité) ou négative (contrainte) et avoir pour résultat la rupture de l’homéostasie psychologique ou physiologique. L’enjeu de la situation doit être important et sa résolution comporter une certaine dose d’incertitude. De plus, le stress déclenche des émotions et mobilise des énergies de l’organisme. Du côté des caractéristiques de l’individu, il semble important de tenir compte de ses habiletés et ressources, de même que de ses besoins et ses valeurs ». Dansles études consacrées au stress professionnel, on privilégie une conception interactionniste à travers un modèle Personne-Environnement. Le stress est une relation particulière entre la personne et l’environnement, relation qui est évaluée par l’individu et qui peut s’interpréter à travers un modèle transactionnel plus complet: « Transaction entre l’individu et l’environnement. .. selon un modèle multidimensionnel et interactionniste qui privilégie le rôle des interactions entre les facteurs affectifs, cognitifs, sociaux et physiologiques dans l’impact d’un événement sur l’organisme ». Pour Paulhan et E. Bourgeois, 1995, c’est le cas quand l’individu ne maîtrise plus la situation qui est évaluée « comme débordant ses ressources et pouvant mettre en danger son bien-être ", d’où l’expression d’un malaise de l’individu parce qu’il se découvre impuissant à faire faceà l’adversité.
Les facteurs de stress peuvent être d’ordre physique et psychologiques (les émotions, amour, jOie, haine, colère, compétition, et peur). Les expériences antérieures, la perception de ses propres capacités et la motivation modifient la façon de s’adapter au stress. Certains auteurs séparent stress positifs et stress négatifs, d’autres parlent de stress normal car c’est clairement une question d’adaptation à une situation donnée. On distingue « le dystress" : mauvais stress, celui que l’individu n’arrive pas à maîtriser par opposition à « l’eustress,,: le bon stress qui favorise la créativité et le changement. Le concept comportemental de stress (Lazarus et Folkman) a été précisé par trois catégories de coping : le coping centré sur la résolution de problème; le coping centré sur l’émotion; le coping centré sur la recherche du soutien social.
Les modèles bio-psycho-sociaux de la psychologie de la santé permettent d’envisager le développement de recherches pluridisciplinaires, notamment à propos du coût psychologique du travail, C.Dejours, 1998. Ainsi l’épuisement professionnel ou burn-out peut concerner des « professionnels de l’aide ", mal préparés aux aspects éprouvants de leur profession, à savoir la charge émotionnelle chronique impliquée par la prise en chargede personnes en difficulté, entraînant le recours à des stratégies d’adaptation inefficaces. Pour Floru et Cnockaert, 1998, le stress professionnel des travailleurs sociaux correspond au déséquilibre entre les exigences et les contraintes du travail d’une part et les compétences d’autre part. Le stress comporte trois phases: alarme, résistance et épuisement. Le burn-out, syndrome d’épuisement professionnel, correspond à cette troisième phase, qui est le résultat du sentiment d’incapacité de la personne à trouver une solution à un conflit lié à la perte de sens de son travail. Il s’agit pour Bernier, 1995,d’une « crise d’adaptation », d’une « crise de vie».
A l’ère du numérique, lasfargue, 2000, propose de mesurer « l’ergostressie)), c’est-à-dire « la combinaison fatigue physique, plus fatigue morale, plus stress, plus plaisir». À titre indicatif, un employé français reçoit 165 messages par jour en moyenne. On parle de « situation expérimentale de décompensation», lorsque les capacités d’adaptation du sujetsont éprouvées jusqu’à ce qu’il « craque».
Selon l’Association Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ARACT), un français sur trois dit travailler dans le stress. le stress est un phénomène complexe de par son caractère subjectif et le nombre important de causes contribuant à sa survenue. On peut citer en partie le travail (les conditions de travail, les relations interpersonnelles, la charge de travail. .. ), mais aussi les facteurs personnels (personnalité, coping …. ), et situationnels (évènements de vie … ). Les trois pathologies connues pour être liées à l’exposition au stress sont: les maladies cardio-vasculaires, la dépression, et les troubles musculo-squelettiques. En France, 2300 à 3600 décès par an sont dus au stress, selon les travaux de deux économistes de la santé, S. Béjean et H. Sultan-Taïeb, 2004. De nombreux chercheurs mettent en cause le management: « Qu’elles, soient pyramidales et donc rigides ou plates et donc fioues, les hiérarchies sont pourvoyeuses de stress», (Problèmes économiques n° 2518). le stress au travail précipite la survenue de troubles psychiatriques chez des individus auparavant en bonne santé, « ses effets pourraient varier en fonctiond’une susceptibilité génétique du salarié» (Le Monde du 22août 2007).
M.Bruchon-Schweitzer, 2002, montre que l’individu met en place des stratégies de coping, c’est-à-dire des stratégies d’ajustement qui lui permettent de faire face à des situations aversives.Pour définir ces processus, conscients et orientés, onemploie aussi les termes de comportements d’ajustement. Le coping peut être centré sur l’émotion, sur le problème, il peutêtre évitant ou vigilant. le coping est un processus acif, fluctuant et non un trait stable. Nous ne subissons pas passivementles évènements de notre vie. Nous élaborons des stratégies pour maîtriser ou tolérer une situation aversive.
Réactionnormale de l’organisme à une perturbation de son environnement, les effets d’un stress modéré peuvent dans certaines conditions être bénéfiques: « Des stress émotionnels légers, comme des entretiens d’embauche ou des examens scolaires, semblent bel et bien renforcer certainesfondions organiques, comme la mémorisation ou 533 l’immunité. Pour les autres types de stress, la recherche reste à faire», (Le journal du CNRS, n° 212, septembre 2007).