in le blog de Bernard Desclaux :
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Toujours suite à la déclaration de Vincent Peillon rapportée par sur le site d’Educpros j’ai proposé un premier article sur mon blog.
Jean-Maire Quairel a écrit l’article suivant. Il précise bien les éléments en question dans ce débat, c’est pourquoi je le propose dans mon blog.
Bref historique
Lâchés depuis plus de 20 ans par les Ministères successifs, les Conseillers d’orientation Psychologues et Directeurs de CIO sont à l’agonie : Recrutements en bernes, obligeant à faire appels à des centaines de contractuels non formés et budgets de fonctionnement misérables pour les CIO d’Etat, rendent la situation très difficile. Si on y ajoute le désengagement de nombreux CG de la gestion des CIO départementaux, associé à une mise en place chaotique et mal pilotée d’un nouveau Service Public d’orientation (SPO) en lien avec la loi sur « le droit à l’orientation tout au long de la vie », nécessitant une « labellisation » des organismes concernés, tous les ingrédients sont réunis pour créer les conditions d’une situation totalement délétère. Le contexte de dérégulation libérale de l’économie et de la finance, entraînant logiquement une méfiance des acteurs de la formation à l’égard des évolutions proposées, augmente un peu plus les enjeux autour de l’orientation des jeunes. Au-delà des valeurs humanistes, toujours portées par les services d’orientation, qui sont à l’opposé des dérives observées et qui doivent être rappelé avec force, il me semble q’une attitude « d’ouverture vigilante » s’impose, de préférence à une opposition systématique, ne serait ce qu’en raison d’un rapport de force qui n’est pas favorable aux services.
En 2003, une première tentative de « régionalisation » des services d’orientation de l’EN, conduite à la hussarde par Luc Ferry, a très normalement échoué, suite à la juste mobilisation de l’ensemble de la profession et au soutien des enseignants. Il s’en est suivi plusieurs années de dénigrement et de déstabilisation des personnels, à travers une multitude de rapports assimilant abusivement le dysfonctionnement du système éducatif (élitisme, orientation par l’échec, difficultés d’insertion du jeune) aux pratiques des COP. Il faut se rappeler aussi que le « désamour » entre le Ministère et les COP, depuis plus de 20 ans, a pour origine, en partie, une affaire familiale concernant un conseiller du Ministère (toujours en activité) qui s’est emparé de la « dérive psychologisante » d’une petite minorité, pour en faire une affaire d’état, et dénigrer l’ensemble de la profession. C’est de la petite histoire, mais qui met en lumière le manque anormal de confiance du ministère en ses fonctionnaires et l’absence totale d’une « politique de l’orientation » digne de ce nom … Et cela n’a pas changé depuis … A quoi peut tenir l’avenir d’un service !
Aujourd’hui
C’est donc dans un contexte particulièrement mal engagé, qu’arrivent les propositions du Ministère de Vincent Peillon, suite à la concertation sur la « refondation de l’école » :
Une double tutelle, Ministérielle pour ce qui concerne les activités des COP en établissements scolaires et Régionale pour les activités en CIO.
Une telle organisation, originale, est elle viable, sans remise en question du statut des personnels et de leurs missions ? A moins de laisser le choix aux COP, ce qui signifierait un éclatement du corps.
Il va falloir que les Syndicats et les organisations représentatives de la profession, fassent preuves de lucidité, de vigilance et de responsabilité. Ils sont malheureusement divisés sur l’avenir des services et sur les missions :
- Le SNES, majoritaire et affilié à la FSU, défend historiquement, la dimension de « psychologue de l’éducation » pour le COP, dans le cadre d’un « grand service de Psychologie scolaire de la maternelle à l’université » ; il récuse aussi l’inclusion de la formation initiale dans la loi sur « le droit à l’OTLV ».
- Le SGEN-CFDT, de part sont appartenance à une confédération ouvrière, est plus sur une ligne qui situe le COP comme un psychologue du « Conseil en orientation » pour tous les publics, scolaires ou non, et considère qu’il ne peut pas y avoir de « COP sans CIO ». Il pense que la loi « OTLV » est une chance pour les CIO et les personnels, si on sait y faire respecter quelques principes qui fondent la profession.
- L’UNSA se rapproche plutôt du SGEN, avec des nuances. SUD et FO, très minoritaires, sont pour le statu quo, occultant apparemment les positions des ministères successifs qui nous ignorent.
- Schématiquement, l’ACOP-F ( Association des COP ) est proche des positions du SNES tout en essayant de maintenir un difficile œcuménisme , alors que l’ANDCIO ( Association nationale de Directeurs de CIO ) se rapproche plus de celle du SGEN et de l’UNSA .
Compte tenu d’un contexte où « la refondation de l’école ne semble pas envisager la création d’un « grand service public de psychologie scolaire », confirmant en cela le refus d’un apport significatif de « psychologues- fonctionnaires » dans le champ éducatif , on peut avoir le sentiment que, dans ce qui n’est qu’un projet, le Ministère a essayé de concilier les positions, au risque de mécontenter surtout le syndicat majoritaire :
- Au SNES, la réaffirmation de l’établissement scolaire comme lieu d’exercice privilégié des COP et leur gestion administrative par le Ministère ;
- Au SGEN, la reconnaissance de l’existence des CIO dans le nouveau SPRO et une conception « tous publics » de la pratique des COP .
Mais beaucoup de points restent flous, en particulier le Statut des COP et Directeurs de CIO et leurs missions, redéfinies pourtant, après négociations en 2010. Il faut vérifier, juridiquement, ce qui peut empêcher de conserver le statut sous sa forme actuelle, dans le cadre du projet Ministériel. Un aménagement, sans bouleversement total, est sans doute envisageable.
Enjeux et nécessités
Ceux pour les personnels sont, de fait, indissociables de ceux pour le Public.
En effet, on peut les résumer ainsi :
Nécessité du maintien des CIO comme lieux de référence pour les COP afin de leur garantir une indépendance vis-à-vis des pressions des établissements scolaires et des branches professionnelles, ainsi qu’une maîtrise de leurs outils et de leurs pratiques.
Nécessité de garantir aux différents Publics, scolaires ou non, une neutralité et une objectivité des informations sur les études et les professions (importance de la référence ONISEP), impliquant le maintien d’ une formation professionnelle des COP, hors des influences du secteur privé.
Nécessité pour les COP et Directeurs de pouvoir se référer à un cadre éthique et déontologique rigoureux, incluant, entre autres, le secret professionnel. Ce code, s’inspirant de celui des Psychologues récemment révisé, est peut être à inventer pour donner une assise forte à la profession.
Nécessité de bien clarifier les liens hiérarchiques, surtout s’ils sont différents et de bien délimiter les limites des pratiques et des missions pouvant être demandées aux COP et Directeurs de CIO, par l’une ou l’autre des hiérarchies.
Nécessité de bien définir le fonctionnement des partenariat entre CIO et autres partenaires, au sein du futur SPRO (labellisé ou non). Le champ d’activité de chacun et les pratiques spécifiques. Une mutualisation pouvant alors s’envisager, en respectant les identités de chacun et dans le cadre d’un pilotage qui ne pourra être que collégial.
Perspectives
Si ces nécessités sont prises en compte et concrétisées dans la future organisation qui se dessine et dans les textes qui devraient l’encadrer, alors un avenir existe pour les CIO, les COP, Directeurs et Personnels administratifs. Un avenir et une reconnaissance sans doute supérieure à celle qu’ils vivent depuis trop longtemps, car ils ne tarderont pas à faire valoir leurs compétences et « valeurs ajoutées » comparativement à des organismes et à des professionnels plus ou moins solides, qui gravitent dans le champ de la formation et de l’insertion. C’est peut être une chance historique à ne pas manquer, sachant que la situation ne peut pas être pire qu’aujourd’hui, sauf peut être, dans deux cas de figures :
Le non respect des nécessités que j’ai tenté de formaliser plus haut qui entraînerait la dissolution des CIO dans un conglomérat insensé et la perte de professionnalité des COP, des Directeurs et des PA.
Le refus de toute évolution et le replis des COP dans les établissements scolaires, qui entraînerait la disparition des CIO (par désengagement prévisible de l’état) et la lente absorption des COP, sous l’autorité des chefs d’établissements, dans les équipes éducatives, par assimilation de leurs pratiques à celles des établissements : Je ne crois pas à la place et au sens d’une pratique de Psychologues à l’intérieur d’un système qui n’est pas organisé en conséquences… Il n’est alors question, en fin de compte et malgré des exceptions, que de le pérenniser.
D’autres changements nécessaires
En résumé :
Il faut rester ferme sur la qualification professionnelle, l’éthique et la déontologie : il y a des pratiques qui ne pourront pas être imposées.
Le scénario qui se dessine n’est pas le pire : Si on doit dénoncer le désengagement de l’Etat, qui pouvait faire de l’axe « aider les jeunes et tous les publics à mieux s’orienter » un pivot de la « refondation de l’école », le pire des scénarios serait la disparition des CIO et la fin, en pente douce, des COP dans les établissements, aux ordre des Principaux et des Proviseurs.
Toutefois, soyons sans illusions sur les améliorations que pourraient apporter cette nouvelle organisation de l’Orientation. Il s’agit de la partie visible du système … Plus d’informations sur les études et leurs débouchés, même régionalisées, ne régleront pas les problèmes de décrochages scolaires et d’insertion des jeunes. Si l’on ne s’attaque pas aux causes structurelles qui affectent la formation et le monde du travail, rien ne changera vraiment. La « Refondation de l’école » devrait créer les conditions de changements positifs concernant, les programmes, les méthodes pédagogiques, l’évaluation/notation, les procédures d’orientation, la place des parents, pour une école plus démocratique et égalitaire… Une organisation du travail enfin respectueuse des personnes, devrait permettre d’améliorer l’image des métiers et de les rendre plus désirables pour les jeunes.
Ce sont là les questions fondamentales pour l’avenir … Les COP et Directeurs de CIO, devraient plus croire en eux et apporter leur énergie, leurs compétences et leurs valeurs d’appartenance au service public, pour contribuer à y répondre.
Jean-Marie Quairel , Directeur de CIO Honoraire
Avignon le 22/10 / 2012