ANALYSE Par Philippe Bluteau, avocat à la cour
Après avoir suscité un fort courant d’opposition parmi les maires, la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire a donné lieu à de multiples contentieux, dans l’urgence, puis au fond, permettant de préciser les conditions d’application de ce texte. A ce jour, le juge administratif semble avoir posé sa jurisprudence: un refus de principe d’appliquer le service minimum d’accueil (SMA) pourra être, en urgence, suspendu, la commune se voyant enjointe d’organiser ce service en lien avec l’Etat ; pour autant, des difficultés d’organisation ponctuelles et matérielles, dûment établies, pourront permettre aux maires de bonne foi d’échapper à cette censure.
I. Les raisons de la colère: le service minimum d’accueil
La loi du 20 août 2008 a inséré dans le Code de l’éducation, aux articles 1.133-1 à 1.133-12, un nouveau dispositif consacré à l’accueil des élèves dans les écoles. Le texte commence par poser un principe général selon lequel « tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique ou privée sous contrat est accueilli pendant le temps scolaire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes» et « bénéficie gratuitement d’un service d’accueil lorsque ces enseignements ne peuvent lui être délivrés en raison de l’absence imprévisible de son professeur et de l’impossibilité de le remplacer». Ici, il n’est pas question de grève (dûment précédée d’un préavis): c’est l’Etat qui garde l’entière responsabilité de l’accueil des enfants.
1. Les conditions d’intervention de la commune
D’une part, la commune n’est chargée de l’accueil des enfants que dans le cas où une grève légale touche les écoles publiques. Dans le cas des écoles privées, l’Etat ou l’organisme de gestion de l’établissement demeurera compétent. D’autre part, la commune ne doit mettre en place le service d’accueil des élèves d’une école publique située sur son territoire que si le nombre des personnes qui « ont déclaré leur intention de participer à la grève» est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d’enseignement dans cette école. La loi introduit l’obligation, pour tout enseignant du primaire, de déclarer à l’autorité administrative, au moins quarante-huit heures (comprenant au moins un jour ouvré) avant de participer à la grève, son intention d’y prendre part.
A Noter
La commune ne sera jamais chargée du SMA si elle l’a, au préalable, confié par convention à une autre commune, à un EPCI ou à la caisse des écoles (à la demande du président de la caisse dans ce dernier cas) ou si elle l’a transféré à un EPCI compétent à la fois pour le fonctionnement des écoles et l’accueil des enfants hors temps scolaire.
2. Le contenu des obligations
Le maire doit tout d’abord établir une liste des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil « en veillant à ce qu’elles possèdent les qualités nécessaires» non seulement pour « accueillir» mais aussi pour « encadrer » des enfants. Cette liste est transmise à l’autorité académique qui vérifie, dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes que ces personnes ne figurent pas dans ledit fichier. Lorsque l’autorité académique est conduite à écarter certaines personnes de la liste, elle en informe le maire sans en divulguer les motifs. Cette liste est alors transmise pour information aux représentants des parents d’élèves élus au conseil d’école. Les familles doivent ensuite être informées, par la commune, des modalités d’organisation du service d’accueil. La commune peut accueillir les élèves dans les locaux mêmes des écoles maternelles et élémentaires publiques, y compris lorsque ceux-ci continuent d’être utilisés en partie pour les besoins de l’enseignement.
Attention
Il ne s’agit évidemment pas de délivrer des cours aux enfants, ce jour-là, ni même de les distraire: la commune n’est tenue que de les accueillir et de les surveiller.
3. Une responsabilité personnelle du maire
Dès lors que la commune doit assurer le service d’accueil des élèves, toute négligence du maire quant aux conditions de son organisation (ou, pire, tout refus de principe de la part du maire d’organiser ce service) pourrait entraîner l’engagement de sa responsabilité pénale personnelle, sur le fondement de l’article 121-3 du Code pénal. En cas de dommage corporel subi par un enfant du fait de cette négligence (insuffisance du personnel d’encadrement, vétusté des locaux choisis pour l’accueil, etc.), les parents pourraient porter plainte.
A noter
Afin d’accorder une certaine souplesse aux maires quant aux choix des personnes désignées pour assurer le service, la loi n’exige pas que ces personnes disposent de diplômes ou de qualifications précis. Mais en cas de dommage subi par un enfant du fait de l’incompétence d’une personne chargée de leur accueil, la responsabilité pénale personnelle du maire pourrait être engagée…./…..
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