PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Jol Press – le 2 septembre 2013 :

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Finie, la semaine de quatre jours ! À la rentrée 2013, près d’une école sur cinq va passer à la semaine de 4,5 jours. Sur les 6,7 millions d’écoliers français, 22% d’entre eux vont en effet connaître cette année une nouvelle réorganisation de leur temps de travail. Mais comment organiser au mieux leur emploi du temps ? Entretien avec François Testu, chrono-psychologue spécialiste des rythmes scolaires.

Une salle de classe en 1899 © William James Topley / Library and Archives Canada / flickr-cc
JOL Press : Quel est l’avantage pour un enfant d’avoir des jours de travail moins denses ?

François Testu : Les enfants sont plus à l’écoute de ce qu’on leur propose pendant le temps scolaire. Dans la semaine de 4,5 jours, il est important de respecter au mieux la rythmicité journalière, c’est-dire les temps forts et les temps faibles de l’enfant.

Des journées moins denses permettent de ne pas charger la pause méridienne, de commencer un peu plus tard si c’est possible, d’essayer de placer dans la matinée les activités les plus sollicitantes intellectuellement et physiquement, et en début d’après-midi les activités les moins sollicitantes.

Surtout, au niveau de la semaine, cela permet de générer une régularité qui faisait défaut dans la vie des enfants, dans la mesure où, avec la semaine de 4 jours, les enfants avaient deux coupures, celle du mercredi et celle du week-end, plus ou moins bien vécues selon le milieu social de l’enfant. Cette régularité permet également de respecter un peu plus le sommeil des enfants.

JOL Press : N’est-il pas nécessaire d’avoir une grosse coupure en milieu de semaine ?

François Testu : Si l’on tient vraiment à avoir une coupure d’une journée, il faut dans ce cas travailler le samedi matin. Le problème des grosses coupures, notamment le week-end, se pose surtout pour les enfants à qui l’on ne propose pas d’activités extra-scolaires. L’idéal, dans la semaine de 4,5 jours, serait de choisir plutôt le samedi matin pour éviter ainsi la trop longue coupure du week-end.

JOL Press : Pour un enseignant, quel est l’avantage de la semaine de 4,5 jours ?

François Testu : L’avantage, c’est évidemment qu’il peut faire en 4,5 jours ce qu’il faisait en 4 jours. Il y avait une pression, une tension pour l’enseignant : le climat est moins détendu, l’écoute est moins bonne, les enfants sont moins attentifs, moins performants.

L’enseignant peut y gagner, même si je sais qu’il y a des problèmes matériels qui se posent, puisqu’au lieu de faire huit demi-journées de travail il en fait désormais neuf. Cela pose des problèmes matériels, notamment à Paris et dans quelques grandes villes, quand les enseignants ne sont pas sur place et habitent loin.

Mais là, il faut choisir : est-ce que l’on privilégie le bien de l’enfant ou celui de l’enseignant ? L’idéal bien sûr, c’est de choisir les deux.

JOL Press : Quels sont les moments de la journée où un enfant est le plus concentré ? Et le moins ?

François Testu : Cela va dépendre de l’âge. Si l’on prend les plus âgés, en CM1-CM2, il y a deux périodes favorables pour proposer des activités sollicitantes : la deuxième partie de la matinée, et la deuxième partie de l’après-midi.

Les deux moments qui sont moins propices, car ce sont des moments de remise en route ou de fatigue, sont le début de la matinée et après le déjeuner.

Chez les petits (6-7 ans) le pic de performance sera plutôt vers 11h30 plutôt que midi, comme on pouvait le voir chez les plus âgés. Plus l’enfant vieillit, plus tard arrive le pic de performance du matin.

JOL Press : Faut-il selon vous réorganiser le temps de travail journalier ?

François Testu : Même si l’on tient compte de ce que j’ai dit plus haut, il y a toujours des contraintes matérielles.

Malgré tout, si l’on essaie de se rapprocher au mieux de l’emploi du temps idéal, il faudrait commencer plus tard pour laisser plus de temps de sommeil aux plus jeunes le matin, proposer dès l’entrée en classe des activités plus ludiques, plus socialisantes, d’éveil, qui permettent de remettre en route le cognitif chez les plus jeunes, pouvoir occuper la salle de sport dès qu’elle est disponible, proposer des activités novatrices… Mais on est en bonne voie, puisque beaucoup d’activités complémentaires, qui n’existaient pas, vont se développer autour de l’école.

L’emploi du temps idéal, ça serait aussi de libérer les enfants dans l’après-midi, et de trouver des éducateurs ou des formateurs, non enseignants, qui prennent le relais, qui soient installés dans des locaux qui ne soient plus l’école mais d’autres structures. Il faut aussi développer tout ce qui est périscolaire, et qui peut favoriser la culture et l’éducation des jeunes.

JOL Press : Faudrait-il accorder plus d’importance aux activités extra-scolaires ?

François Testu : Oui, bien sûr. Et on en a les moyens : on a la chance d’avoir un très grand réseau associatif autour de l’école, qui a déjà pris en charge beaucoup d’activités (loisirs éducatifs, sport, culture…). Il faudrait donc petit à petit pérenniser cette situation.

JOL Press : La France est-elle à la traîne en matière de rythmes scolaires par rapport à ses voisins européens ?

François Testu : Non, elle n’est pas à la traîne. La France était peut-être l’un des rares pays à avoir posé le problème en disant « attention, les aménagements du temps scolaire, tels qu’ils ont été conçus il y a cent ou cent-cinquante ans, ne correspondent pas tout à fait aux besoins de l’enfant ».

La France a compris que si l’on proposait des aménagements et des contenus adaptés, si l’on avait des enseignants qui étaient sensibilisés à cette question, on gagnerait en élasticité et en réussite. Il y a quatre, cinq ans, oui, on était à la traîne. Aujourd’hui, il y a une volonté de changer les choses.

Mais ce n’est pas un phénomène politique, de droite ou de gauche; cela s’est déclenché il y a quelques années quand la Commission parlementaire de l’Education s’est réunie parce qu’elle voyait que la France faisait fausse route en matière de rythmes scolaires. Et la question s’est posée aussi bien à droite qu’à gauche ou au centre.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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François Testu est chronopsychologue, spécialiste des rythmes de l’enfant, et professeur de psychologie à l’université François-Rabelais de Tours. Il est l’auteur de Rythmes de vie et rythmes scolaires, Masson, 2008.

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