Face à la pénurie d’enseignants en Seine-Saint-Denis (93), l’Education nationale a fait appel à Pôle Emploi pour recruter. Explications avec Béatrice Gille, rectrice de Créteil.
Pourquoi avoir fait appel à Pôle Emploi pour pallier le manque d’enseignants dans le premier degré en Seine-Saint-Denis ?
La situation s’améliore mais nous devons faire face à un léger déficit de recrutement d’enseignants titulaires. Les concours ont un peu moins bien fonctionné dans l’académie qu’ailleurs. Pour faire face au manque d’enseignants dans le primaire, nous recrutons déjà les contractuels de l’année précédente, ceux qui ont donné satisfaction et qui sont de nouveau disponibles. Dans un second temps, nous traitons les candidatures spontanées. Puis, nous faisons aussi appel à Pôle Emploi, l’organe public qui est là pour mettre en relation les employeurs et les demandeurs d’emploi. Mais soyons clair, ce n’est pas Pôle Emploi qui recrute ! Il nous présélectionne des dossiers.
La campagne de démarchage de Pôle Emploi, par téléphone, a-t-elle permis d’améliorer la situation ?
Pôle Emploi a ses propres méthodes de démarchage, ce n’est pas une demande de l’Education nationale de procéder par téléphone. Au bout du compte, nous n’avons reçu qu’une petite cinquantaine de dossiers de candidats potentiels. Faire appel à Pôle Emploi est pour nous une manière d’optimiser nos chances d’avoir de bons dossiers, c’est-à-dire des candidats motivés et avec le niveau de diplôme requis. Aujourd’hui, la situation est stabilisée en emplois, mais nous continuons de recruter pour anticiper d’éventuels remplacements à venir : l’hiver, il y a souvent des absences pour maladie, spécialement au sein d’une population jeune qui a souvent des enfants en bas âge.
Est-il judicieux de recruter des enseignants contractuels titulaires, au mieux, d’une première année de Master, mais sans formation pédagogique spécifique ?
Ce que je souhaite c’est que l’on recrute le maximum d’enseignants sur concours, après un master MEEF et déjà une première expérience de gestion de classes. Mais à partir du moment où il nous reste des postes à pourvoir, nous essayons de trouver les meilleurs candidats, avec un Master 1 ou une Licence au minimum, de la motivation et la capacité à faire cours. Sachant qu’ils peuvent passer les concours internes au bout de cinq ans. A la marge, comme dans tous les métiers, il y a quelques contractuels avec qui l’expérience peut s’avérer être un échec losqu’ils appréhendent la réalité du métier. Nous sommes, en tout cas, très attentifs. Et cette méthode de recrutement n’est que temporaire, pour répondre à l’urgence.
Les enseignants contractuels bénéficient-ils d’un accompagnement spécifique ?
Pour ceux qui sont déjà en classe, une formation leur est proposée le mercredi après-midi. Pour les autres, recrutés par anticipation, nous allons leur proposer aussi une formation. Les conseillers pédagogiques des circonscriptions viennent les accompagner au plus tôt dans les classes. Et en Seine-Saint-Denis, nous avons souhaité mettre en place des maîtres d’accueil temporaires, c’est-à-dire des enseignants plus expérimentés pour les épauler.
Quelles mesures allez-vous prendre pour rendre le département plus attractif aux yeux des enseignants ?
Nous travaillons sur ce sujet, mais nous ne sommes pas le seul service public de Seine-Saint-Denis à avoir des difficultés de recrutement. Le département souffre d’un déficit d’attractivité, en général. Je souhaite que les jeunes de Seine-Saint-Denis aient le même service d’éducation que les autres. Pour cela, nous sommes en train d’étudier les remèdes possibles pour qu’à la rentrée 2015, nous puissions recruter le mieux possible sur concours.
La ministre Najat Vallaud-Belkacem a dit souhaiter que le concours de professeurs des écoles soit réformé et que les aspirants enseignants passent le concours dans plusieurs académies. Ne faut-il pas aller plus loin en proposant, par exemple, un système de bonification ?
La question s’est posée pour tous les services publics touchés par un déficit d’attractivité. Et je ne suis pas sûre, spécialement dans le monde de l’éducation, que les bonifications soient suffisantes. Beaucoup de jeunes passent le concours dans leur région d’origine pour y enseigner ensuite. Nous essayons donc d’analyser précisément tous ces paramètres, pour déterminer nos leviers d’action pour augmenter le recrutement.
Comment expliquez-vous que, d’une part, les nouveaux professeurs des écoles dans le 93 n’aient été informés de leur affectation que quelques jours avant la rentrée et que, d’autre part, des dizaines de contractuels n’ont pas reçu leur salaire de septembre ? Les syndicats pointent du doigt une administration « débordée »…
Nous comptons 4000 enseignants stagiaires dans l’académie de Créteil, ce n’est pas rien ! Les vœux des enseignants sont retravaillés à partir du 15 août. Nous remettons à plat tous les circuits pour voir ce que l’on peut améliorer. Concernant les salaires, nous avons eu une difficulté technique sur la paye qui est maintenant résolue. Les enseignants contractuels qui n’ont pas été payés en septembre, le seront d’ici la fin de cette semaine. Toutefois, certains n’ont pas bien remplis leur dossier : nous les sollicitons donc individuellement et les poussons à se mettre en règle pour être payés, au plus tard, fin octobre. Et pour ceux qui éprouveraient toujours des difficultés, nous allons mettre en place un dispositif d’aides.
Charles Centofanti
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