Georges Fotinos, chercheur, ancien Inspecteur général de l’éducation nationale (Igen) en charge du dossier des rythmes scolaires, estime qu’il y a urgence à alléger le calendrier scolaire :
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Est-ce la priorité de modifier les rythmes scolaires avant même de revoir le contenu des programmes ?
Il y a urgence et pour une raison simple : en 2000, l’école française figurait parmi les bons élèves de l’Europe. Depuis, la France s’enfonce dans les profondeurs des études Pisa. L’urgence est d’autant plus grande que l’aménagement du temps scolaires mené entre 1984 et 1998 a montré qu’il s’agit d’un levier du changement. La réforme des rythmes scolaires est une amorce : à partir du moment où l’on modifie l’organisation de la journée d’école et du calendrier annuel, les programmes et les pratiques pédagogiques ne peuvent plus être les mêmes. Une réforme réussie passe par le travail en commun des enseignants et des animateurs professionnels, chargés des activités sportives et culturelles. Cette fertilisation croisée crée ce cercle vertueux de la réussite des apprentissages, avec un phénomène de "transfert". En clair, si certains élèves s’épanouissent en musique par exemple, leur technique musicale les aidera ensuite à mieux réussir dans d’autres disciplines.
Pourquoi le dossier des rythmes scolaires est-il le "cactus" de chaque nouveau ministre de l’Education nationale ?
L’illustration la plus évidente, ce sont les grèves nationales que suscite ce dossier. Modifier les rythmes scolaires, c’est toucher à la vie familiale des Français et à l’économie du pays. Le dossier est explosif car les intérêts sont contradictoires. Il est courageux de s’atteler à cette tâche. Peu de ministres l’ont fait. Parmi les premiers qui ont osé, Philippe Seguin a mené une expérience éclairante dans sa ville d’Epinal : en réduisant la durée de la journée scolaire, le calendrier annuel s’est allongé de 12 jours en moyenne pour les enseignants. Malgré cela, aucune équipe enseignante n’a souhaité revenir en arrière car chacun trouvait ses conditions de travail améliorées. Un vrai aménagement du temps scolaire bénéficie autant aux élèves qu’aux enseignants !
Un compromis vous semble-t-il possible ?
Je pensais que nous étions sur le point d’aboutir car en 2011 déjà, lors de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires pilotée par Luc Chatel, nous avions rendu un rapport au ministre dans lequel nous préconisions une journée d’école moins lourde, avec l’arrêt du temps scolaire à 15h et un accompagnement éducatif jusqu’à 17h. Les principaux syndicats enseignants étaient d’accord sur les grandes lignes de ce changement… Les inquiétudes "identitaires" des enseignants comme celles du monde de l’industrie touristique sont légitimes mais ne doivent pas faire oublier que l’objectif premier est la réussite de l’élève. Le compromis est donc inévitable. Son meilleur fil rouge serait de lier les ajustements du temps scolaire quotidien et hebdomadaire aux modifications du temps scolaire annuel.
Etes-vous finalement favorable à la réforme portée par le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon ?
Globalement, c’est un progrès certain. Cependant Vincent Peillon aurait dû montrer davantage que l’aménagement de la journée scolaire et de la semaine est intimement lié à celui du calendrier annuel. De plus, les décisions prises me semblent timides. Il faudrait que la journée scolaire puisse, selon les projets locaux, se terminer à 15h et non à 15h30 ou 16h et que la complémentarité des enseignements avec les activités périscolaires soit plus affirmée. La situation économique actuelle rend la marge de manœuvre limitée. Malgré cela, il faut avancer. Promouvoir une pédagogie de coopération plutôt qu’une pédagogie de la concurrence apparaît comme l’autre levier de ce changement. Je trouve aussi que la loi et le décret ne promeuvent pas suffisamment l’innovation. Actuellement, ils ne permettent pas de toucher au calendrier annuel, pourtant essentiel, ni de concevoir la durée du temps scolaire en fonction de l’âge des enfants. Le principe de l’organisation en "7/2", qui ne m’est pas étranger, soit environ sept semaines travaillées suivies de deux semaines de congés tout au long de l’année scolaire, est aujourd’hui accepté par tous. Ne serait-ce pas la base du compromis nécessaire qui, avec le choix d’une journée allégée, devrait alors reconsidérer le nombre de zones et de petites vacances ainsi que la durée de l’année scolaire ?
Charles Centofanti