In Vous Nous Ils – l’e-mag de l’éducation – le 15 mars 2013 :
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En pleine polémique sur la réforme des rythmes scolaires, l’Académie nationale de médecine (ANM) critique des revendications qui placent les intérêts des adultes avant ceux de l’enfant. Entretien avec le Professeur Yvan Touitou, chronobiologiste, membre de l’ANM et ancien Président de l’Académie de Pharmacie.
Comprenez-vous que la réforme sur les rythmes scolaires, et notamment le retour à la semaine de 4,5 jours, se heurte à autant de résistances ?
Non et je le comprends d’autant moins que plusieurs concertations avec tous les acteurs concernés ont déjà eu lieu. A chaque fois, on en arrive aux mêmes conclusions : il faut revenir à la semaine de quatre jours et demi. Les enseignants semblaient d’accord et maintenant ils changent d’avis… C’est difficile à comprendre !
En quoi une demi-journée d’école supplémentaire sera-t-elle bénéfique ? Est-ce vraiment l’essentiel ?
La France est le seul pays d’Europe, peut-être même du monde, à appliquer la semaine d’école de 4 jours ! Preuve qu’il y a bien un problème, la France rétrograde à chaque étude PISA consacrée à la qualité du système scolaire. Revenir à 4,5 jours en allégeant la journée scolaire règlera d’une part un certain nombre des problèmes de l’enfant à l’école, en diminuant notamment leur stress. D’autre part, la semaine de 4 jours, mise en place en 2008, entraîne deux jours libres d’affilée par semaine. Cela ne poserait pas de problème si les enfants se couchaient à la même heure tous les jours de la semaine, à plus ou moins 2h près le vendredi et le samedi soir. Mais ce n’est pas le cas ! Tous les enseignants le constatent : beaucoup d’enfants sont « désynchronisés » le lundi toute la journée et le mardi matin. Ils baillent ou somnolent en classe…
Pour ne pas créer de cassure trop importante, il faut récupérer une demi-journée d’école, avec une préférence pour le samedi matin. Si c’est le mercredi matin, il faudrait alors mettre en place une sorte « d’école des parents » pour montrer qu’il existe des bornes du sommeil à respecter, avec des heures de coucher et de lever régulières.
Les parents sont, selon vous, les principaux fautifs ?
Je ne blâme personne mais beaucoup de parents ne veillent pas suffisamment à l’heure du coucher de leurs enfants. Or le rythme de l’enfant doit être central dans la réflexion. Les contre-arguments, qu’ils soient économiques ou organisationnels, ne tiennent pas. Nous sommes en face de désidératas d’adultes qui deviennent égoïstes par rapport à leurs propres enfants.
La réforme vous semble-t-elle, au final, respecter le rythme biologique de l’enfant ?
La réforme des rythmes scolaires reprend pour l’essentiel les préconisations faites dans le dernier rapport de l’Académie de médecine intitulé "Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant". Nous ne pouvons que nous en satisfaire ! C’est la première fois en 30 ans qu’un ministre de l’Education nationale suit nos recommandations.
N’est-il pas paradoxal de préconiser la fin du temps scolaire vers 15h alors que vous dites justement qu’il y a un regain d’attention des élèves en milieu d’après-midi ?
C’est exact, il y a deux temps importants pour la concentration : en milieu de matinée et en milieu d’après-midi. Après 15h, quand les élèves quittent leur enseignant, on peut très bien imaginer un temps consacré aux devoirs. Car il n’est pas question d’organiser une garderie mais de mettre en place du périscolaire, dont le contenu doit être laissé à l’appréciation des communes et des établissements, selon les problématiques locales.
Vincent Peillon propose de réduire à six semaines la durée des vacances d’été. Est-ce une bonne idée ?
Oui et c’est logique. La première étape était de s’occuper de l’organisation de la journée à l’école. Le reste suivra automatiquement. Les écoliers français n’ont que 144 jours d’école par an, c’est ridicule comparé à la moyenne européenne de 180 jours ! Il faut mieux répartir l’année scolaire et pour cela, il est préférable de ne pas toucher à l’alternance 7 semaines d’école/2 semaines de congés mais de rogner un peu sur les grandes vacances.
Charles Centofanti