In L’Express – le 27 septembre 2013 :
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La grogne montante autour de la réforme Peillon dénote d’une forme d’amnésie de la part de l’UMP, de certains syndicats et des fédérations de parents. Décryptage.
Le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon fait face à une vague de protestations pour sa réforme des rythmes scolaires, une réforme promise par la droite, réclamée par les syndicats, et concrétisée par la gauche.
afp.com/Bertrand Guay
C’est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock. La réforme des rythmes scolaires n’en finit pas d’alimenter le "mécontentement" de l’opinion et d’embarrasser ce pauvre Vincent Peillon, qui pour sa première rentrée, se faisait plutôt discret. "Ce n’est pas le bon rythme! Les enfants sont fatigués" titre ce matin Le Parisien. Jean-François Copé, dont la connaissance des questions scolaires est très relative, se prend d’intérêt pour les rythmes biologiques des enfants, et réclame un report de la réforme. Les syndicats, épaulés par la FCPE, font le coup de la menace, à grand renfort de communiqués alarmistes. "Pagaille", "catastrophe annoncée", "sécurité des enfants mise en cause".
Ces procédés tiennent en partie de la manipulation de l’opinion, sous couvert, encore une fois, de "l’intérêt des enfants". Rappelons simplement quelques faits. Les élections municipales se tiendront dans six mois. La droite a donc beau jeu d’essayer de faire du report d’une réforme, qu’elle a elle même initiée, un thème de campagne. Qui a commandé dès 2011 un rapport d’expert sur les rythmes scolaires, concluant à la nécessité retour à la semaine de 4 jours et demi? La droite, en la personne du ministre Luc Chatel, bras droit de… Jean-François Copé. Qui a installé une conférence nationale des rythmes scolaires, plaidant pour un rééquilibrage de la semaine en primaire, unaniment salué par les syndicats? Encore Luc Chatel.
Est-il utile de citer les travaux des chronobiologistes ou ce rapport de 2010 de l’Académie de médecine qui pointe "le rôle néfaste de la semaine de quatre jours sur la vigilance et les performances des enfants", et recommande "4,5 à 5 jours de classe par semaine"?
Syndicats frappés d’amnésie
Les syndicats ne sont pas moins hypocrites ou amnésiques dans cette affaire. Retour en 2007. Lorsque Xavier Darcos décide subitement, le 28 septembre, de supprimer le samedi matin à l’école dès la rentrée 2008, il le fait avec la bénédiction du Snuipp-FSU. Cela n’empêche pourtant pas le même Snuipp de dénoncer, cinq ans durant, "le bouleversement du rythmes des enfants" et des apprentissages, des semaines coupées le mercredi, des enseignants épuisés par la demi-heure d’accompagnement ou de soutien qu’ils accomplissent sur le temps du déjeuner. Selon un sondage du 31 janvier 2008 réalisé par le Snuipp, 62% des enseignants sont pour la suppression du samedi matin, mais refusent de rattraper les heures sur la semaine.
"Les observations des enseignants des écoles, les conclusions de l’Académie de médecine comme l’avis de nombreux spécialistes mettent en avant le décalage entre les rythmes de l’enfant et l’organisation de la journée, de la semaine ou de l’année scolaire", écrivait encore le Snuipp dans un communiqué du 7 juin 2010, pour l’installation de la conférence nationale sur les rythmes scolaires. De son côté, la FCPE, exigeait le même jour "un maximum de cinq heures de classe par jour dans le premier degré". Une recommandation que Vincent Peillon a suivie à la lettre. Le mouvement de "résistance pédagogique", qui agrégeait des enseignants de Sud-Education notamment, réclamait pour sa part l’abollition de la semaine de quatre jours, une journée scolaire "absolument inférieure à six heures par jour, et qui ne doit pas se prolonger par du travail à la maison". La réforme Peillon ne dit pas autre chose.
Il faut croire que les temps ont changé. La perspective des élections de parents d’élèves le 12 octobre prochain, pourrait sans doute expliquer ce revirement de la première fédération de parents? Les élections professionnelles de 2014 contraindraient-elles certaines organisations syndicales à montrer les muscles, au mépris de la constance et de la cohérence de leurs positions? Cela commence à se voir. Le grand perdant de ces grandes manoeuvres, outre un ministre déjà fragilisé, c’est l’enfant.