Rentrée 2014 : la réforme des rythmes scolaires concerne donc tous les écoliers, à de rares exceptions près. Si une poignée d’irréductibles élus frondeurs ont fait les gros titres des médias au cours de la semaine de rentrée, la vaste majorité des collectivités territoriales s’efforcent de se conformer au cadre des deux décrets. Mais le débat n’est pas clos, victime de clichés et contre-vérités. Nous les avons passé au crible.
Les coûts de la réforme
La réforme représente un coût pour les collectivités : Vrai.
La mise en place d’activités périscolaires ou péri-éducatives pendant 3 heures supplémentaires représente un coût annuel variant entre 660 millions d’euros selon le Comité des finances locales et un milliard d’euros selon l’ Association des maires de France et la mission d’information sur les rythmes scolaires du Sénat.
L’AMF estime que le coût médian de mise en place de trois heures d’activités périscolaires s’élève à plus de 150 euros par enfant et par an.
Mais, corrélé aux politiques éducatives locales de chaque commune, ainsi qu’aux équipements et ressources propres à chaque territoire, le coût oscille considérablement d’une commune à l’autre : 125,5 euros par enfant à Cergy, mais 323 euros par enfant à Roubaix, par exemple.
Une chose est sûre : moins la commune disposait d’équipements ou d’accueils périscolaires avant la réforme, plus le coût s’alourdit.
Les collectivités reçoivent des aides pour mettre la réforme en place : Vrai.
Aide Etat : 50 euros par enfants, issu d’un fonds d’amorçage de 360 millions d’euros pour 2014/2015. Les communes bénéficiant de la DSU-cible ou DSR-cible reçoivent 45 euros supplémentaires.
L’AMF a obtenu la prorogation du fonds pour 2015/2016, mais cette aide est censée s’arrêter en 2016.
Aide CAF : 54 euros par enfant et par an au maximum, à condition que les Nouvelles activités périscolaires ou Temps d’activités périscolaires (NAP ou TAP) soient organisés selon la réglementation des accueils de loisirs sans hébergement (ALSH), quel que soit le taux d’encadrement appliqué. (Mais toutes les communes n’ont pas fait le choix d’ouvrir des ALSH).
La réforme représente un coût pour les familles : Vrai.
Les impôts locaux financent l’action des collectivités, les familles sont donc sollicitées en premier lieu en tant que contribuables. Par ailleurs, toutes les communes n’ont pas pris l’engagement de la gratuité : nombre d’entre elles font payer la participation aux TAP.
On trouve alors toutes sortes de formules : de 6 à 14 euros le cycle d’activité de 7 semaines à Roncq (Nord), un paiement à l’heure à Douai (Nord) mais la gratuité pour les familles au quotient familial bas, une indexation sur le quotient familial de la ville à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), entre 1 et 2 euros la séance à Fontainebleau (Seine-et-Marne), 91 euros par mois à Croix (Nord), 175 euros par an à Verdun (Meuse), etc.
Il arrive aussi que le TAP soit gratuit, mais pas le périscolaire ou les études (Ris-Orangis, Essonne). Ou que le TAP soit payant, mais les études surveillées gratuites (Troyes, Champagne-Ardenne).
L’organisation de la réforme
Les cours sont obligatoires le mercredi matin : Vrai.
A partir du moment où le projet d’organisation de la semaine a été adopté par le DASEN, les cours du mercredi matin s’imposent aux enseignants et aux élèves. Le décret Peillon permet cependant de placer les cours le samedi matin, sur dérogation. Problème : le mercredi est plébiscité par les parents d’élèves.
Les communes ont l’obligation d’organiser des activités périscolaires après les cours : Faux.
Aucun texte n’oblige les communes à organiser des « TAP » ou « NAP » après les cours. En revanche, la pression des administrés pour que leurs enfants soient pris en charge ou bénéficient d’activités de qualité est telle que peu de communes n’ont rien mis en place.
La réforme pose des problèmes d’organisation aux collectivités : Vrai.
En tête : des questions de financement, de recrutement de personnel qualifié, de mise en place logistique quand le projet ne repose pas sur une concertation avec les enseignants, les animateurs, les services de la ville, les parents, les associations locales.
Prévu pour pallier les problèmes de recrutement d’animateurs qualifiés, les assouplissements Hamon n’ ont pas permis de résoudre toutes ces carences. Le décret Hamon permet de regrouper les activités périscolaires sur 3h, dans l’idée de faire tourner les équipes d’animation d’école en école, voire, de villages en villages.
Mais cela repose sur un prérequis qui ne se vérifie pas toujours sur le terrain : la concertation et l’accord préalables entre communes membres d’un même communauté de communes, SIVOS ou regroupement pédagogique intercommunal…
L’organisation adoptée pour la rentrée 2014 est immuable : Faux.
Si la commune le souhaite, elle peut changer substantiellement son dispositif au bout d’un an, ou de trois ans en cas d’assouplissement Hamon. A tout moment, une commune peut également ajuster son organisation.
La réforme et les enfants
La semaine de 4 jours convient mieux aux enfants : Faux.
En 2001, un rapport de l’INSERM, « Rythmes de l’enfant » préconise « d’éviter la semaine de 4 jours, en particulier dans les zones sensibles ». En 2010, le Rapport sur l’Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant, de Yvan Touitou, Pierre Bégué, va dans le même sens.
En 2014, l’étude Rythmicités de l’attention des enfants et synchronisation, perspective socioécologique conclut que le pire scénario pour les enfants, est celui de la semaine de 4 jours.
La semaine de 4,5 jours convient-elle donc mieux aux enfants ? Les différents spécialistes de l’enfant ne s’accordent pas sur le type d’organisation de la semaine la plus appropriée. Ils pointent surtout, à l’heure qu’il est, les effets néfastes de certaines organisations : ainsi Yvan Touitou a-t-il comparé le choix du vendredi après-midi pour placer les TAP, dans le cadre du décret Hamon, au fait d’imposer un jet-lag consécutif à un vol Paris/New York aux enfants, et ce, toutes les semaines.
Les effets de la semaine de 4,5 jours devraient faire l’objet d’études prochainement, notamment de la part du très récent Observatoire des rythmes et des temps de vie des enfants et des jeunes.
Les enfants qui ont expérimenté la réforme en 2013 ont connu une fatigue accrue : Vrai.
En tous cas, en maternelle. Du coup, nombre de collectivités tentent d’y remédier (Moissy-Cramayel, Saint-Nazaire, par exemple). La conclusion est bien plus nuancée pour les enfants des écoles élémentaires et elle est aussi liée aux choix des parents d’inscrire leurs enfants à des activités sportives et culturelles auprès des associations locales après l’école.
La réforme et les acteurs de la « communauté éducative »
Il manque des animateurs pour assurer des TAP de qualité : Vrai.
Au printemps 2014, le ministère de la Jeunesse et des sports évaluait le besoin en animateurs à 300 000 personnes pour la rentrée 2014. Le 4 septembre, le SEP-UNSA, syndicat représentant les animateurs, réévalue ce chiffre à 370 000.
Or, derrière ce chiffre, se cachent des disparités territoriales : certains territoires ruraux sont ainsi trop excentrés pour attirer des animateurs, surtout si les contrats de travail proposés sont maigres, peu payés et impliquent de couvrir de grandes distances.
Autres territoires particulièrement mal couverts : les grandes agglomérations et la banlieue parisienne, aux besoins importants.
La réforme des rythmes est acceptée par les parents : Vrai et faux.
Selon le sondage CSA- RTL du 2 septembre 2014, 60% des parents y sont opposés. Ils étaient 53% en 2013, au moment où seule une minorité de parents d’élèves étaient effectivement concernés.
Cette réforme polarise cependant les parents d’une façon radicale. Tandis que la FCPE milite activement pour la mise en place d’activités et leur gratuité, un mouvement de parents est né en opposition à la réforme des rythmes : les Gilets jaunes. Ce mouvement est actif auprès des élus frondeurs.
La réforme des rythmes est rejetée par les enseignants : Vrai et faux.
En dépit de critiques, le SNUIPP et le SE-UNSA suivent son application en réclamant des améliorations, tandis que la CGT, Sud et FO en requièrent l’abrogation.
La réforme des rythmes est acceptée par les animateurs : Vrai et faux.
L’esprit de la réforme suscite des enthousiasmes et de grands espoirs de reconnaissance du métier et des compétences des animateurs, ainsi que des valeurs de l’Education populaire.
Son application suscite, elle, beaucoup de colère : l’allégement des taux d’encadrement fait craindre aux animateurs une dévalorisation de leur métier. Le SEP-UNSA réclame, en outre, une plus grande visibilité de l’animation au sein du gouvernement et un lien entre les ministères de la jeunesse, des sports, de la vie associative, de l’Education et de la Culture.
La réforme des rythmes est acceptée par les communes : Vrai et faux.
Aucune des associations d’élus ne repousse l’esprit de la réforme et chacune prend soin de le rappeler dans chaque communiqué de presse ou interview. En revanche, les conditions de son application soulèvent, depuis deux ans maintenant, plusieurs revendications. En tête de ces revendications : un fonds pérenne pour mettre en place les activités périscolaires, des taux d’encadrement des enfants allégés, du temps.
Les enjeux politiques de la réforme
Un maire peut s’abstenir d’appliquer la réforme des rythmes scolaires : Faux.
La réforme porte sur le temps scolaire, qui relève du ministère de l’Education nationale exclusivement. En revanche, un maire est dans son « bon droit » quand il n’organise aucune activité périscolaire. Agit-il alors en « bon père de famille »… la question reste ouverte.
A charge pour lui, en tous cas, de s’en expliquer auprès des parents et d’en assumer les conséquences politiques.
Certains élus ont pris des délibérations rejetant l’application de la réforme des rythmes, à l’image d’Asnières et Levallois -Perret. Saisis de ces délibérations par le préfet, les tribunaux administratifs les ont annulées – voir par exemple le jugement du tribunal administratif de Cergy- Pontoise du 24 juin 2014 concernant ces deux villes.
Le Conseil d’Etat a d’ores et déjà rejeté le recours engagé contre le décret du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire par la Fédération Sud Education et une association de parents d’élèves, dans un arrêt du 2 juillet 2014.
Le Conseil d’État a notamment constaté que le décret attaqué a, juridiquement, pour seul objet de modifier l’organisation de la répartition hebdomadaire des enseignements scolaires délivrés par les écoles maternelles et élémentaires, mais ne régit pas lui-même l’organisation du temps périscolaire.
Il en a déduit que le texte contesté relevait bien de la compétence exclusive de l’État et que, contrairement à ce que soutenaient les requérants, il n’empiétait donc pas sur les compétences des collectivités territoriales, ce qui aurait supposé l’intervention de la loi. Une question prioritaire de constitutionnalité a par ailleurs été déposé devant le Conseil d’état en juin 2014, dont le résultat est prochainement attendu.
Lire : Réforme des rythmes scolaires : un maire peut-il refuser de l’appliquer ? et Rythmes scolaires : au tribunal, les maires récalcitrants rentrent dans le rang
La réforme a débouché sur la valorisation des animateurs : Faux.
C’était pourtant le grand espoir des représentants des animateurs et des Fédérations d’éducation populaire, à l’origine des centres de loisirs et des activités périscolaires. En revanche, les animateurs font maintenant l’objet d’une attention pointilleuse de la part des parents, après avoir subi celle des enseignants.
Il manque un « leadership » de la réforme des rythmes scolaires : Vrai.
C’est le Ministère de l’Education qui a impulsé la réforme des rythmes scolaires. Mais elle pèse directement sur les temps périscolaires à la charge des collectivités. Or, autant le monde enseignant dispose d’un cadre, de référents bien identifiés, avec le Ministère de l’Education, pour tout ce qui a trait au temps scolaire et aux responsabilités des enseignants (voire, des ATSEM sur le temps scolaire), autant les temps périscolaires à la charge des collectivités en manquent. Or, les questions des collectivités abondent sur les responsabilités juridiques.
Les assouplissements de la réforme ont dénaturé l’esprit impulsé par Vincent Peillon : Vrai.
Le fait de ne pas avoir banni le vendredi après-midi a particulièrement été décrié, de même que le renoncement à l’allégement de la journée de classe.