RESPONSABILITÉ: L’usage du mot « responsabilité» dans sa signification courante est relativement récent. Il
paraît se constituer durant la seconde moitié du XVIII’ siècle, pour connaître un beau succès dès le XIX’ siècle. À partir de ce moment, l’idée de responsabilité comme dimension anthropologique fondamentale se stabilise, J.L. Genard, 1999.
E. Kant, 1787, 1797, distingue la responsabilité morale: il n’y a de responsabilité que pour un être raisonnable doué d’une intentionnalité, de la responsabilité civile ou juridique quine concerne que la conformité ou la non-conformité d’un acte à des normes (lois).
F. Nietzsche, 1887, inverse les rapports de la liberté et de la responsabilité: ce n’est pas la liberté qui est le fondement de la responsabilité,mais c’est la capacité à « répondre de sa personne en tant qu’avenir» qui rend l’homme libre.
Caractère de celui qui peut être appelé à répondre des conséquences de ses actes. L’étymologie dérive de res (chose) et de spondere, de spondus: époux, fiancé. Etre responsable d’une chose,c’est être attaché à cette chose par des liens analogues à ceux qui unissent l’époux à l’épouse. Ce qui entraîne aussitôt l’idée de choix, de promesse, de fidélité -en un mot, d’amour. Au-delà de toute obligation de type moral ou juridique, on se sent spontanément responsable de ce qu’on aime,Thibon, 1955.
Qu’est-ce que la responsabilité? Porter le poids des choses, avoir réponse à des questions, répondre des faits, des actes, des erreurs ou des fautes. Qui est responsable et à quel titre? La nature de la (ma) responsabilité peut être pédagogique, philosophique ,administrative, éducative, morale, juridique, judiciaire, matérielle …
Pour E.Lévinas, 1972, la rencontre de l’« Autre» est un mouvement qui me transcende. L’homme ne peut se réduire à la conscience de soi, à l’identité du Moi, et la liberté du sujet n’est pas ce qui fonde la responsabilité, Ma responsabilité pour autrui est un rapport antérieur à tout choix, par lequel l’autre me concerne et m’oblige, avant même que ma conscience ait pu en prendre la décision et sans que personne ne puisse se substituer à moi.
Concept de la raison pratique, à la jonction de la psychologie (genèse de la conscience morale), l’éthique (à dissocier de la culpabilité),du juridique (civil ou pénal), du politique(individuel ou collectif et de l’anthropologie, la responsabilité est la condition de notre humanité, De qui ou de quoi chacun de nous est-il responsable? Singulier ou pluriel? Déontologies ou éthique? Vivons-nous dans une société à responsabilité limitée ou allons-nous nous laisser emporter par une dérive de harcèlement judiciaire? L’idée de responsabilité définit un type de rapport entretenu par l’acteur avec ses actes. Devenue une norme de la pratique, nous avons été éduqués à « la responsabilité». Elle a pour nous une fonction structurante. Elle dessine une de nos dispositions intérieures. La question est de savoir ce qu’il advient de cette norme, et référence, dans une culture politique post moderne. Nous sommes les contemporains d’un nouvel âge de la responsabilité.
Nous sortons d’une société disciplinaire et d’obéissance où l’individu était apprécié pour ses qualités d’exécution d’un travail prescrit par une autorité extérieure (taylorisme) pour entrer dans une société de la responsabilité individuelle mais aussi collective, où les capacités de différenciation, d’autonomie et d’innovation seront les plus recherchées. Dans ce passage, n’y a-t-il pas le risque de passer d’une «société disciplinaire» vers une « société de contrôle», comme le suggérait M. Foucault, 1975 et, après lui, G. Deleuze, 1990, quand il affirmait: « Nous entrons dans des sociétés de contrôle qui fonctionnent non plus par enfermement mais par contrôle continu et communication instantanée? Parler de responsabilité, c’est situer les acteurs face à des valeurs ou à des intérêts supérieurs qu’ils doivent défendre ou auxquels ils doivent se conformer. La notion associe l’appel à une action libre, à l’engagement nécessaire à l’égard de ces principes supérieurs. Pour A. Touraine, 2000, c’est d’une manière inverse qu’il faut définir les droits de la personne. Ils imposent des devoirs de la société plutôt qu’aux acteurs eux-mêmes, mais ils imposent à ceux-ci des exigences intérieures qui sont capables de donner naissance à leur tour à une conscience de responsabilité à
l’égard de soi-même.
La responsabilité est un concept de la raison pratique « établissant la médiation entre la liberté et l’oeuvre, qu’en rendant la place de l’oeuvre dans la liberté, elle devient réelle et efficace, bien que limitée et l’empêche de tomber dans l’utopie libertaire; elle exclut donc tout dogmatisme et tout absolutisme», B. Cadoré, 1994.
La responsabilité peut être considérée « comme imputation causale des actes commis». En constituant une théorie du Principe responsabilité, H. Jonas, 1992, cherche à fonder une éthique pour la civilisation technologique. Quel peut être l’horizon de l’avenir? Le but de l’éducation, c’est être adulte.
L’éducation est une responsabilité partagée. Une nouvelle figure de la responsabilité émerge. L’idée de responsabilité ne renvoie plus, comme jadis à Dieu et à sa Providence, mais à l’homme. Ce nouveau rapport de l’homme moderne avec les techno-sciences a une double face: le recul de l’inéluctable et la précaution, comme modalité de la décision.
Devenant plus puissant, l’homme se découvre paradoxalement plus fragile. L’objet de la responsabilité, c’est le fragile (bio-éco-diversité) dans l’intérêt de la préservation d’un espace habitable par les générations futures.
A. Ehrenberg, 1995, constate que « nous sommes entrés dans une société de responsabilité de soi: chacun doit impérativement se trouver un projet et agir par lui-même pour ne pas être exclu du lien, quelle que soit la faiblesse des ressources culturelles, économiques ou sociales dont il dispose». Les modèles contemporains de l’action publique tendent à individualiser le traitement des problèmes humains, renvoyant la responsabilité de l’échec sur le sujet lui-même. Dans un parcours d’itinérance, l’orientation réunit en elle, trois principes: le principe espoir, le principe espérance et je principe responsabilité. La responsabilité est une question philosophique, M. Neuberg, 1997. D. Alarie et W.G. Daron, Agence canadienne de développement international, 1998, font de la responsabilisation, un élément-clef d’une stratégie du choix vocationnel, considérant que les individus ont besoin dans le cadre de la « nouvelle économie", d’un sens d’autonomie et
d’habiletés en réseautage. « Chacun est responsable de tout devant tous ", Dostoïevski.
L’orientation, comme problème existentiel, est le lieu de la dignité, la mise en marche d’une responsabilité. De ce point de vue, il est légitime de questionner la politique de l’expertise et plus précisément « la tentation irresponsabilisante des sciences humaines", J.L. Genard, 1999. Le psychologue D. Kahneman de Princeton (qui a partagé le Nobel 2002 d’économie avec V. Smith) a montré que le regret est aussi l’expression d’un sentiment de responsabilité pour ses propres choix, auquel un individu ne doit pas être imperméable.
Lorsque l’acteur social est interpellé comme sujet (sujet à), la responsabilisation est une forme d’assujettissement du sujet enjoint d’être un acteur, D. Martuccelli, 2004.
« Les services d’orientation assument injustement la responsabilité de décisions prises par d’autres, puisque ce sont les professeurs qui sont les responsables privilégiés de l’orientation de leurs élèves", (Le Monde de l’éducation, n° 333, février 2005). L’orientation scolaire et professionnelle est une mission du service public de l’Éducation nationale qui implique l’idée de co-responsabilité.
~ Autonomie; Développement durable; Éducation; Éthique; Individu; Médiation; Morale; Philosophie; Valeur; …