RÉSILIENCE:: La résilience consiste à «donner du sens aux épreuves traversées» (Julius Segal).
Concept transdisciplinaire, issu de la psychologie sociale américaine. F. Redl, 1969, introduit le concept d’« égo-résilience » puis décrit le phénomène appelé « invulnerable children ». Ce potentiel présent chez tout un chacun, mais différemment développé a été mis en relation avec les expériences relationnelles précoces, les théories de l’attachement, l’approche psychanalytique, et les thérapeutes cognitivistes,dans des perspectives très différentes.
Le mot est emprunté à la physique pour désigner la capacité de résistance d’un matériau à la pression et aux chocs. En latin, le verbe resilire ajoute une notion de ressaut, de revenir en sautant, de capacité de rebondir après avoir subi le recul du coup ou bien de se reculer vivement. Ces deux significations ont connu des fortunes diverses selon les pays. L’usage scientifique du mot est né autour des années 1950 dans le champ de la psychologie comportementale, avant d’être fortement médiatisé. Plus récemment l’informatique et l’économie ont accueilli ce mot nouveau (Le Monde du 18 mai 2004), mais aussi la sociologie et le développement durable (Le Monde du 31 juillet 2007).
Capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit de l’adversité, à surmonter des traumatismes. La résilience est caractéristique d’une « personnalité blessée mais résistante, souffrante mais heureuse d’espéreT», B. Cyrulnik, 1999. L’individu résilient serait doté des caractéristiques suivantes: un QI élevé, la capacité d’anticiper et de planifier, d’être autonome et efficace dans ses rapports à l’environnement, avoir le sentiment de sa propre valeur, de bonnes capacités d’adaptation relationnelle et d’empathie ainsi que le sens de l’humour.
L’utilisation de ce terme en psychologie remonte au milieu des années soixante, lorsque des chercheurs s’étonnent que des enfants grandissant dans des conditions particulièrement difficiles se développent normalement. L’idée de la transmission intergénérationnelle de la maltraitance psychologique comme un « héritage relationnel» semble remise en cause par l’existence de « ces enfants qui tiennent le coup» dans des situations extrêmes. La résilience peut être comprise comme un état d’équilibre non-pérenne issu du produit de l’interaction entre des facteurs de protection propres à chacun (prédisposition ?) et des facteurs externes (famille, système éducatif, relations sociales), M. Manciaux, 2001.
La capacité à surmonter les évènements de vie difficiles, selon Rutter, 1985, combine plusieurs éléments apparentés: un sens de l’estime de soi et de la confiance en soi; une croyance en sa propre efficacité et aptitude à faire la part du changement et de l’adaptation; un répertoire d’approches permettant la résolution des problèmes sociaux. On le voit, le mot est ambigu, puisqu’il porte la marque du caractère toujours fragile de la grande diversité des mécanismes de défense développés pour faire face au traumatisme. Certains d’entre eux contribuent à renforcer la capacité d’affirmer ses choix personnels, tandis que d’autres poussent à une adhésion inconditionnelle à un groupe. Parle-t-on de résister à un éventuel évènement déstabilisateur ou de se reconstruire à la suite d’un traumatisme? Faut-il réserver la notion de résilience à une personne ou à un groupe?
Le terme de résilience désigne un « pouvoir de récupération» ou l’art de retomber sur ses pieds. Il explique chez les enfants trois types de phénomènes:’ un bon développement, une bonne adaptation malgré la présence de facteurs de risque, le maintien de la compétence malgré les situations stressantes chroniques et une bonne récupération après un traumatisme. Un enfant est d’autant plus résilient qu’il est autonome, accommodant, coopératif et imaginatif. Cette hypothèse permet de comprendre comment un enfant parvient à réussir même si la pédagogie familiale n’est pas orientée vers la réussite scolaire. P. Durning, 1995, propose d’étendre la notion à une capacité de résistance au stress de façon à offrir une perspective nouvelle dans la compréhension de l’adaptation scolaire. On désigne ainsi la plasticité de l’enfant, son aptitude personnelle à s’adapter à des situations qui pourraient lui être préjudiciables. Dans l’explication des performances scolaires, la résilience semble s’appliquer à la maîtrise des normes scolaires, D.Gayet, 1997. Le pédopsychiatre M. Rutter a observé qu’en présence d’exigences élevées, et à condition qu’il bénéficie d’un soutien à la hauteur des attentes dont il est l’objet, l’élève montre une aptitude résiliente. Les spécialistes de la résilience, qui concerne les enfants comme les adultes ayant subi un traumatisme à l’âge adulte, s’intéressent aux facteurs de protection: les facteurs affectifs, cognitifs et conatifs qui peuvent rendre compte d’une forme d’invulnérabilité, une sorte de « ressort invisible". La nécessité de trouver un sens à l’existence à travers le développement d’un projet de vie, la capacité à bénéficier de relations affectives avec les proches, l’aptitude à faire de son expérience personnelle un récit, peuvent constituer des ressources permettant à l’individu de construire des stratégies de résilience et de résister aux chocs. Des facteurs individuels (capacité de sublimation, d’intellectualisation, de contrôle des affects, altruisme, sens de l’humour) et environnementaux (influences culturelles, reconnaissance sociale du traumatisme) semblent jouer un rôle décisif dans le « tricotage de la résilience". À condition de rencontrer des « tuteurs de développement" suffisamment solides et compréhensifs, « les Vilains Petits Canards… qui maîtrisent l’art de naviguer dans les torrents" peuvent passer du traumatisme à l’espoir, B. Cyrulnik, 2001, (créateur du réseau mondial de la résilience).
Un individu, même adulte, pourrait constamment « tricoter" sa résilience à la faveur d’une rencontre signifiante pour lui ou encore grâce à l’art; les traumatismes de l’existence feraient sauter des mailles du « tricot » mais n’interrompraient pas son avancée. Le concept de résilience ouvre sur une non-prédictibilité de l’avenir. La résilience est un anti-destin qu’autorise « le réalisme de l’espérance", S. Tomkiewicz, 2001. Il y a résilience quand le cycle de la violence est brisé: quand d’anciens enfants maltraités deviennent des parents non-maltraitants. J. Lecomte, 2004, l’affirme: on peut guérir de son enfance notamment quand le retissage de liens est rendu possible par un « tuteur de résilience" qui permet à la personne de prendre conscience de sa valeur et l’amène vers d’autres horizons.
Ne risque-t-on pas d’oublier que la résilience n’est en définitive qu’un ajustement à la réalité adverse,ni forcément possible, ni définitivement acquis? Le danger existe de fragiliser ceux et celles qui, malgré tout, « n’y arrivent pas ». Le succès de la notion fait craindre un dévoiement; en tous les cas, il révèle des enjeux éthiques, philosophiques politiques qui traversent les grandes options de notre société.
Pour S. Tisseron, 2007, la résilience est inséparable de la conception d’un « Moi autonome » développée par la psychologie américaine et qui n’est rien d’autre qu’une instance favorisant la réussite des « plus aptes". Cette notion évoque davantage la « lutte pour la vie", chère à Darwin que la distinction morale. En France, une forme de richesse intérieure permet de « cultiver l’art de rebondir". Dans la version anglophone, il a pris la signification de resiliency, (en une vertu sociale associée à la réussite: orienter sa vie pour connaître le succès. On confond le fait de favoriser l’adaptation sociale, avec une forme de réussite assimilée à la vertu).
Au Québec, on considère que dans la vie de toute personne, les crises sont inévitables et l’on cherche face à un choc brutal ou à un changement graduel, à développer des compétences spécifiques (capacité à se projeter dans l’avenir, etc.) permettant de mobiliser des ressources internes qui vont permettre à la personne en situation déstabilisante de chercher du sens à la conjoncture vécue, pour tenter de reprendre le contrôle de sa vie. C’est ainsi qu’émerge la résilience, comme capacité de voir dans une situation de fragilité, une occasion d’apprentissage et de développement personnel, (F. Francoeur, ordre des CRHA et CRIA du Québec, 2006).
Avenir; Conflit; Darwinisme; Événement; Projet; Richesse; Risque; Sens de la vie; Vie; …