PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs



Vient de religare, relier le ciel et la terre, (Benveniste, E., 1969, Le vocabulaire des institutions indo-européennes: Pouvoir, Droit, Religions). Relegere: recueillir,

rassembler. Religio: vénération.

Selon E.Durkheim, 1998, (une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui rassemblent en une même communauté moraleceux qui y adhèrent". On peut faire l’hypothèse anthropologique suivante: les religions offrent des visions qui augmentent ou restreignent notre capacité à nous débrouiller avec le monde et qui permettent aux hommes d’interpréter et d’organiser la vie sociale,personnelle et intellectuelle.

Elles fournissent les principes d’ordre avec lesquels nous bâtissons un cosmos à partir du chaos; ainsi surmontons-nous la pure confusion et l’absence d’orientation qui, de toutes les menaces pesant sur la vie et la dignité humaines, est la plus grande.

Les religions abordent des questions essentielles: Qu’est-ce qu’une vie bonne? Quelles sont nos obligations envers nos proches? La mort est-elle une fin que nous devons redouter ou bien un point de départ vers un monde meilleur? Ceux et celles d’entre nous qui échouent à trouver leur place dans la

société de marché peuvent-ils découvrir d’autres fondements au respect de soi? Etc. Les tentatives de réponse à ces questions exposent chaque individu à sa liberté de conscience dans l’orientation de ses conduites et l’adoption de sa propre voie.

L’homme ne vit pas seulement de pain et de jeux pour satisfaire à un besoin de « divertissement" (Pascal). Les religions existent avant tout parce qu’elles paraissent offrir à leurs fidèles des points de repères pour s’orienter dans les grandes étapes de l’existence, et des réponses aux interrogations sur l’origine et le destin de la vie.

La christianisation a introduit dans notre système d’éducation de nouvelles orientations. La Révélation chrétienne fut conçue comme une « éducation du genre humain" (Lessing).

Pour R.Nouailhat, 2003, « Cette dialectique chrétienne a engendré quelques thématiques anthropologiques qui ont eu de profondes répercutions dans le monde éducatif". Ce sont un sens nouveau de la personne humaine (au XX’ siècle, le personnalisme chrétien d’E. Mounier, par exemple) ; un sens de l’histoire; la conception théologique de l’intelligibilité du monde créé. D’après les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, la pédagogie des jésuites a retenu une règle d’or

essentielle pour l’orientation des personnes: apprendre à décider, à choisir; être autonome, libre.

Il y a en France quatre religions. À côté des trois religions monothéistes (religion chrétienne, juive, musulmane), il existe selon D. Pinto, 2004, une quatrième « religion" : celle de la laïcité. Ce sont quatre traditions liées étroitement aux principaux clivages sociaux.

Au début du siècle passé, M. Weber remarquait: « Fût-il pétri de bonne volonté, l’homme moderne est incapable d’accorder aux idées religieuses l’importance qu’elles méritent pour les conduites, la culture et le caractère national". Dans Confucianisme et taoïsme, le sociologue définissait des objectifs tels que: « éveiller un charisme, dispenser une instruction spécialisée, cultiver une manière de penser et de conduire sa vie". En effet, le développement humain au sens donné par le PNUD c’est-à-dire: « le processus d’amplification des choix de l’individu" résulte d’une alchimie complexe entre de nombreux facteurs matériels et spirituels. La connaissance des relations entre religions et développement justifie une approche multiple:

– au premier degré, on trouve les actes et préceptes religieux agissant directement sur l’économie (quêtes, dons pour les édifices religieux, interdiction ou non du prêt à intérêt, etc.) ;

-le deuxième degré regroupe les préceptes religieux agissant  indirectement sur l’économie (ramadan ou carême, démographie, place accordée à la femme dans la société, etc.) ;

– le troisième degré de facteurs sont les concepts religieux fondamentaux qui forgent la mentalité profonde de l’individu en conditionnant sa vie intellectuelle et sa façon de percevoir le monde, de nouer des relations avec l’autre et, bien sûr, avec l’au-delà: chaque religion crée son paradigme qui structure l’individu et lui permet ou l’empêche d’agir, de découvrir, d’entreprendre, d’engendrer le développement;

– un quatrième degré, relevant de 1’« inconscient collectif", est nécessaire pour expliquer les contradictions apparaissant souvent entre la réalité historique et le discours officiel des religions basé sur les textes fondateurs.

Oser et Gmünder, 1991, considèrent que la religion joue un rôle dans la maîtrise de situations existentielles car « chacun se pose la question de savoir où il va, d’où il vient, ce que sont les hasards de la vie, ce qu’est le milieu qui l’englobe, ce qui le détermine, quel est le sens de sa vie, ce qu’il adviendra au delà de la mort, ce que lui promet la religion ». La religion influence la croissance en stimulant ou en bloquant la créativité, la liberté, en favorisant ou en freinant la confiance entre ses membres, en développant ou non l’égalité entre hommes et femmes. Selon X. Couplet et D. Heuchenne, 1998, les sociétés protestantes, confucianistes et juives (les commentaires du Talmud ont contribué à former l’esprit critique des juifs) sont plus aptes au développement. En moyenne un juif, un confucianiste ou un protestant produit 3 fois plus qu’un catholique, 8 fois plus qu’un orthodoxe, 15 fois plus qu’un musulman et 20 à 40 fois plus qu’un bouddhiste, un hindou ou un animiste. Ces disparités sont inquiétantes, car elles s’amplifient. Le classement des aires culturelles suivant leurs indicateurs de développement permet de constater que chaque religion engendre un niveau spécifique de développement et les écarts entre ces niveaux peuvent varier de 1 à 50. Les pays les plus dynamiques sont toujours ceux qui sont majoritairement confucianistes ou protestants; viennent ensuite les pays catholiques et orthodoxes puis finalement les pays musulmans, bouddhistes, hindouistes et animistes. Dans les entités ayant deux ou trois religions, le résultat des performances économiques est proportionnel au poids des différentes religions. Les statistiques disponibles montrent que les pays majoritairement protestants sont plus « moraux" et que le résultat de cette « bonne conduite Il a un impact sur la société. Le nombre de facteurs freinant ou accélérant le développement dans une aire religieuse est étroitement corrélé à son niveau de développement. Cependant aucune théorie générale du développement ne fait à l’heure actuelle, l’objet d’un consensus au sein de la communauté scientifique internationale. Rien n’est figé, les religions évoluent et le développement est éminemment instable. R.Aron employa le terme de « religion séculière" pour désigner « les doctrines qui prennent dans les âmes de nos contemporains la place de la foi évanouie et qui situent ici bas, dans le lointain de l’avenir, sous forme d’un ordre social à créer, le statut d’humanité" (cité par J. Maisonneuve, 1999). En lisant certains travaux de sociologues, on comprend mieux comment le catholicisme et le protestantisme, associés à des formes de développement très différentes du capitalisme, ont pu assigner des fonctions diamétralement opposées à la technique et à l’enseignement général, C.Baudelot et F. Leclercq, 2005.

La religion est définie par F. de Singly, 2005, comme « un indicateur de la vision du monde social". l’Homo religiosus évolue dans un univers de croyances qui guident son système d’interprétation du monde notamment par rapport à la question du sens de la vie, de la finitude, de la mort et oriente ses conduites tout au long de son existence et dans toutes les sphères de son activité.

Pour l’historien et l’homme de foi, R. Rémond, 2005, « le christianisme n’est pas d’abord une morale, c’est avant tout une pédagogie de la transcendance et de l’incarnation, qui apprend à l’homme contemporain comment il se situe dans l’univers et le temps, au sein d’un projet plus vaste que lui même".

On désigne par « retour du religieux", un intérêt pour la spiritualité dans toutes ses orientations, qui conduit à une reconfiguration du religieux dans des sociétés sécularisés et pluralistes,« une reconfiguration où le religieux apparaît comme une ressource spirituelle, éthique, sociale, identitaire permettant à des individus de s’orienter dans un monde de plus en plus complexe et qui, en lui même, ,e donne plus sens. C’est sur le fond d’une vaste désinstitutionalisation du sens que nos que nos contemporains cherchent à orienter leur vie, J.P. Willaime, 2006.

Les religions sont des systèmes symboliques qui nous renseignent sur la manière dont les hommes et les femmes d’une société, à une époque historique considérée, conçoivent et orientent leur existence. En soulignant les rapports entre rituel et religion, C.Wulf, 2007,montre dans quelles conditions historique et culturelle, l’orientation de nos contemporains se présente dans la configuration nouvelle d’une « société sans voûte céleste", où l’individu devenu « manager de soi-même", fait son choix de vie sur le marché des religions, des conceptions du monde et des formes de la croyance".

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