In L’Interconnexion n’est plus assurée – le 5 juin 2014 :
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On n’a pas fini de s’amuser avec le redécoupage des régions. Chaque média a dessiné ses cartes, imaginé un "redécoupage idéal", ou proposé à ses lecteurs de faire de même. Depuis l’annonce du redécoupage, le lundi 2 juin au soir, Libération joue à comparer les nouvelles entités, en terme de PIB, de taux de chômage ou de miss France élues tandis que les « Décodeurs » du Monde s’intéressent à l’impact électoral de la fusion.
La société Data-publica s’est livrée à un petit jeu d’un autre genre. Avec une application baptisée Regionator 3000 (disponible ici), ce sont les déplacements quotidiens entre les départements, quel que soit le moyen de transport utilisé, qui décident des limites entre les nouvelles entités territoriales. Autrement dit, plus il y a de trajets entre deux départements, plus ceux-ci ont de chances de se retrouver dans la même unité. A chacun de choisir le nombre de régions souhaité, 14, 22 ou pourquoi pas 3. Les données des déplacements, issues des documents publiés par l’Insee, génèreront automatiquement une carte. En principe, les départements associés au sein d’une même région doivent être contigus ce qui n’empêche pas, pour certaines cartes, un "bug", la Bretagne étant liée à la Corse…
Allô, Bordeaux? Ici Périgueux. Cette réorganisation basée sur "le bigdata" n’est après tout pas plus stupide que le redécoupage sur un coin de table, entouré de quelques conseillers… D’ailleurs, Serge Antoine, le jeune énarque qui avait, en 1956, dessiné la carte des actuelles régions s’était notamment basé sur les données des appels téléphoniques, rapporte L’Express. Puisqu’à Nîmes on appelait davantage Montpellier que Marseille, le Gard s’était retrouvé dans le Languedoc et non en Provence. De même, Périgueux téléphonait plus à Bordeaux qu’à Limoges, ce qui avait valu à la Dordogne d’être rattachée à l’Aquitaine plutôt qu’au Limousin…
Les bassins d’emploi. Regionator 3000 dessine, en quelque sorte, les bassins d’emploi, et cela recèle quelques belles surprises. On observera ainsi que pas une carte, ni celle qui comprend 22 régions, ni celle qui en compte 14, ni aucune autre, ne ressemble au découpage actuel. Ce qui signifie que les limites choisies ne sont pas très pertinentes, en tous cas du point de vue des transports et des échanges.
Alsace-Lorraine, deux Normandies. La carte des bassins d’emploi la plus pertinente car la plus affinée (donc avec 22 entités) raconte par ailleurs pas mal de choses. Ainsi, l’Alsace et la Lorraine sont manifestement très proches, n’en déplaisent à ceux qui mettent en avant l’identité alsacienne pour espérer conserver un conseil régional pour eux seuls. Le Nord-Pas-de-Calais, en revanche, présente une belle unité géographique, tout comme, à l’autre bout du pays, les départements de la Drôme et de l’Ardèche. L’Ile-de-France est partagée entre est et ouest, ce qui réfute l’idée reçue selon laquelle l’on construirait des logements à l’est et des bureaux à l’ouest.
Nantes n’est pas en Bretagne. La Loire-Atlantique, qu’on le veuille ou non, est bien plus tournée vers ses voisins de la région Pays de la Loire, Vendée et Maine-et-Loire, que vers la Bretagne. Et il en est ainsi sur la plupart des cartes générées par Regionator, sauf évidemment lorsqu’on dessine de très grandes régions. Les deux Normandies sont bel et bien séparées et se rattachent même, pour l’une, à l’ouest de la Picardie, et pour l’autre, à la Sarthe et à la Mayenne. Lyon regarde vers le nord, Marseille vers l’ouest, Dijon vers le sud et Toulouse vers l’est. Bien sûr, les cartes prendraient d’autres formes si elles intégraient d’autres données de déplacements journaliers, ceux des frontaliers. On verrait sans doute se rapprocher Nice et Monaco, la Moselle et le Luxembourg ou encore le Haut-Rhin et les cantons de Bâle. Cela s’appelle faire l’Europe.
Les têtes chercheuses de Data-publica ont poussé le jeu jusqu’à créer "un petit algorithme pour générer automatiquement un nom à partir des noms des anciennes régions". Bienvenue en Pyréssillon, Losace ou Poiquitane. Et vivement le redécoupage des structures intercommunales, qu’on continue de s’amuser !
D’autres élucubrations cartographiques
L’intercommunalité, cet objet territorial mal identifié qui porte un nom bucolique